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Full text of "DFIFAO 2.3 Vandier d'Abbadie, Jacques - Catalogue des Ostraca Figurés de Deir El Médineh (1946)"

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♦ MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE 


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DOCUMENTS DE FOUILLES PUBLIÉS PAR LES MEMBRES DE L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

DU CAIRE. — TOME II 


J. VAINDIER D’ABBADIE 


CATALOGUE 

DES 

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OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH 

TROISIÈME FASCICULE 









LE CAIBË 

IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS 

D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 







1946 

Tous droits de reproduction réservés 


Le volume contient les planches XCIII à X€V et 
les pages 15^ à 160 qui sont à insérer dans le 
2 e fascicule de cet ouvrage. 



DOCUMENTS DE FOUILLES 


DE 

L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

DU CAIRE 


TOME DEUXIÈME 


MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE 


7391-3 

2-3 


DOCUMENTS DE FOUILLES PUBLIÉS PAR LES MEMBRES DE L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

DU CAIRE. — TOME II 


J. VAND1ER D’ABBADIE 


CATALOGUE 

DES * 

OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH 

TROISIÈME FASCICULE 




LE CAIRE 

IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS 
D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 


1946 

Tous droits de reproduction réservés 


PRÉFACE. 


Les planches du Catalogue des Ostraca figurés de Deir el-Medineh 
parurent en deux fascicules, le premier en 1936 et le second en 1987. 

On annonçait avec ce second fascicule la prochaine publication du 
commentaire de ces ostraca. Les tragiques événements mondiaux ont 
arrêté la rédaction définitive de ce travail et retardé sa publication. 

Les relations avec le Caire étant devenues impossibles, ce n’est qu’en 
avril 19^5, après la Libération, que le manuscrit a pu être porté au 
Caire, grâce à M. C. Robichon, que je tiens à remercier pour son extrême 
complaisance. 

Qu’il me soit permis d’exprimer toute ma gratitude à M. Kuentz, 
directeur de l’Institut français, pour la bienveillance qu’il n’a cessé de 
me montrer dans l’élaboration de ce travail. 

Je tiens aussi à remercier M. Bruyère qui s’est chargé de relire entiè- 
rement le manuscrit et qui m’a donné maints renseignements précieux 
sur tout ce qui concerne ce site de Deir el-Medineh que personne ne connaît 
mieux que lui. 

Enfin mes remercîments vont également à M. Mettler, directeur de 
l’Imprimerie de l’Institut français pour le soin et la complaisance que son 
personnel et lui-même ont déployés pour mener à bonne fin l'impression 
de ce volume. 


Paris, février 19/16. 


PRINCIPALES ABRÉVIATIONS. 


À. Z. = Zeitschrift fur agyptische Sprache und Altertumskunde . Leipzig. 

B. I. F. A. 0. = Bulletin de Y Institut français d'archéologie orientale . Le Caire, 

Cat . Mus. du Caire = Catalogue général des Antiquités égyptiennes du Musée du Caire. Le Caire. 
Oetr el-Medineh = B. Bruyère, Rapport sur les fouilles de Deir eUMedineh. Le Caire. 

J. E. A. = The Journal of Egyptian archaeology. Londres. 

M. i. .F. A. 0. = Mémoires publiés par les Membres de V Institut français d’archéologie orientale du Caire. 
Le Caire. 

Mût. AaiVo = Mitteilungen des deutschen Instituts fur agyptische Altertumskunde in Kairo. Berlin. 

P. S. B. A. = Proceeding of the Society of Biblical archaeology. Londres. 

Rec. Trav . =» Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes et assyriennes. Paris. 
Urk. IV = Sethe, Urkunden der 18 . Dynastie. 

W. B. = Euman-Grapow, Wôrterbuch der agyptischen Sprache. Leipzig. 

Wreszinski, Atlas. = Wreszinski, Atlas zur altâgyptischen Kulturgeschichte. 


LES OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


ÉTUDE GÉNÉRALE. 


INTRODUCTION. 

Tous les ostraca publiés dans ce catalogue proviennent d’un village datant de la 
XIX e ef de la XX e dynasties, qui était construit sur le site actuel de Deir el-Medineh. 
Ils ont été trouvés, sauf quelques exceptions, au cours des fouilles effectuées, depuis 
1922, par l’Institut français d’Archéologie orientale du Caire. Les uns étaient enfouis 
et dispersés dans les décombres des maisons; les autres furent découverts, soit dans 
un monceau de déblais accumulés en dehors du village, au pied du mur d’enceinte 
du Sud, soit parmi des débris dans les ruines des chapelles votives W. 

Ces dessins exécutés sur des morceaux de calcaire ou sur des fragments de vaisselle, 
étaient, qu’ils fussent réussis ou non, négligemment jetés sur le sol lorsque leur 
auteur les avait terminés, ou lorsqu’il n’en avait plus l’utilisation. Il est probable 
qu’ils n’avaient aux yeux des artistes qu’une faible importance; c’est pourquoi ces 
ostraca, pour la plupart, ont été retrouvés cassés, maculés ou effacés. Quelques 
fragments ont pu être rassemblés et recollés, mais il en reste malheureusement une 
grande quantité qu’il est, pour le moment, impossible de compléter. Cependant la 
publication des ostraca provenant des collections étrangères permettrait de recon- 
stituer des sujets aujourd’hui fragmentaires. En effet, le site de Deir el-Medineh, qui 
a été exploité depuis fort longtemps W a fourni à différents musées d’Europe, entre 
autres à Berlin W, à Turin < 4) , à Bruxelles < 5 ), à Londres et au Louvre W, pour ne citer 
/ 

(1) B. Bruyère, Deir el-Medineh, 1980, p. 6. 

(2) Une grande partie des collections réunies par Drovetti et par Sait provient de Deir el-Medineh, Depuis 
lors, des missions italiennes et allemandes, respectivement dirigées par Schiaparclli et par Môller, ont 
entrepris une fouille exhaustive qui vient d’être menée à bien par M, B. Bruyère pour le compte de l’Institut 
français d’ Archéologie orientale du Caire. 

(3) Les ostraca figurés du Musée de Berlin ont été publiés par Schafer, Agyptische Zeichnungen auf 
Schwben, dans Jahrbuch d . k . Preusz . Kunstsammlungen (1916), Heft I et IL Une nouvelle publication détaillée 
a été entreprise récemment par M me Brunner-Traut. 

(4) Un petit nombre provient des fouilles de Schiaparelli dans la Vallée des Reines et est publié dans son 
ouvrage : Relazioni sui lavori délia Missione archeologica in Egitto (1 908-20), vol. I, p. 167, fig. 120 à 1 24 . 

(6) Quelques-uns sont publiés par M, Werbrouck, Bulletin des Musées royaux d’ Art et d } Histoire, Bruxelles, 
septembre 1982, p. 106-109; nov.-déc. 1934, p. i 38 . 

(6) Dont une partie provenant des fouilles de l’I. F. A. O. est publiée dans ce catalogue. 


Documents de fouilles, t. Il, 3. 


1 


2 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


que les plus importantes collections, un grand nombre d’ostraca. On en trouve ega- 
lement dans les musées d’Amérique, ainsi que dans plusieurs collections particulières. 
Enfin, on doit faire une place à part à l’ensemble qui est actuellement conserve au 
Musée du Caire M. Il est probable qu’on trouvera dans ces différentes collections 
plusieurs fragments qui permettront, comme nous l’avons déjà remarque, de recon- 
stituer des ensembles. ( ,, 

Si Deir el-Medineh a été pendant plusieurs années une mine inépuisable d ostraca 

hiératiques et d’ostraca figurés, ce n’est cependant pas le seul site qui ait livré aux 

recherches des fouilleurs des objets de ce genre. Parmi 
de très intéressants objets trouvés il y a peu de temps 
à Saqqarah, dans la tombe d’Hémaka < 2 >, et datant de 
la I re dynastie, on doit citer un dessin sur calcaire 
figurant un taureau à longues cornes s avançant vers 
la droite; au-dessous de lui, à un registre inférieur, 
marche un petit singe (fig. i)' 3) . Cet ostracon figuré 
est le plus ancien qu’on ait retrouvé jusqu à main- 
tenant et il est curieux de constater que malgré son 
ancienneté il offre beaucoup d’analogies, aussi bien dans le sujet que dans le style, 
avec certains ostraca figurés de Deir el-Medineh. A peine peut-on trouver un peu 

moins de souplesse et de liberté dans le dessin. . 

D’autres spécimens, datant, comme ceux de Deir el-Medineh, du Nouvel Empire, 
ont été trouvés dans la région thébaine. C’est, en effet, de certaines tombes royales 
fouillées par Davis que proviennent de nombreux ostraca figurés, conservés au Musee 
du Caire M. Ils représentent, presque tous, des rois ou des scènes religieuses, qui, 
vraisemblablement, étaient des exercices pour les grandes scènes décoratives qui 
ornaient les parois des tombes royales. Tous ces dessins sont empreints de cet esprit 
officiel et traditionnel qui caractérise les décorations des tombes de la Vallee des Dois 
et dont sont dépourvus, précisément, la plupart des ostraca de Deir el-Medmeh. 
Cependant, quoique de genre et de sujets un peu différents, ils étaient dus, les uns 
et les autres, aux pinceaux des mêmes artistes, puisque les habitants de ce village 
étaient des ouvriers de la nécropole royale. On reconnaît d’ailleurs sur des esquisses 
provenant de Deir el-Medineh, certaines têtes de rois par exemple, la même « facture », 
le même trait que l’on remarque dans l’exécution de certains dessins du Musée du Caire 5 . 

« Daresst , Ostraca (Catalogue général du Musée du Caire) . Une autre partie de la collection est constituée par 
plusieurs pièces qui proviennent des fouilles de Deir el-Medineh et qm sont publiées dans notre catalogue. 

P) Fouilles du Service des Antiquités d’Égypte. 

(»> W. B. Emery, The tomb of Hemaka, pl. 19, n” 43 1 . 

(*) On peutTomparer, par exemple, le dessin 2 5 7 3 de notre catalogue avec l’ostracon n’ 2 5 i 5 7 , 
pl. XXX, du catalogue de Daressy, on y trouvera des analogies frappantes dans le style et la facture, 
qui font penser que le même artiste est l’auteur de ces deux dessins. 



Fig. 1. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


3 


A Deir el-Bahari, non loin de Deir el-Medineh, au cours des fouilles du « Metro- 
politan Muséum» W, quelques ostraca ont également été mis au jour. Les uns, bien 
qu’ils proviennent d’une tombe de la XXVI e dynastie, se rapprochent plutôt, par 
leurs sujets comme par leur style, des dessins de la XIX e ou de la XX e dynastie; les 
autres, qui proviennent du temple de Deir el-Bahari, sont attribués par les fouilleurs 
à la XVIII e dynastie. Quelques dessins sur poterie ont également été trouvés au cours 
des fouilles du temple d’Amenhotep, fils d’Hapou, près de Medinet-Habou, et au 
cours de celles qui ont été faites récemment au col de la Vallée des Rois ( 2 ), mais aucun 
des lots trouvés dans ces différents sites ne saurait être comparé, aussi bien par le 
nombre des ostraca que par la diversité des sujets représentés, au lot important qui 
provient de Deir el-Medineh. 

Comme l’a fait remarquer Davies (*) après Schafer M, le grand nombre de ces 
fragments de calcaire décorés trouvés dans le village de Deir el-Medineh s’explique 
par la facilité qu’avaient les artistes à se procurer la matière première sur laquelle 
ils exerçaient leurs pinceaux et leur fantaisie. C’étaient des éclats de calcaire tombés 
de la falaise rocheuse du désert et que l’on trouve à profusion dans toute cette partie 
de la région thébaine. Les peintres se servaient aussi, mais en moins grand nombre, 
de débris de poteries. Ils utilisaient ces fragments comme les dessinateurs modernes 
emploient les feuillets de leur album de croquis. Ils pouvaient, sans précaution et 
sans contrainte, esquisser leurs projets, se divertir en composant des scènes amusantes 
ou satiriques ou faire exécuter par de jeunes élèves des exercices et des croquis de 
mémoire W. Cette liberté leur était permise sur ces morceaux de pierres sans valeur, 
qu’ils pouvaient jeter, et facilement remplacer, à mesure qu’ils étaient décorés ; au 
contraire, elle leur était interdite sur les rares et coûteux papyrus, dont ils ne devaient 
se servir que pour un usage bien déterminé. Aussi est-on tenté de conclure que cette 
verve, cette fantaisie et ce laisser-aller, si rares dans l’art égyptien, et qui sont les 
traits dominants des dessins et peintures sur ostraca, sont dus au peu de valeur des 
matériaux utilisés. 

Le procédé de travail sur ces fragments de pierres était très simple. L’artiste, bien 
qu’il ne fût pas gêné, à l’occasion, par les irrégularités de la pierre, choisissait, 

(l) Bulletin of the Metr. Mus . of Art (New York), Eg . Exp ., 1922-1923, p. 23 , fig. 16, p. 35 , 
fig. 29. Cf. aussi quelques ostraca trouvés par Naville dans ses fouilles au temple de Mentouhotep III, 
The XIth dynasty temple at Deir el Bahari , III, pl. XXII. 

(î) Bruyère, Deir el-Medineh , 1934-1935, p. 345 à 364 . 

{3) J. E. A . (1917), p. 2 34 . 

(4) Agyplische Zeichnungen auf Scherben , p. 2 4 . 

(5) Certains ostraca servaient d’ex-voto, comme on le verra plus loin. Ils remplaçaient ainsi les stèles 
quand le dédicant n’avait pas la fortune ou le temps d’offrir au dieu une pierre sculptée. Il faut signaler 
également quelques ostraca figurés trouvés dans les maisons du village de la XVIII e dynastie à Tell el- 
Àmarna. Cf. Frankfort and Pendlebury, The city of Akhenaten, II, pl. XXXV, et d’autres qui proviennent 
du Ramesseum et qui font partie maintenant des collections de l’University College de Londres. Petrie, 
Six temples at Thebes, pl. VI,. 


k J. VANDIER D’ABBADIE. 

/ . 

lorsqu’il le pouvait, un morceau de calcaire présentant une surface lisse. Il lui arrivait 
même d’égaliser et de polir la surface sur laquelle il se proposait de tracer son dessin ; 
ce n est d ailleurs qu exceptionnellement que les ostraca ont subi une préparation 
aussi soignée. Le morceau étant choisi, l’artiste esquissait généralement son sujet 
avec de légers traits à l’ocre-rouge, puis il reprenait son dessin d’un trait ferme à 

I encre noire (cf. 2336-2568^2570-2620, etc.). Lorsque l’esquisse était colorée 
au lieu d’être simplement dessinée, le peintre se servait de couleurs délayées à l’eau. 

II est possible qu’il y ait ajouté une espèce de gomme permettant l’adhésion plus 
complète de la couleur; sur les murs préparés des tombes, les artistes mêlaient cer- 
tainement à leur peinture une résine ou une cire, généralement de la cire d’abeilles, 
qui était fondue et melangee aux couleurs, ou passée sur certains tons à la manière 
d un vernis Cependant le calcaire étant une pierre très absorbante, il est probable 
que la couleur était posee et tenait sans le secours d’aucun medium. Lorsque l’artiste 
avait mis la couleur, il affirmait les contours de son sujet en les reprenant avec un 
trait noir qui leur donnait 1 accent et la vigueur nécessaires. Les dessins étaient rare- 
ment repris ou corriges, les maladroits jetaient l’esquisse manquée pour s’exercer 
sur une autre pierre. Les quelques corrections qu’on peut relever sur certains ostraca 
sont probablement faites par un maître sur l’essai malheureux ou hésitant d’un dé- 
butant. Quant aux bons dessinateurs, ils avaient une telle habileté, une telle sûreté 
de main, qu’on a l’impression en regardant ces ostraca qu’ils sont à la fois le produit 
d’une spontanéité jaillissante et d’une remarquable virtuosité. Ces dessins ne sont 
cependant que des manifestations d’un art provincial, œuvres, non pas de véritables 
artistes peut-etre, mais d artisans remarquablement doués qui surent par leur verve 
et par leur adresse créer parfois de véritables petits chefs-d’œuvre. 

Les couleurs étaient naturellement les mêmes que celles utilisées dans les tombeaux, 
mais le noir et l’ocre-rouge dominent le plus souvent. Ce sont, en tous cas, les deux 
tons les mieux conservés. Cependant on retrouve quelquefois des jaunes et certains 
bleus, qui bien que très fragiles se sont maintenus assez frais. Le vert qui était un 
peu plus solide s’est, dans beaucoup de cas, très bien conservé. 

Toutes ces couleurs étaient des couleurs naturelles; certaines d’entre elles se trouvaient, 
et se trouvent encore, dans la montagne thébaine. C’est ainsi que l’ocre-rouge, qui est 
un oxyde naturel de fer, et 1 ocre-jaune (oxyde de fer hydraté) se trouvent sous forme 
de pierres dans le Gebel. Le blanc était un carbonate ou un sulfate de calcium et le 
noir provenait d un charbon de bois. Le bleu était probablement un silicate de cuivre 
calcique et formait, mélangé à l’ocre-jaune, le vert. Cependant on obtenait aussi un 
autre vert avec de la malachite broyée. Il y avait également un jaune d’une autre qualité 
que l’ocre ; il était probablement le produit de l’orpiment ou sulfure naturel d’arsenic ( 2 L 

(1) E. Mackay, Ancient Egypt , part II, 1920, p. 35 . 

(S) Tous ces renseignements sont tirés de la remarquable étude de M. Lucas, Ancient Egyptian Materials 
and Industries (2 e éd. 1934 ), p. 282, seq. 


5 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

Lorsque la poudre colorée était préparée et broyée, elle était agglomérée en forme 
de grands pains discoïdes assez épais, dont il suffisait de délayer quelques parcelles 
au fur et a mesure des besoins. De semblables pains de bleu et de vert ont été retrouvés 
au cours des fouilles de Deir el-Medineh W. 

Il n y avait, en somme, dans la technique de cette peinture, rien qui différât réel- 
lement de celle qui présidait à la décoration murale. Les couleurs comme les instru- 
ments étaient les mêmes. Lorsque l’artiste rentrait chez lui après de longues 
journées passées au fond d’une tombe royale, il s’amusait, probablement par délas- 
sement, à tracer quelques esquisses libres sur ces pierres, et pour cela il reprenait 
le calame et la palette encore toute chargée de couleurs. Les palettes de scribes en 
bois et de forme allongée comportaient plusieurs godets pour les couleurs différentes. 
Mais il est vraisemblable que ces sortes de palettes, dont un grand nombre a été 
retrouvé dans des mobiliers funéraires, ne servaient qu’aux scribes écrivains, à ceux 
qui traçaient les hiéroglyphes; les peintres, eux, ayant de grandes surfaces à colorer 
devaient se servir de plus grandes palettes. On a retrouvé, dans les fouilles de Deir 
el-Medineh, de simples assiettes ou des fragments d’assiettes en terre cuite, ainsi que 
des coquilles de cyprins de la mer Rouge, remplis encore de couleurs^ et dans les- 
quels les artistes pouvaient délayer une assez grande quantité de couleur; c’est 
vraisemblablement cet humble matériel qui constituait les véritables palettes des 
peintres décorateurs de monuments. 

Lorsqu on se représente l’activité qui devait régner dans toute cette partie de la 
région thébaine à 1 époque où les grands pharaons faisaient préparer leurs tombes, 
on s explique le nombre de scribes, peintres et dessinateurs qui vécurent dans ce 
village et, par cela même, l’énorme quantité d’ostraca figurés qui fut retrouvée dans 
les maisons de ces ouvriers de la nécropole royale. 

La date de ces petites peintures est assez bien indiquée par celle du village dans 
lequel elles ont été retrouvées et qu’il faut situer entre la XIX e et la XXI e dynastie. 
La fondation même de ce village date, en réalité, de la XVIII e dynastie, mais il ne 
semble pas qu il y ait eu à ce moment une activité comparable à celle qu’il y eut plus 
tard à 1 époque ramesside. Si certains sujets peints sur les ostraca paraissent appar- 
tenir plutôt à la XVIII e dynastie, c’est qu’ils ont été transmis par la tradition ou que 
les artistes se sont inspirés, pour les composer, de peintures vues dans les tombes 
de cette époque. Nous pouvons nous appuyer avec certitude pour cette datation sur 
les ostraca littéraires et non littéraires^ de Deir el-Medineh. Ces derniers ont pu 
être datés de façon précise par Gernÿ qui s’est fondé sur l’épigraphie et sur les 

Bruyère, Deir el-Medineh^ i934-ig35, p. 270, fig. 1 4 1 . 

^ Une statue d’Àmenhotep, fils d’IIapou, au Musée du Caire porte dans ses accessoires de scribe, une 
valve de cyprin. 

(3) CERNtf , Les ostraca non littéraires de Deir el-Medineh , et Posener, Les ostraca littéraires de Deir el-Medineh , 
dans Documents de VL F. A. O., t. I et III. 


6 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


cartouches royaux relevés sur plusieurs pièces. C’est ainsi que les monuments trouvés 
dans Un kôm fouillé en 1929 (K 2) peuvent être datés de la XIX e dynastie et, plus 
précisément, d’après les ostraca étudiés par Cernÿ, des règnes de Séti I er et de 
Ramsès II, tandis que le Kôm du Sud fouillé en 1980 a donné des objets datant 
de Ramsès III et Ramsès IV. Or les ostraca figurés ont été précisément retrouvés aux 
mêmes endroits que les ostraca inscrits, dans les maisons détruites du village et dans 
les kôms de déblais; d’autre part, la partie du village construite à la XVIII e dynastie 
ne nous a livré aucun ostracon figuré ; le rapprochement de ces deux circonstances ne 
peut donc nous laisser aucun doute sur la date de nos dessins. 

Les sujets représentés sur les ostraca peuvent se classer en séries. C’est pourquoi 
ils ont été réunis en groupe dans le catalogue. Cependant, il est arrivé, dans beaucoup 
de cas, qu’un sujet ne nous soit connu que par un seul exemplaire. Cela ne signifie 
évidemment pas que ce sujet soit unique : des variantes d’une même scène ont pu 
être détruites, perdues ou volées et échapper ainsi à notre connaissance. Il n’en reste 
pas moins vraisemblable que les thèmes dont nous possédons actuellement le plus 
grand nombre de répliques, ont joui, sans doute, d’une plus grande faveur auprès 
des peintres de cette époque. 

Pour l’examen de chacun de ces sujets on suivra, dans cette étude, l’ordre qui a été 
observé dans le catalogue. 

A. — Des singes, des palmiers, voilà deux éléments typiquement représentatifs de 
tout paysage africain, qu’on ne s’étonne pas de trouver en très grand nombre dans 
les scènes figurées sur les ostraca. Celles qui représentent des singes grimpant au 
tronc d’un palmier-doum, montrent généralement deux singes placés de chaque côté 
d’un tronc et tournant la tête d’un geste vif comme pour regarder derrière eux; 
souvent un homme attend au pied de l’arbre tenant dans sa main l’extrémité d’un 
lien qui entoure la taille des animaux (aoo 3 , 200A). Les couleurs de ces composi- 
tions sont toujours à peu près semblables : le pelage des singes est d’un ton verdâtre 
assez foncé ; le visage, les mains et les pieds sont ocre-rouge, de cette couleur habituel- 
lement employée pour peindre l’épiderme et ils ont sur les oreilles des touffes de 
poils blanc-jaunâtre. Le tronc de l’arbre est d’un ton brun-rouge, rayé de zones 
noires indiquant les traces des anciennes branches tombées au fur et à mesure de la 
croissance de l’arbre. Les fruits disposés en grappes volumineuses sont ocre-rouge 
et les feuilles vertes. Ces couleurs, habituelles à ces scènes, sont les couleurs de base 
qu’on retrouvera dans tous les ostraca peints, mêlées parfois à quelques tons plus 
fragiles et plus rares. 

On a vu que l’arbre représenté dans ces scènes appartenait à cette espèce de palmier 
qu’on appelle en Égypte dôm ( Hyphaene Thebaica ) b). On le rencontre fréquemment 

(1) V. Loret, Rec de Trav., II, p. 21 ; Delille, La flore égyptienne, pi. I et II (Description de l’Égypte , 
II" N 11 ' Botanique, t. II). 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


7 


en Égypte, spécialement dans la région thébaine. Il présente un tronc droit qui, à une 
certaine hauteur, se divise en deux branches, et de larges feuilles en forme d’éventail. 
Ses fruits ont l’aspect de grosses noix à écorce brune et lisse. 

Le nom égyptien du palmier-dôm est : ^ ^ ou y ^ y ^ et se rencontre 
dans les textes à partir du Nouvel Empire M. Le fruit, qui était une offrande funéraire 
qu’on retrouve souvent dans les tombes, était désigné sous le nom de : ' ' , * ( ( 2 b 

Cet arbre a été particulièrement bien observé et dessiné sur les ostraca avec sa 
silhouette caractéristique, ses larges feuilles et ses grosses et lourdes grappes de noix. 
Il arrive même que des détails soient minutieusement indiqués : ici (200 1 , 2oo4), les 
spathes peintes en jaune clair sont dessinées avec une extrême précision ; ailleurs (2009), 
les zones piquantes qui entourent l’arbre sont détaillées par l’artiste au lieu d’être 
simplement interprétées, selon l’habitude, comme de larges bandes parallèles. De toutes 
façons, dans la plupart de ces compositions, l’arbre, qui est le sujet central, est dessiné 
avec un sens décoratif et un sentiment de l’équilibre des masses tout à fait heureux. 

Nous avons vu que les singes < 3 ) étaient tous colorés d’un ton gris-vert qui devenait 
blanc-jaunâtre sur les oreilles et que leur visage, leurs mains et leur postérieur, dégar- 
nis de poils, étaient colorés d’un ton rose, couleur chair. Ce sont là les caractéristiques 
du babouin (Papio Hamadrias ) M, qui est un singe de la famille des cynocéphales. Les 
mâles de cette espèce ont les épaules et la partie antérieure du corps recouvertes d’un 
camail, épais manteau de longs poils. Les singes, figurés sur nos documents, ne portent 
pas ce camail ; ce sont des femelles dont le poil est beaucoup plus court ( 5 h Le caractère 
indomptable des mâles les rendait impropres à l’utilisation domestique. Les femelles, 
au contraire, plus douces et plus faciles, s’apprivoisaient aisément. 

Les singes étaient importés de Nubie ; les représentations des temples et des tom- 
beaux en font foi : de nombreuses scènes figurent les tributs livrés par les pays du Sud 
au Pharaon. Ce sont tantôt des Nubiens qui apportent, au milieu des produits de leur 
pays, de petits singes juchés sur leurs épaules! 6 ), tantôt des esclaves du Pount qui con- 
duisent des animaux de toutes sortes et entre autres des singes hamadryas et des singes 
de plus petite taille ( 7 ) . On sait que sur les murs du temple de Deir el-Rahari , un paysage 
du pays de Pount montre des singes qui grimpent aux troncs des palmiers comme sur 
les ostraca. Sur un autre registre, ces agiles petits animaux courent dans les cordages 
des navires égyptiens qui appareillent pour regagner leur pays. 

(1) W. B II, p. 29. Cependant on a récemment relevé dans une tombe inédite (à paraître prochai- 
nement) de la I r€ période intermédiaire le mot ÿ -*>- ÿ ^ , désignant sans doute le 

palmier (J. Vandier, Mo c aüa y pilier V, pan I, 1 . 5 ). 

W. B., V, p. ai. 

(3} Hartmann, U agriculture dans VAnc. Ég p. 216. 

(4) Anderson, Zoology of Egypt (Mammalia), p. 208, pl. I. 

Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V ancienne Égypte , 2 e série, 1905, p. 208. 

<•> Virey, M. M. F. C., V, p. 387 (Tombe d’Amunzeh), pl. VI. 

(7} Ibid. , pl. IV et VI (Tombe de Rekhmirë'). 


8 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Un texte bien connu sembie confirmer l’exotisme du singe. C’est le récit du marin 
naufragé à qui le serpent, maître de l’île merveilleuse, fait des présents remarquables 
parmi lesquels figurent des singes de deux espèces différentes W. 

Les singes devaient donc être considérés, en Égypte, comme des animaux rares, et, 
pour cela même, être d’autant plus précieux. Il est probable qu’ils devaient être recher- 
chés comme curiosité et comme distraction et qu’ils jouaient dans la demeure des riches 
Égyptiens le rôle de bouffons ou d’animaux familiers, comme les chiens ou les chats, 
puisqu’on les trouve quelquefois installés, comme les animaux domestiques, sous le 
siège du mort dans les scènes funéraires < (l) 2 L 

Les esclaves qui prenaient soin des singes sont plusieurs fois représentés sur les os- 
traca figurés sous les traits de nègres. C’étaient sans doute des Nubiens qu’on affectait 
de préférence à la garde de ces animaux qui, venant du même pays qu’eux, leur étaient 
plus familiers qu’aux Égyptiens. 

Nous avons dit que dans le récit du Naufragé, il était question de deux espèces 
différentes de singes. Les uns sont appelés : ® ^ » — ytf- et les autres : w » | ^ ^ Jrf- j 
M. Golénischeff fait remarquer que ce dernier nom est très rare dans les textes égyptiens 
et ne devait pas être connu sous l’Ancien Empire; il signale qu’Erman en donne un 
autre exemple tiré du Livre des Morts W . On trouve ce mot deux fois sur les ostraca fi- 
gurés reproduit avec deux orthographes différentes . La première fois il est écrit : ^ ^ f 1 4 
(2 o 3 5 ), et la seconde fois: (20A2). Dans ce dernier exemple, il est précédé de 

l’article féminin-^, il désigne par conséquent une guenon. Dans les deux dessins 
l’animal représenté est manifestement un cynocéphale, semblable à ceux qu’on voit 
sur les autres ostraca. 

Ces deux dessins apportent deux certitudes quant au mot kjkj ou kl kl la première, 
c’est qu’il désigne bien le babouin, la seconde que le redoublement indiqué par ©« 
dans différentes orthographes du mot, dont la plus courante est : T* 1 1 ^ (W. B., 1 1 b, 
12) s’applique non pas à la dernière lettre mais au mot tout entier (2o35) et qu’il faut 
lire non pas kjj, mais kjkj. 

Pour le mot gf , qui est beaucoup plus répandu à toutes les époques, il désigne, prin- 
cipalement dans certaines tombes du Moyen-Empire ( 5 ), un singe de plus petite taille 
que le babouin, ayant une longue queue traînante et l’arrière-train moins fuyant W. 

(l) Golénischeff, Rec . Trav., 28 (1906), p. 83 . Naufragé , 1 . i 65 . 

(3) Davies, The tomb of Puyemrë*, pi. IX ; Wreszinski, Atlas, I, 84 a (= Bissing, Kultur, abb. 7), Lacatj, 
Stèles du Nouvel Empire ( Cat . Gén. du Mus. du Caire, n° 34 o 54 et 34 1 18) ; À. Hermann, Die stelen der 
thebanische Felsgrâber der 18. dyn p. 88, fig. 1 2. Citons également la tombe n° 2 (Khabekbnet) à Deir 
el-Medineh, dans laquelle on peut voir un petit singe sous le siège de la défunte ; il est occupé à manger 
un oignon. 

Bibliothèque d’ Études, t. II, p. 2i4 et 216. 

(4) À. Z., 43 (190 6), p. 21. Le mot W.B., 5 , p. 116 semble être synonyme de kjkj. 

(5) Griffith, El Bersheh, II, pl. XI, 5 ; Newberry, Béni Hassan, II, pl. VI. 

{8) D. R. Hartmann, À. Z., 2 (i 864 ), p. 9. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


9 




Dans ces mêmes tombes, des représentations de babouins sont accompagnées du mot : 

V ou j h), qui, par conséquent, est un synonyme plus fréquemment employé du 
mot kjkj. Au temple de Deir el-Bahari, dans les scènes représentant le pays de Pount 
et l’embarquement des présents que l’expédition va rapporter à la reine Hatchepsout, 
on remarque dans la liste de ces présents des singes nommés : ^ ^ yf- et d’autres 
appelés : ^5^. Le déterminatif très précis permet d’identifier le signe Vœ au 
cynocéphale et le singe gf au cercopithèque, dont le corps et la tête offrent une 
silhouette tout à fait diffé- 
rente de celle du cynocéphale 
et dont les pieds, les mains 
et le visage sont noirs < 2 b 
Ce sont ces deux noms que 
nous rencontrons quelquefois 
sur ces ostraca pour désigner 
les singes (2o35, 20^2 et 
2276). 

Sur ces esquisses, les singes 
ne sont pas toujours accom- 
pagnés par des esclaves ; il y a 
cependant deux ou trois cas 
où un homme attend au pied 
de l’arbre et surveille les 
animaux. Sur deux de ces 
dessins (2004-20 1 o), ce per- f%. a. 

sonnage a une coiffure assez 
particulière : son crâne est 

complètement rasé à l’exception de trois touffes de cheveux frisés qui se dressent 
sur le devant, à l’arrière et au milieu de son crâne. Cette coiffure, qu’on retrou- 
vera chez quelques personnages des séries B et C, semble être particulière aux 
jeunes garçons; Davies la rapproche < 3) de celle que portent les enfants qu’il appelle 
les « boys street», gravés sur les parois des tombes de Tell el-Amarna, bien qu’elle y 
soit différemment traitée W. Mais ce sont plus particulièrement les jeunes Nubiens que 
les Égyptiens représentaient avec ces trois mèches sur le crâne (fig. 2) W. Les enfants 
des Nubiens dans la tombe de Rekhmirë' (6 > et les danseurs de couleur de la tombe 


(" UrL, IV, 3 99 , 1 . 8-9. 

W Anderson, Zoology of Egypt (. Mammalia ), p. i3. 

< 3 > J. E. A., IV (1917), p. 234 . 

Davies, The rocks tombs of Tell el Amarna , VI, pl. XXX. 

C 6 ) C’est la conclusion à laquelle arrive Borchardt dans son article sur une boîte de toilette du Musée 
du Caire : Studies, presented to F. Ll. Griffith, p. 267. 

(6) Bull, of the Metr . Mus . of Art (New York), Eg. Exp 1927-1928, p. 39, fig. 1. 



10 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


d Horemheb (fig. 3 ) M, entre autres exemples, portent cette coiffure. Aussi pouvons- 
nous reconnaître également des Nubiens dans ces jeunes garçons qui, sur les ostraca, 
conduisent des singes, bien que les artistes, se contentant du détail caractéristique de 
la coiffure, aient omis de préciser leur type racial et la couleur de leur peau. 

L ostracon 2001 est sans doute un des plus beaux spécimens de cette série par la 
belle franchise de son dessin sans mièvrerie, et par le grand charme que dégagent ses 
couleurs ; il est malheureusement incomplet à sa partie supérieure. Entre les branches, 
on aperçoit un troisième petit singe, qui n’existe généralement pas dans la composition 



Fig. 3. 


des autres scènes analogues ; il tourne la tête pour regarder derrière lui comme le singe 
qui grimpe a droite de 1 arbre, et ce geste si bien observé donne aux mouvements de ces 
animaux une vivacité et une vie très grandes. Le soin avec lequel les spathes ont été 
dessinées a déjà été signalé. Tous ces détails prouvent que ce dessin franc, nerveux et 
décoratif est l’œuvre d’un artiste expérimenté et connaissant bien son métier. 

C est le sentiment qu’on éprouve d’ailleurs devant plusieurs autres de ces compo- 
sitions. On constatera souvent, par exemple, combien l’artiste égyptien dans son habi- 
leté consommée, s’embarrassait peu des irrégularités de la pierre ; la plupart du temps 
il ne prenait même pas la peine d’égaliser le morceau de calcaire sur lequel il commen- 
çait son dessin et il s en accommodait tel qu il était, sans en paraître gêné j au contraire, 
il savait même habilement en tirer parti . 

(l) BulL °f the Metr - Mus. of Art (New York), Eg. Exp ., 1922-1923, p. 44 , fig. 8 ; Capart, Recueil 
de Monuments égyptiens, 2° série (1905), pi. LXVIII et XCI. 


11 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

C’est le cas pour une scène dont la couleur, restée très claire et très vive, est d’une 
fraîcheur ravissante (2oo3). On y voit apparaître le gardien des singes surveillant les 
deux animaux et attendant que la récolte des fruits soit terminée. Un bassin, au pied 
de l’arbre, indique que la scène se passe au bord d’un canal. Le palmier est inciiné vers 
la droite au lieu de s’élever verticalement comme sur les autres dessins du même type. 
Cette dissymétrie dans la composition est précisément due à une irrégularité du cal- 
caire, à une arête dont le dessin, à cet endroit, épouse la courbe. On voit que, loin de 
se troubler, le peintre a su adroitement se servir de cette courbe naturelle. 

Sur un autre ostracon, un seul singe grimpe au tronc de l’arbre (200/i). Il est tenu 
en laisse par son gardien qui est justement coiffé des trois mèches frisées dont nous 
avons déjà parlé. On remarque un détail nouveau dans cette composition : trois gros 
oiseaux noirs qui sont probablement des corbeaux ; ils sont perchés dans les branches 
de l’arbre et picorent les fruits (1 >. On voit que dans ces petits tableaux d’un même 
sujet, interviennent des détails ou des variantes de composition qui les différencient 
les uns des autres, et qui montrent que les auteurs, s’ils s’inspiraient peut-être d’un 
modèle-type, ne craignaient pas de s’en écarter souvent et de se laisser aller à leur propre 
fantaisie. C’est ainsi qu’un dessin très effacé et fragmentaire ( 2 oo 5 ),mais tracé avec la 
spontanéité d’un croquis, montre le mouvement du babouin extrêmement vivant, 
mais aussi tout à fait nouveau dans ce genre île scène. En effet, il est visible que le singe, 
au lieu de monter dans l’arbre, en redescend, tenant sa récolte à bout de bras. Les 
fruits ici sont des dattes et non plus des noix de «dôm» , car, autant qu’on en peut 
juger, l’arbre est un palmier ordinaire (Phoenix dactylifère ) au tronc simple et droit 
et aux feuilles allongées. 

Une autre variante et une autre fantaisie se remarquent encore sur un dessin égale- 
ment très effacé (2007). Le gardien qui se tient au pied de l’arbre est remplacé par un 
petit rat debout, qui tient entre ses pattes anterieures un grand sac pour recueillir, 
sans doute, la récolte. Deux singes grimpent dans l’arbre comme sur les autres ostraca 
de cette série. Ce dessin est en si mauvais état, qu’il est difficile de comprendre les 
intentions de l’artiste, mais il est possible qu’il y ait un sentiment de moquerie dans 
le fait d’avoir remplacé le serviteur habituel par un rat, et, dans ce cas, cet ostracon 
devrait être rattaché à la série des dessins satiriques. 

On vient de voir combien était grande l’habileté de ces dessinateurs d’ostraca. Ce 
n’était malheureusement pas le cas pour tous et on se trouve très souvent devant la 
production d’un élève maladroit ou d’un auteur inexpérimenté. Par exemple, on 
remarquera un affreux dessin (2008) qui n’est intéressant que pour montrer la 
différence entre la maladresse, la raideur et la disproportion dues à l’inexpérience, 
et l’heureux équilibre et la liberté de certaines autres compositions. On a visiblement 
affaire ici a 1 œuvre d un débutant très embarrassé pour silhouetter convenablement 

‘ l) Ce sont également des corbeaux qu’on voit sur des compositions semblables (n“ 2006 et 2016). 


12 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


son palmier et pour donner quelque souplesse aux mouvements des animaux. Le 
dessin est aussi pénible, disproportionné et disgracieux qu’il était décoratif et har- 
monieux dans les premiers exemples de cette série. Il n’est pas impossible d’ailleurs 
que ceux-ci aient servi de modèles à notre débutant. La même critique peut s’appliquer 
à une autre esquisse (2010), d’une très mauvaise proportion et d’un dessin bien mal- 
habile. Cependant on sent ici dans cet essai de débutant, une certaine souplesse et 
des dons d’observation très réels. 

Parmi les nombreux exemplaires de cette scène, qui ont été reproduits ou seulement 
publiés, il y a plusieurs petits fragments dont quelques-uns sont de très beaux mor- 
ceaux. Sur l’un d’eux (2009), par exemple, les détails sont si bien observés et si 
pleins de qualités vivantes, qu’on ne peut que regretter vivement la disparition 

du reste de la scène. La même 
remarque s’applique d’ailleurs à 
deux ou trois autres fragments 
(2 o 19-2 2-2 5 ). En revanche, quel- 
ques morceaux étaient si dété- 
riorés et d’une facture si grossière 
qu’on s’est contenté de les cata- 
loguer sans les reproduire. 

On constate d’après ces nom- 
breux ostraca que la récolte des 
noix de «dôm» était très souvent 
faite par des singes spécialement 
dressés à cet effet. Cet usage, dont 
on retrouve des preuves sur d’autres monuments que les ostraca, était, semble-t-il, 
très ancien. Il suffit de rappeler ici la scène très connue qui orne une tombe de Beni- 
Hasan : des singes grimpés dans un figuier sont occupés à cueillir les figues, tandis 
que leurs gardiens, au pied de l’arbre, empilent les fruits dans des paniers (fig. 4 ) W. 
Ces petits singes dressés, plus agiles, plus légers et plus vifs que l’homme, étaient, 
en effet, tout désignés pour grimper et pour se glisser entre les branches jusqu’au 
sommet des arbres et en particulier des hauts palmiers. Les artistes devaient avoir 
souvent l’occasion d’observer cette scène dans les grandes palmeraies qui ombragent 
la vallée du Nil ou dans les jardins des riches particuliers. Cependant, on est un peu 
surpris que ce thème, si souvent traité sur les ostraca, figure si rarement dans les 
peintures qui ornent les tombes civiles de la région thébaine, où, semble-t-il, il aurait 
si bien pu avoir une place. Il faut, en effet, chercher avec beaucoup d’attention 
pour trouver dans l’art de cette époque des sujets se rapprochant de ce thème. 
Il en existe cependant qui, malgré leur différence de style ou de composition, 



Fig. 4 . 


(l) Lepsius, Denkmâler, II, 53. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 13 

peuvent s’apparenter aux petites compositions si souvent reproduites sur les 
ostraca. 

On a déjà parlé, à propos des singes, du bas-relief du célèbre portique du Pount 
au temple de Deir el-Bahari, datant de la XVIII e dynastie, qui représente un paysage 
de ce riche et merveilleux pays que visitaient 
les envoyés de la reine Hatchepsout. Un grand 
palmier étale ses larges feuilles et ses lourdes 
grappes de fruits à l’assaut desquels se lancent 
des petits singes W. Si le style est différent, c’est 
cependant la même scène que celle des dessins 
sur ostraca. Il en est de même pour le fragment 
conservé au musée de Berlin et qui provient 
d’une tombe : il représente un singe occupé 
à la récolte des fruits d’un palmier (fig. 5 ) ( 2 L 

Une scène provenant également d’un temple 
se rapproche beaucoup dans son genre et dans 
son ensemble de celles qui sont figurées sur les ostraca (fig. 6) : un petit singe 

grimpé dans un palmier essaye de faire tomber 
une grappe de dattes aux pieds d’un jeune 
garçon nubien qui se tient sous l’arbre. C’est, 
parmi les scènes monumentales, celle qui res- 
semble le plus aux petits tableaux que nous 
étudions ( 3 h On trouve également, représentés 
sur les parois de certaines tombes de cette 
époque, des objets assez curieux dont le sujet 
peut être rapproché de celui des ostraca. Il 
s’agit de ces présents apportés par des esclaves 
nubiens au vice-roi de Nubie, et qui sont 
constitués par des pièces d’orfèvrerie en or 
finement ciselées W. On connaît ces cratères 
surmontés de plantes, ou d’animaux ou encore 
de décors architecturaux. Montet ( 5 ) a tenté 
de démontrer que les vases supportant de tels décors étaient des vases d’apparat 
et non, comme l’avait d’abord supposé Borchardt, des cratères dont la décoration 

(1) Nàville, The temple of Deir el Bahari , part III, pl. LXX. 

w Wreszinski, Atlas } I, pl. 386 . 

Roeder (Les temples immergés de la Nubie ) , Der Felsentempel von Bet el - Wall, taf . 2 g . 

W Wreszinski, Atlas , I, pl. i58, Dàvies, The tomb of Ken-Amun at Thebes , pl. XIV et Bull, of the Metr. 
Mus. of Art (New York), Eg. Exp. , 1 g 16-1 9 1 7, fig. 29. 

(5 > Montet, Les reliques de Vart syrien, p. 67 et seq. 




Fig. 5 . 




14 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


intérieure avait été projetée et dessinée au-dessus du vase lui-même. Dans le motif 
qui nous intéresse, on peut voir de petits palmiers dans lesquels folâtrent des singes. 

Cette scene ne se rencontre pas seulement dans les décorations monumentales 
mais aussi dans celles de petits objets tels que scarabées D), coupes, objets de toilette. 
Parmi ces derniers, citons une boîte de toilette demi-cylindrique, datée de la XVIII e 
ou de la XIX e dynastie, trouvée en Nubie, et qui donne une amusante variante de ce 
thème < 01 2 ) : autour d’un palmier, des enfants dansent tandis qu’un homme, à droite 
de 1 arbre leur joue de la flûte. Pendant ce temps, un singe grimpe au tronc. Un gros 

oiseau volant à gauche de l’arbre 
rappelle les corbeaux des dessins 
20o4-20o6 (fig. 7 ). 

Il faut également signaler une 
coupe trouvée à Gourob datant 
de la même époque et décorée 
d’une récolte de fruits. Ce ne 
sont plus ici des singes mais des 
enfants, qui font la cueillette 
(fig. 8) ( 3 * b Ils s’agitent gaîment 
et grimpent au tronc du palmier 
comme le font les singes sur 
les autres esquisses. De gros 
oiseaux semblables à ceux dont 
nous venons de parler sont 
perchés sur les basses branches 
de l’arbre. Cette variante a trop 
d’analogies avec les scènes pré- 
cédentes pour qu’on omette de 
la signaler. En revanche, un petit objet trouvé à Tell el-Amarna sort un peu de notre 
sujet, mais les éléments principaux de la scène de la cueillette des fruits y sont repré- 
sentés. C’est un petit groupe en terre cuite colorée, figurant un singe assis au pied 
d’un palmier W. 

Il y a également une grande analogie entre le sujet des peintures sur ostraca et 
celui qui orne le manche d’une ravissante cuillère à fard en ivoire datant de la 
XVIII e dynastie < 5 ). Le tronc du palmier forme la partie centrale du manche. Un homme 

01 De nombreux scarabées ainsi gravés et datant généralement de la XVIII e dynastie sont actuellement 
conservés dans plusieurs musées (Turin, Berlin, etc.). 

(2) Borchardt, Studies , presented to F. Ll. Griffith, p. 267, pl. 2 5 . 

(,) Petrie, Kahun , Gurob and Hawara , pl. XVIII ( 35 ) = Wallis, Egyptian ceramic art , 1898, pl. XII, 
fig. 45 . 

W Musée du Caire, n° d’entrée : 62773. 

The Mac Gregor Collection/ pl. X et XLIV. 



15 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

y est adossé et, à droite, un jeune garçon se met en devoir de grimper au tronc. De la 
partie supérieure de 1 arbre pendent de grosses grappes de noix de « dôm» sur chacune 
desquelles est assis un petit singe mangeant un fruit (fig. g). On voit quelle parenté 
d inspiration existe entre ce charmant objet et nos esquisses peintes sur calcaire. 

A la XIX e dynastie, on trouve également quelques exemples de ce même sujet. 
Il existe au temple de Médinet-Habou un bas-relief, maintenant très détérioré, sur 
lequel sont représentés des singes dans un palmier 
(fig. 1 o) D). Mais l’exemple le plus typique que nous 
avons remarqué à cette époque est une intéressante 
petite stèle en bois peint, conservée au Musée du 
Caire (2 >. Elle représente une femme tenant en laisse 
un singe qui, grimpé dans un palmier-dôm, fait la 
récolte des fruits ; il les dépose au fur et à mesure 
de sa cueillette dans une corbeille que la femme 
tient dans sa main gauche. La scène est ici bien 
nette, il est clair que le singe a été dressé pour faire 
la récolte des fruits et que sa maîtresse le surveille Fig. 8. 

au pied du palmier en attendant que sa corbeille 

soit remplie. Comme on le voit, cette scène rappelle par son esprit et par maints 

détails, sinon par sa composition, les esquisses sur 
ostraca (fig. 11 ). 

Il m’a semblé intéressant de réunir ces quelques 
variantes du thème qui vient d’être étudié pour montrer 
que, sans être exceptionnel à la XVIII e et à la XIX e 
dynasties, il fut néanmoins rarement employé dans la 
forme si précise, et pourrait-on dire, si constante, des 
esquisses sur calcaire. 

Il n’est donc pas certain que ces esquisses sur ostraca 
aient servi de modèles à de plus grandes décorations 
ou à des motifs décoratifs, puisqu’on n’y retrouve 
jamais l’ordonnance exacte des ostraca. On peut 
aussi bien supposer, bien qu’on n’en ait aucune preuve, 
que ce sont, au contraire, les scènes des temples et des 
tombes de la XVIII e dynastie qui ont inspiré les 
dessins sur ostraca. Les artistes les auraient interprétées et reproduites dans le 
style personnel qui fait leur originalité. 

Comme on l’a déjà dit, le spectacle d’une scène familière dans la campagne égyp- 
tienne a pu également inspirer les artistes de Deir el-Medineh. Cette constance à 

<n Nelson, Medinet-Habou, pi. 9. — < s) Journal d’entrée , n° 46989. 



Fi g- 9- 





16 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


'<< \ \ 
A,C\V\>i 


mettre en rapport les palmiers et les singes (*) est due sans doute à ce que ces animaux 
étaient dressés spécialement pour faire ces récoltes et aussi, comme nous l’avons vu, 

qu’ils étaient particulièrement friands de noix 
de «dôm», et qu’ils devaient en cueillir souvent 
pour leur satisfaction personnelle. 

On est également en droit de se demander, 
connaissant l’esprit symbolique et religieux 
des anciens Égyptiens, s’il n’entrait pas une 
autre idée dans cette habitude de représenter 
simultanément le singe et le «dôm». En effet, 
le singe, comme on le sait, était l’animal sacré 
de Thot. Ce dieu était souvent figuré sous les 
traits d’un cynocéphale. D’autre partie palmier 
était un arbre dédié à Thot également. Un texte 
reproduit une prière qui s’adresse à lui dans 
ces termes : «Grand palmier (ml ml) de 60 
coudées, ô toi dans lequel sont les noix; les 
noyaux sont dans ces fruits et de l’eau dans les noyaux» Il est possible par 

conséquent, qu’il y ait eu une idée religieuse à 
l’origine de cette petite composition, mais je crois 
également que cette idée religieuse ne s’est pas long- 
temps maintenue dans les intentions des dessinateurs, 
et que ces scènes sont devenues de simples scènes de 
fantaisie sous le pinceau alerte et précis des artistes de 
Deir el-Medineh. 



m 

)/ 

"-U* 

Fig. 10. 


B. — Dans cette seconde série d’ostraca, on se 
trouve en présence, comme dans la première série, 
de scènes ayant trait au dressage des singes. Ce sont 
eux, en effet, qui sont encore les personnages prin- 
cipaux de ces compositions. Bien qu’ils semblent être 
ici de plus grande taille que dans la série précédente, 
ils sont cependant de la même espèce. La différence 

n’est due qu’à une question d’échelle et de proportions. Ils ont, en effet, les mêmes 
caractéristiques : le pelage brun-verdâtre, la face et l’extrémité des pattes dégarnies 



(1) Une statuette de Bès récemment acquise par le musée du Louvre ( Revue des Beaux-Arts de France, 
oct.-nov. 19A2, p. 17) nous montre qu’à l’époque ptolémaïque le motif décoratif du palmier et des singes 
était encore en usage. 

(2) Papyrus Sallier, I, 8, k (Rec de Trav., II, p. 2 3 ). Keimer, Pavian and Dum-Pahne (Mitteilungen . . . in 
KairOy 8/1988, heft I, p. k 2). 


* OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


17 


de poils et colorées de rouge, les oreilles recouvertes par une touffe de poils blanc- 
jaunâtre disposés en demi-cercle. On voit que ce sont là encore les signes distinctifs 
du babouin h). 

Les couleurs de ces scènes, comme celles qu’on vient d’étudier, sont, principalement, 
le vert pour le pelage des singes, l’ocre-rouge ou le noir pour le corps des serviteurs ; 
ce sont les couleurs fondamentales de ces esquisses. 

La composition générale montre le singe, les reins ceints d’un large ruban rose, 
dont l’extrémité est tenue par un esclave. L’animal s’avance à quatre pattes, suivi 
par son gardien vers lequel il tourne un visage plutôt menaçant. L’une des scènes 
(2 o 35) montre ce gardien sous les traits d’un enfant nubien, complètement nu et 
dont le crâne rasé est orné de trois mèches frisées. Il brandit au-dessus de sa tgte un 
bâton recourbé à son extrémité. C’est le bâton ';m habituel aux esclaves syriens ou 
asiatiques et qui est devenu, par la suite, celui des bergers. Ce morceau présente 
un intérêt particulier : il est accompagné d’un petit texte qui est tracé au-dessus de la 
scène. Cette courte inscription hiératique donne le nom du «gardien des singes». 
Le premier mot est : slw et non hw, comme je l’avais transcrit par erreur dans le 
catalogue. Quant au mot klkl, c’est une autre graphie de kjkj comme on l’a déjà vu. 
Le texte signifie donc : «le gardien des singes, IIouv». 

Ces quelques mots nous permettent de supposer que les riches Egyptiens pouvaient 
posséder plusieurs singes de cette espèce pour leurs divertissements et qu’ils avaient 
un esclave spécialement chargé de la garde et du dressage de ces animaux. Dans 
quelques cas, ces serviteurs sont représentés comme des nègres, car ainsi que nous 
l’avons déjà fait remarquer, venus des mêmes contrées que les singes ils les craignaient 
peut-être moins que les Egyptiens et se trouvaient plus aptes à les dresser. 

C’est ainsi que sur deux compositions les gardiens sont des nègres (2087-2038). 
Le second est particulièrement bien caractérisé. L’artiste a donné à ses cheveux une 
couleur rose assez inattendue. Une grande plume d’autruche de même couleur sur- 
monte sa tête. 

Dans le premier dessin on aperçoit, très effacé sur le fond, un palmier-dôm. Il est 
possible que ce palmier ait fait partie d’une scène de cueillette de fruits qui n’a pas 
été terminée et sur laquelle le dessinateur n’a pas hésité à tracer un autre sujet. 
Cette surcharge de dessins se constate également sur une autre peinture dont la 
composition est semblable aux premières (20 3 6 ), mais qui présente, sur le fond, des 
vestiges d’une autre scène. Cette dernière paraît être d’un genre satirique car on y 
voit un personnage assis dans un petit naos devant lequel se tient un chacal debout 
sur ses pattes postérieures, présentant une sorte de sceptre (?). Toute cette scène 
est contemplée par un autre chacal, plus grand, qui se tient debout, à droite et 
lève sa tête vers le naos. 


< l 2 > Cf. P . 7. 

Documents de fouilles, t. II, 3. 


3 


18 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Ces surimpressions de dessins montrent, une fois de plus, le peu d’importance 
que les artistes attachaient à ces petites scènes, puisque non seulement ils n’hésitaient 
pas à sacrifier une peinture, mais encore qu’ils négligeaient de prendre une surface 
vierge pour y jeter une nouvelle esquisse. 

D’autres morceaux, d’un dessin élégant et habile, diffèrent, par leur composition, 
de ceux que nous venons de voir. L’un d’eux (2089) est malheureusement très effacé 
et détérioré ; on peut, malgré cela, voir les variations de détails qui le différencient 
des ostraca précédents. Tout d’abord, le gardien tient dans sa main gauche une palme 
et un lièvre dont la tête et les grandes oreilles pendent. Devant cet homme, marche 
un animal qui est très effacé et très difficile à identifier; il paraît se tenir debout sur 
ses pattes de derrière, mais il semble, d’après la forme des pattes et de la queue, 
qu’il s’agisse non pas d’un singe, mais plutôt d’un animal du genre chacal. 

Sur un autre ostracon ( 2 o 4 o ) , le mouvement de l’homme est également un peu 
différent, il ne brandit pas son bâton, mais le tient en avant. Quant au singe il se 
tient debout et tourne la tête vers son conducteur. De plus il semble tenir devant 
lui un autre petit singe dont la pose est difficile à définir, tant le dessin est effacé. 

Il nous reste à . décrire quelques ostraca d’un grand intérêt. Bien que l’homme 
et le singe restent les acteurs principaux de ces scènes, elles diffèrent cependant 
sensiblement, par leur sujet, des groupes précédemment étudiés. Sur le premier 
dessin (20^2), un homme, coiffé de lourdes mèches retombant sur ses épaules et 
vêtu d’un pagne plissé, exécute un saut ou un pas de danse. Ses mains sont très 
expressives : l’une est levée devant le visage et l’autre a le pouce et l’index qui se 
rejoignent dans un geste d’explication encore très en faveur chez les Orientaux. 
Devant ce danseur, un singe debout, une jambe allongée en avant, semble vouloir 
répéter le pas exécuté par l’homme. A moins que l’artiste, dans une intention sati- 
rique, n’ait voulu montrer au contraire le singe cherchant à se distraire en obligeant 
l’homme à danser. 

Un petit texte, au-dessus de la scène, est malheureusement très effacé et, par là, 
très peu explicite; on peut lire : La guenon est à ... ? Ici est un mot tjrsi, inconnu 
dans la langue classique et qui doit vouloir dire : sauter ou danser (?). 

On retrouve le même sujet sur un autre éclat de* pierre ( 2 o 4 3 ) . Aucun doute ne 
subsiste ici, c’est bien l’homme qui fait danser le singe, car il tient dans sa main une 
baguette qu’il abaisse devant l’animal. Une coupe de la XIX e dynastie provenant des 
fouilles de Gourob h) reproduit une scène parallèle dont le sujet est particulièrement 
intéressant. La disposition est exactement la même que dans le premier ostracon, 
mais cette fois-ci, c’est l’homme qui est à la place du singe et qui danse, tandis que 
le singe semble être assis et tient ses bras comme l’homme de l’ ostracon (fig. 12). 
Il est très intéressant de retrouver, employé comme décor d’un objet, le sujet de cette 


(1 ) Petrie, Illahun, Kahun and Gurob, pl. XVIII, 2. 


19 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR Eh-MEDINEH. 

esquisse sur calcaire. On se demande si on peut admettre qu’il y ait eu réellement 
influence de l’un sur l’autre, et s’il en est ainsi, dans quel sens cette influence s’est- 
elle fait sentir. En effet, l’un des objets vient de Deir el-Medineh et l’autre de Gourob, 
au nord de l’Égypte. On peut supposer que le temple de Gourob, qui date du règne, 
de Ramsès II, fut construit par des ouvriers originaires du Sud, parmi lesquels se 
trouvaient des artisans de Deir el-Medineh, ce qui expliquerait que 1 ostracon et la 
coupe aient reproduit le même sujet. Il est également possible qu’un thème comme 
celui-ci, ait été tiré d’un conte ou d’une 
histoire satirique ou comique, quelque chose 
comme une fable dont ces dessins seraient 
l’illustration (*). 

Quoi qu’il en soit, les mouvements des 
deux personnages dans ces petites scènes sont 
particulièrement vivants. Il semble qu’ils aient 
été croqués sur le vif, tant les gestes sont 
différents des gestes traditionnels auxquels 
nous sommes habitués. Dans l’ostracon 2o42, 
l’homme exécute un mouvement plein d’élan 
et très expressif tandis que le singe arc-bouté 
sur sa patte repliée lève la tête dans une pose 
vivante, entièrement libérée des lourdes conventions qui gênent ordinairement dans 
l’art égyptien. 

Les autres dessins de cette série n’offrent aucune particularité et sont composés 
sur le même modèle que le premier, cependant, il faut noter une variante sur le 
morceau n° 2o45. Le singe qui se tient debout joue de la double flûte, ce qui appa- 
rente ce morceau aux dessins humoristiques qui seront étudiés un peu plus loin, 
mais son état très fragmentaire ne permet pas de l’analyser davantage. 

Un autre fragment (2061) présente un détail important à signaler : c’est une courte 
inscription, placée entre le singe et son gardien. Inscription malheureusement frag- 
mentaire et qui, par cela même, est difficile à interpréter. Le premier mot qu’on lit 

(l > Un ostracon, appartenant à la collection Bissing, figure un sujet analogue. On y voit un nègre dont la 
tète est ornée d’une haute plume d’autruche, dansant les bras étendus devant un, singe. La pose de ce 
dernier est difficile à définir car dans la seule reproduction que nous connaissions de cette œuvre (Bissing, 
Die Kultur des Alten Aegyptens , p. i 0 , fig. 22), le haut du corps est presque invisible. Peut-être joue-t-il 
de la flûte pour faire danser le nègre (fig. 11). Cet intéressant ostracon provient certainement comme les 
nôtres de Deir el-Medineh. Il faut signaler également à propos de ces scènes l’intéressante découverte 
faite par M. Gapart, dans ses fouilles d’El Kab ( Chronique d’Égypte , n° 2/1, juillet 1987, p. 1 h 6 ) , dans 
lesquelles il a retrouvé un bloc où il est « question de la danse des Kaïri ^ J ^ ^ 1 et l’on cite les 

livres des singes ^ f j * ' « \ | ^ ’ . Les singes parlent de danser pour leur maîtresse».. Il faudrait 

donc voir dans ces danses des épisodes d’une cérémonie religieuse pratiquée dans certains temples, ce 
qui expliquerait le dressage des Kaïri. 



3 . 


20 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


clairement est le verbe Tnf qui signifie « danser». Ce qui suit le mot | est peut- 
être un verbe à l’impératif, et on pourrait, dans ce cas, traduire : Dansant. . . fais ( ? ) . . . 
Ce petit texte n’aurait aucun intérêt en lui-même, s’il n’évoquait les scènes que nous 
venons de voir, dans lesquelles le singe apprend à danser. Ce dernier dessin serait 
donc relatif au dressage des singes et on aurait, là, une phase préparatoire de la danse 
exécutée sur les deux premiers ostraca, mais l’état fragmentaire du morceau ne nous 
permet pas de l’affirmer. 

Comme on l’a déjà remarqué pour la première série de dessins, le thème de cette 
seconde série n’est pas utilisé exactement dans cette forme, pour la décoration des 



tombes et des objets usuels. Les seules scènes qu’on pourrait rapprocher de ce sujet, 
quoique la composition et le style soient très différents, sont celles qui représentent, 
à la XVIII e dynastie, les défdés des esclaves étrangers apportant les tributs des pays 
conquis. C’est ainsi que, dans la tombe de Rekhmirë', plusieurs porteurs d’offrandes, 
nègres ou égyptiens tiennent en laisse, tantôt un babouin, tantôt un singe de plus 
petite taille (fig. i3) (1) . On retrouve également ce même thème dans d’autres tombes 
de cette époque^, mais la disposition du sujet n’est jamais semblable à celle qui 
est adoptée sur les ostraca ; les singes notamment ne tournent jamais la tête vers leur 

Vire y ; Le tombeau de Rekhmara , pl. VI (Mém. M. A. F. C., t. V). 

O) En particulier sur un fragment provenant d’une tombe (Berlin 1A1A9) où un homme tient en 
laisse un gros babouin qui le suit et semble lui résister (Wreszinso, Allas, I, pl. 386). 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII. 


21 


conducteur et celui-ci ne brandit jamais son bâton recourbé. A la XIX e dynastie, on 
trouve, traitée en bas-relief, une scène dans laquelle un singe, tenu en laisse par un 
jeune esclave, tourne la tête vers lui pour saisir une grappe de raisin que l’enfant 
lui tend (fig. i4) U). La scène est pleine de charme et de grâce familière, mais elle 
diffère encore beaucoup de la composition des esquisses sur ostraca. 

Il faut supposer ici, comme pour les dessins de la première série, que ces esquisses 
n’étaient pas faites dans un but déterminé et qu’elles n’étaient pas destinées en tout 
cas à être reproduites à grande échelle sur les murs 
des tombes. On peut, cependant, imaginer avec une 
certaine vraisemblance que ces ostraca figurés ont 
servi d’esquisses à des tableaux plus importants 
destinés à décorer les parois des maisons d’habi- 
tations. Les fouilles nous ont apporté la certitude 
que celles-ci étaient souvent ornées de fresques 
dont il ne subsiste malheureusement que des frag- 
ments < 2 ), les matériaux de construction des habi- 
tations civiles étaient d’une très mauvaise qualité, 
et par conséquent particulièrement fragiles. Il n’est 
donc pas interdit de penser, sous toute réserve, 
que bien des sujets de ces fresques étaient sem- 
blables à ceux que les ostraca nous ont transmis. 

Quoi qu’il en soit, les trois sujets que nous venons de voir et qui réunissent un 
homme et un singe (cueillette dans les Dôms, homme conduisant un singe et homme 
faisant danser un singe), sont intéressants, non seulement par leurs qualités artis- 
tiques, mais aussi par les renseignements qu’ils nous donnent sur le dressage des 
singes. Cet animal était évidemment, dans l’Égypte ancienne, un animal familier des- 
tiné à amuser les riches Égyptiens et à vivre dans leur intimité au même titre que le 
chien ou le chat; mais il était généralement importé de Nubie à l’état sauvage et il 
fallait le dresser, ce qui, d’ailleurs, ne devait pas être très difficile étant donné les 
remarquables facultés d’adaptation des singes. 

Les esquisses où l’esclave tient un singe en laisse représentent probablement un 
des premiers stades du dressage, car nous voyons sur certains dessins l’expression 
' mauvaise et très peu résignée de l’animal. La leçon de danse nous fait assister à un 
stade déjà très avancé de l’évolution et enfin la cueillette des fruits nous montre les 
conséquences pratiques de cette patiente domestication. 

<*) Bruyère, Deir el-Medineh, 1928-1924, p. Ai, fig. 1. Une scène qui se rapproche davantage par sa 
composition de ces ostraca se retrouve sur un fragment de calcaire peint et gravé trouvé à Tell el-Amarna. 
Cf. Peet-Wooley, The city of Akhenaten, I, pl. XXIII, 2. • 

<*> Nous nous servons à plusieurs reprises aü cours de ce travail du mot « fresque », mais il est bien entendu 
que c’est d’une façon abusive, lesÉgyptiens n’ayant jamais connu ni employé le véritable procédé de la fresque . 



J. VAND1ER D’ABBADIE. 


C, D. — Les singes ne sont pas les seuls animaux que les Égyptiens aient su 
représenter avec une telle vérité et une telle adresse. Animaliers remarquables, leurs 
dessins de bêtes sauvages ou domestiques ont été de tout temps parmi les chefs- 
d’œuvre de leur production artistique. Les ostraca en reproduisent d’ailleurs de très 
beaux exemples. Parmi ceux-ci, les bœufs et les taureaux ne sont pas les moins inté- 
ressants. On verra ces bovidés tour à tour seuls ou accompagnés d’un bouvier. L’atti- 
tude de ce dernier varie suivant la position qu’il occupe par rapport à l’animal. 
Lorsqu’il marche derrière le bœuf, il brandit le bâton recourbé, comme pour forcer 
l’animal à avancer ou pour le frapper. Lorsqu’il le précède, il tient simplement son 
bâton devant lui ou sur l’épaule. Enfin, lorsqu’il marche près du bœuf, tantôt il 
étend le bras vers la tête de l’animal pour saisir une de ses cornes, tantôt il tient 
simplement l’extrémité du ruban qui entoure son cou. 

Il y a donc ici deux sortes de scènes un peu différentes l’une de l’autre. La première 
rappelle les scènes de labour O ou de funérailles^, dans lesquelles les bœufs tirant 
la charrue ou le sarcophage sont suivis de leur bouvier qui élève au-dessus de sa 
tête son bâton recourbé; au contraire la seconde scène évoque les apports d’offrandes 
qui ornent les murs des tombes et des temples, ou les processions religieuses dans 
lesquelles on amène le taureau pour l’immoler au cours du sacrifice. 

Les couleurs qui enjolivent ces scènes sont celles que nous avons déjà relevées 
dans les séries précédentes, c’est-à-dire, avant tout l’ocre-rouge et le noir. Dans 
certains sujets, cependant, la variété des tons est plus grande : on voit apparaître 
certains jaunes (2067-2080) ou du blanc (2077); une peinture offre même une 
variété de couleurs assez rares (2068) : ce ne sont que des taches blanches, vertes, 
bleues et rouges. Beaucoup de ces esquisses, en revanche, sont simplement indiquées 
au trait noir ou à l’ocre-rouge. 

Le bœuf est peut-être un des animaux qui fut le plus souvent représenté dans l’art 
égyptien depuis ses débuts. A toutes les époques depuis les admirables mastabas 
de Saqqarah, jusqu’aux tombes et aux temples de la région thébaine, en passant 
par lés tombes de la Moyenne Égypte, on retrouve les mêmes scènes traitées un peu 
différemment. Ce sont : le passage à gué des troupeaux, les combats de taureaux, 
les travaux champêtres dans lesquels les bœufs tirent la charrue ou piétinent les grains, 
ou encore le dénombrement des troupeaux, et tant d’autres scènes où le bœuf joue 
le rôle principal. Le bœuf était un des animaux les plus familiers et les plus utiles 
de l’ancienne Égypte, c’est pourquoi les artistes eurent si souvent l’occasion de le 
représenter. 

Plusieurs espèces de bovidés étaient connues dans la Vallée du Nil < 3 ), mais celles 
qui figurent le plus souvent sur les monuments sopt celles du bœuf à longues cornes, 

(1) Wreszinski, Atlas, I, pl. 9, 95 a. 

M. Baud, La tombe d’Amenmose, p. 36 . 

w Hartmann, U agriculture dans V Ancienne Égypte , p. 180, 196; Paton, Animais , p. 5 , 2. 


OSTRACA FIGURÉS DE DE1R EL-MEDINEH. 23 

des taureaux sauvages à bosse dorsale et à petites cornes, et des bœufs sans cornes. 
Cependant ces derniers devaient être une sorte de monstruosité spontanée, que les éleveurs 
anciens s'appliquaient à reproduire par sélection W. Ils étaient assez rares et on ne les 
représentait jamais comme des bêtes de trait dans les travaux des champs. Ils étaient 
montrés sans doute Comme des objets de curiosité et réservés aux sacrifices < (I) 2 L 
La première des deux autres espèces se trouve parfois reproduite sur les ostraca. 
Elle comporte, d’après Gaillard (3 ), des animaux de grande taille dont les cornes très 
développées ont la forme d’une lyre ou d’une demi-circonférence, et il les identifie 
avec le « Bos Tauros macroceros Durst». Les Égyptiens importaient ces animaux, depuis 
les plus anciens temps, de Syrie ou de Nubie. Ils étaient soumis à la castration et le 
plus souvent destinés à la boucherie, mais c’étaient eux aussi qu’on employait dans 
Les travaux agricoles pour tirer la charrue, ou pour fouler les grains; on les voit 
ainsi employés dans les bas-reliefs et les peintures de nombreuses tombes à toutes les 
époques. On pourrait en trouver des exemples dans presque chaque tombe thébaine, 
tant ces scènes étaient familières entre la XVIII e et la XIX e dynasties. Des bœufs de 
cette espèce étaient également utilisés comme bêtes de trait dans les funérailles pour 
tirer le sarcophage. Ils étaient également apportés comme offrandes dans les sacrifices < 4 ). 

Les animaux de la seconde espèce sont des taureaux à courtes cornes et à bosse 
dorsale très accentuée. Ils ont les pattes assez fines et nerveuses. Gaillard les identifie 
avec le Bos africanus ( 5 L Des momies de ces bœufs ont été trouvées à Saqqarah et à 
Abousir ( 6 7 L C’étaient des bêtes à demi-sauvages, qui n’étaient généralement pas 
employées aux travaux des champs sauf parfois au dépiquage des grains ù). Ils étaient 
plutôt réservés au sacrifice, et ce sont eux que l’on voit sur les ostraca figurés, ornés 
de rubans, parfois même de fleurs, conduits par un bouvier qui marche à leur côté 
les tenant par un ruban qui leur sert de licol. 

Les artistes ont indiqué sur les ostraca le pelage moucheté de ces taureaux d’une 
façon très stylisée, mais aussi très précise et décorative. On y remarque, en effet, 

(I) G. Gaillard, Tâtonnements des Égyptiens de l’Ancien Empire à la recherche des animaux à domestiquer, 
p. 7 ; Erman, au contraire pense que cette anomalie était obtenue artificiellement, par curiosité (Erman- 
Ranke, Aegypten, p. 52 4 ). 

Ce sont peut-être des bœufs de cette espèce qui traversent un gué dans la tombe de Daga, en com- 
pagnie de bœufs à grandes cornes (cf. Dàvies, Five Theban tornbs, pl. XXXVIII). Junker, Gîza, VI, p. 5 i 
note que ces bœufs, objets de tant de soins de la part des Égyptiens, étaient spécialement réservés aux 
sacrifices et il s’étonne, dans ce cas, qu’on ne les trouve pas plus souvent représentés dans les scènes de 
boucherie. Il suppose qu’ils étaient gavés à la main. 

w Op.cit.p p. 6. 

Louvre G. 166, Urkunden, IV, 29 ; Davies, Nakht , pl. 18 ; Winlock, Bas-reliefs from the Temple of 
Ramsès I at Abydos, vol. I, part I, pl. V. 

Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V Ancienne Égypte, i re série, Lyon (1908), p. 43 . 

t<J) Gaillard et Daressy, La faune momifiée de V Antique Égypte, p. 16-17 (Caf. Général des Antiquités du 
Musée du Caire). 

(7) Hartmann, U agriculture dans T Égypte ancienne , p. 181 ; Davies, Ptahhetep , t. II, pl. 8. 

4 . 


24 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


de grandes taches rectangulaires, triangulaires ou en demi-lune, de ton noir ou rouge. 
On a dit que ces taches étaient les signes qui distinguaient le taureau sacré Apis h). 
Cependant on peut voir dans maintes tombes thébaines des bœufs tachetés de cette 
façon et qui sont attelés à des charrues dans des scènes de labour ; dans ce cas il ne 
saurait être question de taureaux sacrés. Il faut supposer que 'c’était simplement une 
façon décorative de traiter les taches de la robe de ces animaux. 

Le bouvier, qui, dans ces scènes, accompagne les bœufs ou les taureaux, est généra- 
lement vêtu d’une jupe courte plissée (sauf une exception). Sa tête est parfois coiffée 
d une perruque courte, a moins qu elle ne porte les trois mèches frisées dont nous 
avons déjà dit qu elles constituaient souvent la coifïure des jeunes gardiens de singes 
dans les séries précédentes. Le bouvier porte également le bâton recourbé des paysans, 
qui est appelé dans les textes : — >^T, 'wt®. Il était quelquefois confondu avec le 
sceptre : ^ hk, qui dans certains textes porte le même nom et qui a certainement 
la même origine W. Cependant le bâton —- 1 f semble avoir été plus spécialement le 
bâton du berger, puisque le même mot qui désigne des troupeaux, particulièrement 
de chèvres W, est quelquefois écrit phonétiquement avec le signe Ce 

bâton, qui devait jouer un grand rôle dans la vie des bergers, se voit souvent entre 
leurs mains sur les ostraca figurés et s’il offre quelquefois la silhouette : il est 

généralement recourbé à son extrémité, comme une canne. 

Plusieurs mots désignent les taureaux et les bœufs, mais, bien qu’ils accompagnent 
souvent les représentations de ces animaux sur les parois des mastabas ou des tombeaux 
de la région thébaine, il est difficile, à part quelques très rares exceptions, de recon- 
naître quelle espèce de bovidés est cachée sous tel ou tel nom. Donnons cependant 
quelques précisions : JJ. ^ k, désigne des taureaux, probablement de la race du 
Bos Africanus. On a vu que ces bêtes n’étaient pas employées pour les travaux agricoles ; 
on les réservait aux offrandes W, et on assiste dans certains tombeaux à l’abattage des 
bœufs de cette espèce ; par exemple dans la tombe de Mentouherkhepeshef (XVIII e dy- 
nastie), on lit au-dessus de la scène JJ Ces taureaux semblent avoir été également 
réservés pour les combats, dont les Égyptiens se montraient assez amateurs, car beau- 
coup de scènes de tombes représentent des tauromachies. Dans la tombe d’Ame- 
nemhatô), deux taureaux combattant furieusement sont appelés : U Il est vrai 
qu’on amène auprès d’eux, pour prendre part à ce combat, une bête qui semble 
être de la même race et au-dessus de laquelle est écrite cette phrase qui visiblement 
la concerne : «Le taureau a beaucoup grandi», et le mot employé est : l£|. 

(1) Daressy, Ostraca , p. 19, n° 26095 bis. 

tS) Gardiner, Egyplian Grammar, p. 4 9 5 (89). 

( 3 ) Winlock, The tomb of Senebtisi at Lisht , p. 85 . 

^ Griffith, Hieroglyphs, p. 57, fig. 39^ 

{5) Newberry, El-Bersheh , I, XXVII; Davies , Ptahhetep , II, pi. 18. 

Davies, Five theban tombs, pl. X. 

W Davies, The tomb of Amenemhèt, pl. VI. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MED1NEH. 


25 


Le mot JJ ,1m est aussi employé comme expression figurée et comme surnom des 
dieux W et des rois dans les protocoles royaux. 

Le nom : | ^ qu’on vient de mentionner est un des mots le plus souvent utilisés 

pour désigner de grands bœufs à longues cornes, ainsi, dans plusieurs représentations 
de l’Ancien Empire ! 3 ); on le trouve également dans les textes des Pyramides M. Le 
féminin est rarement employé. Les bœufs de cette espèce semblent aussi avoir 

été nourris spécialement pour être engraissés. 

Les bêtes d’offrandes étaient désignées sous le nom de : ou T (5 *- 

On peut en voir plusieurs, appelées de cette façon, dans la tombe de Rekhmirë' (®). 

On a dit que les ng étaient des taureaux sauvages que les Égyptiens avaient tenté 
de domestiquer et qui vivaient plutôt parqués. Au Nouvel Empire, on les trouve aussi 
employés comme bêtes de trait, dans les cérémonies religieuses : c’étaient eux, par 
exemple, qui tiraient le naos ou le sarcophage. Une scène de ce genre est accom- 
pagnée de la légende : ^ ( 7 ). Le rouge étant la couleur d’Osiris, dieu des 

morts et aussi la couleur nationale de Basse Égypte, c’est à dessein qu’on aurait choisi 
des bœufs de cette teinte pour les funérailles et qu’on les aurait désignés par l’épi- 
thète dsr ( 8 ). D’autres bœufs sont également désignés par le mot : ^| ^ , écrit parfois, 
seulement par le déterminatif. Ce sont plus particulièrement des bœufs de labour 
ou de trait. On les voit, tirant la charrue, dans les scènes de labour, ou piétinant le 
grain. Cependant, malgré ces attributions actives et bien définies, les bœufs ( J ^ 
étaient également destinés au sacrifice puisqu’on trouve leur nom dans des listes 
d’offrandes W et comme offrandes ( 10 ). 

Il est bien difficile, on le voit, de donner d’après les textes égyptiens, un nom précis 
à chacune des espèces de bœufs que les représentations nous font connaître : les 
scribes eux-mêmes ne paraissent pas avoir eu, à ce sujet, des idées bien déterminées. 
Une seule espèce semble avoir été désignée avec précision, ce sont les bœufs à cornes 
raccourcies, ou sans cornes. Ils sont représentés dans des tombes! 11 ) et nommés : + i. 


0) Notamment d’Amon et de Min dieux de la génération (Lefébure, Sphinx , I, p. 1 08 ; M. Moret, Mystères 
égyptiens, p. 200). 

( 2 ) Wôrterbuch, I, p. 49. 

W Wreszinski, Atlas , III, pl. i 4 , 17, 37, 87; Montet, Scènes de la vie privée. pl. XII. 

Pyramides , 1882. 

Pyramides ? i 544 ; Lepsius, Denkmâler, II, 49 3 ; Montet, op. cit p. i 38 , 139, fait remarquer qu’à 
l’Ancien Empire ces bœufs étaient désignés par le mot : (Ptahhetep, II, 21) ou : JL*» ■ (Teti, 2 43 ), 

• 1 w # /WVMYM* 

puis par le mot B ^ (Leide, I, 9), ce n est que plus tard qu’on écrit le mot (Blàckmann, Meir, 

II, 4 - 5 ). 

(6) Newberry, The life of Rekhmara , pl. V. 

(7) Davies, Five theban tombs, pl. II, et Davies-Gardiner, Antefoker, pl. 22. 

(8) Kees, Totenglauben, p. 3 60. 

(9) Naville, Todtenbuch, pl. 162, 12, Londres 33 o, Florence 2497. 

(i°) Pyramides 9 1977 : 4 , id., 1 544 . 

<ll > Newberry, Beni-Hasan, I, pl. XVIII, XXXV; UrL, IV, na 4 . 


26 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Ceux-là, on l’a déjà vu, étaient strictement réservés aux cérémonies religieuses et 
considérés, à cause de leur rareté, comme des animaux très précieux. 

On a dit que le sujet des ostraca de cette série se composait d’un bœuf et de son 
bouvier. L’un de ces dessins (2062) fait cependant exception à cette règle et offre 
un thème original qu’on ne reverra sur aucun des dessins suivants. Il figure un 
troupeau de bœufs à longues cornes disposés sur deux registres, et encadrés de deux 
bouviers brandissant leurs bâtons. Un fourré de papyrus décore le fond de la scène 
et semble indiquer qu’il s’agit d’un passage à gué, scène si familière dans l’art égyp- 
tien Û). Dailleurs la tenue des bouviers confirme cette hypothèse. Ils sont nus, en effet, 
et portent leurs couvertures roulées en bandoulière autour du torse pour éviter que 
leurs vêtements ne soient mouillés dans le cas où ils devraient se mettre à l’eau. 
Ils lèvent leurs bâtons pour forcer leurs bœufs à avancer et à obéir. Cette couverture 
roulée et ce bâton semblent être les deux signes distinctifs des gardiens de troupeaux. 
Ce sont eux qu’on retrouve dans l’hiéroglyphe qui détermine le berger W. Cette scène 
est particulièrement remarquable par la finesse et la sûreté du dessin et le groupement 
habile des bœufs aux couleurs alternées : un animal ocre-rouge se trouve placé entre 
deux animaux à robe noire et blanche, afin d’éviter toute confusion dans le dessin. 
Les deux bergers sont bien campés, d’une façon ferme et bien proportionnée ; leurs 
gestes sont vivants et naturels. On sent parfaitement ici la facilité et le trait plein 
de franchise d’un artiste en pleine possession de son métier et qui était certainement 
un maître. 

Les autres dessins représentent également des bouviers menant leur bœuf aux 
champs. Cette fois-ci, ce n’est plus un troupeau mais un seul bœuf qui est accompagné 
par un seul bouvier. C’est le cas pour deux esquisses ( 2 o 63 - 2 o 64 ) qui montrent 
toutes les deux un très bel exemple de taureau neg, avec ses pattes fines et un peu 
hautes, sa bosse dorsale, ses cornes courtes et surtout, dans le premier dessin, les 
taches de sa robe franchement marquées. 

Les bouviers, vêtus d’une jupe courte, portent leur bâton, l’un sur l’épaule, l’autre 
devant lui. Ce dernier tient l’extrémité de la longe qui retient le taureau par les 
naseaux. Le premier de ces dessins a certainement plus de franchise et plus de carac- 
tère que le second, qui, cependant, n’est pas dépourvu d’une certaine habileté. 

Deux autres exemples ( 2 o 65-2 066) montrent le bouvier suivant le taureau, et, sur 
l’un d’eux, l’animal est enchaîné par une longe qui passe dans un anneau fixé au naseau. 
Une peinture très mutilée et d’un très vilain style (2077) °^ re une cur i euse variante 
du sujet. En effet, c’est une femme, ici, qui accompagne le bœuf; elle est vêtue d’une 
longue robe transparente. Quant au bœuf, il manque presque entièrement, il n’en 
reste que les pattes lourdement dessinées et les grosses fleurs de lotus qui ornaient 
sa tête. C’est tout ce qui reste de cette scène dont l’ensemble paraît avoir été si laid 

(l) Particulièrement sous l’Ancien Empire, Wreszinski, Atlas , I, io5, III, 44, 5o, 52. 

Jéquier, Recueil de Travaux , XXX, p. 39 ; Montet, Scènes de la vie privée. . p. 100 et seq. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


27 


et si mal dessiné qu’il pourrait venir à l’idée que ce dessin est un faux. Cependant, 
il faut bien admettre que, malgré les dons remarquables des artistes égyptiens, et 
particulièrement des animaliers, il dut y avoir, chez eux comme ailleurs, des débutants 
mal doués qui ne purent que s’exercer péniblement et faire de très mauvais dessins 
comme celui de cet ostracon. Si imparfaite qu elle soit, cette peinture est curieuse car 
c’est le seul exemple que nous ayons d’une femme jouant le rôle de bouvier h). Cette 
scène peut être rapprochée des figurations de processions sacrées; en effet, le bœuf 
est orné de fleurs comme si on le menait au sacrifice. La femme tient l’extrémité du 
lien qui est noué à l’une des pattes de l’animal. Sur un autre document, on relèvera 
un détail intéressant (2069) : une rosette marquée au fer sur l’encolure du taureau; 
c’est en quelque sorte une marque de propriété Ce n’est pas le seul exemple de 
ce détail On connaît même une représentation de la ferrade des bœufs W : des 
hommes marquent au fer rouge des bœufs couchés à terre, les pattes attachées, tandis 
qu’un autre homme fait rougir les fers sur un foyer qu’il attise. C’était une précaution 
indispensable, que tout propriétaire devait prendre dans ce pays où les troupeaux 
étaient si nombreux que les erreurs et les confusions eussent, autrement, été inévi- 
tables. 

Plusieurs dessins représentent des taureaux dans leur fureur ou dans leur ardeur 
combative. C’est ainsi qu’on peut voir un sujet nouveau dans cette série (2070). 
C’est un taureau chargeant son gardien : il semble être lancé en pleine course, les 
deux pattes antérieures levées comme pour sauter, la queue dressée comme mue par 
ce mouvement d’élan. Devant lui, le bouvier, dans un geste d’effroi, lève les deux 
bras et son bâton recourbé. Au-dessus de sa tête est une corde enroulée dont la signi- 
fication reste bien obscure et la place peu explicable. Il est possible que cet homme, 
dans sa peur devant la charge du taureau, ait envoyé d’un gesjg brusque, au-dessus 
de sa tête, la corde que les bouviers tiennent presque toujours dans la main, soit 
pour attacher la patte de leur bête, soit pour s’en servir comme d’un lasso W. Cette 
interprétation est peu certaine puisqu’on ne connaît aucune représentation de ce 
genre qui puisse la confirmer. D’ailleurs l’artiste n’a peut-être eu aucune intention, 
car cette esquisse n’est pas très habile et ne dénote pas une grande science du dessin, 
ni de grandes qualités d’observation. En effet, l’artiste s’est trouvé très embarrassé 
pour traduire un sujet qui, rarement traité, était nouveau pour lui. Le mouvement 
du taureau, les deux pattes levées sur le bouvier, est mal observé, car le mouvement 
naturel aurait été de foncer tête baissée, cornes en avant. Le dessin est raide mais 

(,) Un papyrus du Musée du Caire figure une femme, la défunte, la dame Herouben conduisant son 
troupeau de bœufs (Maspero, Guide du Musée du Caire, 4 e éd., igi5, n° 4884). 

(2) Hartmann, V Agriculture dans V Ancienne Égypte , p. 267 . 

(S) Rosellini, Monumenti Civili , II, pl. XXXII. 

w Hartmann, op. cit p. 268 , fig. 73 , d’après Wilkinson, Manners and Customs, t. II, p. 84. 

Petrie, Deshashek; pl. XII — Wreszinski, Berichtüber die photographische Expédition von Kairo bis Wadi 
Halfa . . . , pl . 3 . 3 . 


28 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


cependant l’encolure puissante, à bosse accentuée et la tête ont un certain caractère. 
Des lignes sinueuses sur le cou indiquent les replis de la peau. D’autres dessins sur 
ostraca représentent des animaux de cette espèce, qui sont dessinés de la même 
façon W. On se trouve ici en présence de très beaux spécimens de taureaux sauvages 
neg. On sait qu’une des épithètes favorites des rois d’Égypte fut, à partir de la 
XVIII e dynastie, « Le taureau puissant». On ne doit pas être étonné de retrouver dans 
certains protocoles découverts à Deir el-Medineh, la silhouette de ce taureau sauvage 
qui était, avant tout, un animal reproducteur ( 1 2 L La puissance créatrice, telle était, 
en effet, la qualité que le roi désirait s’attribuer ( 3 >. 

Parmi les autres scènes représentant des taureaux belliqueux, il faut mentionner 
spécialement un document très bien dessiné, mais malheureusement très effacé, qui 
nous a conservé le tableau d’une lutte entre deux taureaux neg. Un bouvier assiste 
à ce combat et semble vouloir séparer les combattants avec son bâton (2071) < 4 L 
Il tient l’une des bêtes par une longe qui est tendue entre les deux cornes de l’animal. 
Dans un mouvement très expressif, l’autre taureau fonce en avant et plante ses cornes 
dans le poitrail de son adversaire. Ce dernier semble chanceler sous le choc. On ne 
peut malheureusement pas juger du dessin qui est très effacé, mais ce qui reste 
visible est très expressif et très vivant, particulièrement ce mouvement du taureau 
qui fonce, bien arc-bouté sur ses pattes, la queue levée fouettant l’air avec rage. 
Les quelques signes hiératiques situés sous la scène sont trop effacés pour être lus. 

Un autre ostracon représente le même sujet (2 io 4 ), mais dans un style très relâché 
et beaucoup moins élégant. Enfin une troisième esquisse (2108) met également en 
scène deux taureaux s’affrontant, mais sans la présence du bouvier; cette dernière 
peinture est particulièrement lourde et peu souple dans sa facture : c’est visiblement 
l’oeuvre d’un débutant ou d’un artisan maladroit. Son embarras fut si grand pour 
dessiner la tête du taureau de droite qu’il fut obligé de l’effacer et de la laisser dans 
l’imprécision. D’autres dessins, trop estompés ou trop fragmentaires pour qu’on 
puisse juger du sujet, semblent pourtant se rattacher aux scènes de combats de 
taureaux. Un de ces fragments (2122) figure l’arrière-train d’un bovidé dont la queue 
fouette l’air rageusement : il doit foncer ou se battre avec un autre animal, cornes 

(1) Cf. infra, n° 2071, 2110, et Daressy, Ostraca , n° 26076, pl. XVI. 

(2) Daressy, op . cit ., pl. XXXIII, n° 26195, et Bruyère, Deir el-Medineh, 1981-1982, p. 38 , fig. 2 5 , 
cf . infra, n° 2700, p. ikk. 

(3) Jacobson, Dogmatische Stellung, p. 58 . L’auteur fait un rapprochement entre le Ka, force créatrice, 
et l’épithète du roi «taureau puissant» qui apparaît régulièrement dans la titulature royale à partir de 
la XVIII e dynastie. 

(4) A moins qu’il ne cherche, au contraire, à les exciter pour les entraîner au combat. La tombe d’Ame- 

nemhat présente une scène de combat de taureaux, dans laquelle il semble bien que l’un des taureaux 
soit vaincu, mais un troisième animal qu’on amène, considère la scène d’un air furieux et semble tout prêt 
à entrer dans la lutte. Gardiner, The tomh of Amenemhêt , pl. VI ; cf. aussi Hartmann, U Agriculture dans 
V Ancienne Égypte , p. 267 ; Newberry, Beni-Hasan, II, pl. VII; Petrie, Athribis, pl. XII. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


29 


contre cornes ainsi que nous l’avons vu sur l’ostracon 2071. Enfin un dessin très 
délavé figure un taureau en pleine course, le mouvement est particulièrement vivant 
et rapide. Ces scènes de tauromachie ne sont pas, parmi nos ostraca, les seules variantes 
du thème du bouvier menant son bœuf aux champs. L’une d’elle (2072), dans 
laquelle un jeune garçon agenouillé devant un bovidé à cornes courtes, tient la longe 
de l’animal et semble lui caresser le naseau, évoque les scènes d’engrais du bétail, 
telles qu’elles se présentent dans certaines décorations murales. On voit, en effet, 
à Tell el-Amarna, par exemple, des compositions à peu près semblables dans lesquelles 
un bouvier fait manger quatre ou cinq bœufs dans une position exactement pareille 
à celle qui est figurée sur notre ostracon W. Il serait donc question ici d’une esquisse 
pour une scène de gavage d’un bœuf; un oiseau qui volète au-dessus de l’animal 
semble vouloir profiter des restants du festin. Ce dessin est seulement indiqué aü 
trait noir et on y sent la main inhabile d’un débutant : les proportions du bœuf sont 
ramassées et les pattes assez lourdes, mais il y a cependant une certaine franchise 
dans l’exécution et une certaine observation; l’oiseau qui volète au-dessus de la scène 
est particulièrement bien venu. 

Il reste dans cette série un dessin un peu hésitant dans lequel l’animal est couché, 
tandis que deux hommes semblent vouloir le maintenir dans cette position. C’est 
vraisemblablement une scène de boucherie comme on en peut voir en si grand nombre 
dans l’iconographie funéraire des temples et des tombes. L’offrande de la jambe 
antérieure droite du bœuf, qui était le morceau de choix réservé aux dieux et aux morts, 
et de la tête était une scène rituelle qui donnait lieu à la succession de toutes les 
représentations figurant l’abattage et le dépeçage du bœuf. Ici nous devons assister à 
la première phase, celle qui consiste à faire coucher le bœuf pour lui lier les pattes afin 
de l’immobiliser. L’artiste s’est trouvé très embarrassé pour dessiner les pattes repliées 
sous le corps de l’animal, et là aussi il a laissé des lignes sans précision et hésitantes. 

Dans une autre série de documents, les animaux sont figurés seuls, sans bouvier. 
Quelques-uns représentent, d’une façon malheureusement fragmentaire, de superbes 
bœufs gras (211 5-2 12 3-2 1 2 4 ) visiblement engraissés en vue des processions et des 
sacrifices. Ce sont sans doute des bœufs 

Un autre ostracon représente au contraire un très beau spécimen de taureau à demi 
sauvage neg , avec ses cornes en demi cercle et sa bosse dorsale très accentuée. 
Pour en finir avec les divers sujets de ces séries de bovidés, signalons des fragments 
sur lesquels on peut voir, non plus un bœuf ou un taureau, mais une vache. Un frag- 
ment (2118) représente un petit veau tétant sa mère, sujet souvent traité dans l’art 
égyptien à toutes les époques ( 2 >. Deux autres fragments (211 7-2 119) figurent une 

<’) Davies, The rocks tomhs of el Amarna, t. î, pl. XXV-XXIX ; t. IV, pl. 9 ; t. VI, pl. 20 ; Hartmann, 
L’Agriculture dans l’ Ancienne Égypte, p. 255 , 256 ; Klebs, III, abb. 128 ; Wreszinski, Atlas, I, pl. 3 5 1 . 

< 5 > On trouve notamment ce thème, traité avec un grand charme sur une coupe de bronze publiée par 
Bissing, Metalgefcïsse, p. 61, cf. aussi Capart, Propos sur l’Art égyptien, fig. 93, p. i 35 . 


30 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


vache devant une corbeille remplie de grains qui se silhouette sur un fourré de papyrus. 
Il est possible que ce soit ici une scène d’engrais, mais je crois qu’on peut y voir 
plutôt le souvenir d’une scène religieuse qu’on rencontre souvent sur les stèles et 
dans les tombes de la région thébaine et notamment à Deir el-Medineh b). C’est celle 
dans laquelle la déesse Hathor, sous la forme d’une vache, sort de la montagne, et 
reçoit à la fois les hommages du défunt et de sa famille et d’abondantes offrandes 
accumulées sur une table ou dans une corbeille. Ici nous trouvons la corbeille remplie 
de grains ou d’offrandes végétales. 

Ces derniers documents sont visiblement des réminiscences ou des esquisses ayant 
servi à la composition de certaines scènes dont les artistes illustraient les monuments, 
les stèles, les papyrus et d’autres objets. Certaines esquisses, comme celle du passage 
à gué, étaient des thèmes très en faveur sous l’Ancien Empire ( 2 ). Les beaux mastabas 
de Saqqarah en montrent de magnifiques exemples. Mais on constate avec étonnement 
qu’au Nouvel Empire, ce sujet a complètement disparu des décorations murales. 
Il n’est pas rare de voir cependant, dans une disposition qui rappelle tout à fait celle 
de notre ostracon, des défilés de troupeaux conduits par deux bergers. Il s’agit 
vraisemblablement du dénombrement des troupeaux oü des apports des offrandes 
au dieu. D’autres séries permettent de faire des parallèles : les taureaux dont la tête 
s’orne de fleurs et de rubans rappellent les défilés de bœufs gras dans les proces- 
sions (*); le bœuf suivi de son bouvier évoque, d’une manière plus lointaine, il est 
vrai, la scène de labour, si souvent traitée dans les tombes et qui représente symbo- 
liquement l’âme du mort cultivant les champs d’Ialou dans l’au-delà b). 

L’esquisse du bœuf et de son bouvier rappelle également cette phase de la cérémonie 
de l’enterrement, dans laquelle des bœufs tirent le traîneau sur lequel est posé le 
sarcophage. Dans ce cas, un homme marche derrière l’attelage ( 5 ). 

Ainsi, comme on le voit, la même remarque, qui a été faite pour les ostraca figurant 
des singes, peut s’appliquer ici. On ne peut retrouver exactement les mêmes scènes 
dans la peinture monumentale de cette époque. Les sujets des ostraca semblent 
plutôt être des souvenirs, des reflets de ces scènes. Ils ont, comme tous les dessins 
sur ostraca, une vie spontanée, très personnelle et des imprécisions pleines de charme, 
qui les différencient complètement des peintures plus conventionnelles et plus 

Bruyère-Kuentz, La tombe d’Ari-Nefer (Mém. de VI. F. A. O., t. LIV), pi. XX, 3 ; Vandier, La tombe 
de JVefer-Abou (Mém. de VI. F. A. O., t. LXIX), pi. VI, VII; cf. aussi Naville, Todtenbuch, I, CCXII. 

(2 > Hartmann, L’Agriculture..., p. s5o-25i; Petrie, Deshasheh, pl. XV; Newrerry Beni-Hasan, t. I, 
pi. XXIX; Wreszinski, Atlas , I, io 5 ; Schafer-Àndrae, die Kunst des Alten Orients, p. 2Ù9. 

t*) Wreszinski, Atlas , I, 219. Une stèle d’Amarna est ornée d’une scène tout à fait semblable, c’est la 
stèle d’Ani au Musée du Caire, cf. Steindorff, A . Z ( 34 ), 1896, p. 64 , fig. 11. 

Rosellini, Monumenti Civili, II, pl. XXXII ; Wreszinski, Atlas , I, 19 a ; Cap art, V Art égyptien, choix de 
documents, III, pl. 588 . 

(5) Tylor, The tomb of Paherl , pl. V ; Gardiner-Davies , The tomb of Amenemhèt, pl. XÏ-XII ; Davies, Puymrë % 
pl. a 7 . 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


31 


traditionnelles, bien que plus parfaites, des monuments. C’est une constatation que 
l’on fera bien souvent au cours de cette étude au sujet de toutes les scènes et de 
toutes les figures qui seront étudiées plus loin. 

E. — Il semble que le cheval ait été inconnu dans l’Égypte de l’Ancien Empire. 
Tout au moins n’en trouve-t-on pas de' représentations. Ce ne fut, sans doute, qu’avec 
les invasions hyksôs, à la fin du Moyen Empire, que cet animal fut introduit sur les 
bords du Nil, comme bête de trait, attelé aux chars d’assaut des armées hyksôs. En 
effet, ce ne fut qu’à partir du Nouvel Empire que les artistes reproduisirent des 
chevaux dans leurs peintures et dans leurs bas-reliefs. Peut-être doit-on voir, dans 
cette introduction tardive, la raison pour laquelle les artistes animaliers, généralement 
si habiles et si observateurs, se montrent si conventionnels lorsqu’il s’agit du cheval. 
Les dessinateurs n’avaient pas, pour cet animal, le grand passé plein d’expérience 
et les remarquables exemples qu’ils avaient pour les autres animaux. Il est évident 
que c’est sous l’Ancien et le Moyen Empires que se placent les plus belles périodes 
créatrices de l’art égyptien et que les artistes de génie qui vécurent à ces époques 
surent traduire merveilleusement les formes et les mouvements des animaux. Les 
artistes du Nouvel Empire vivaient, en quelque sorte, de cet acquis et avec le souvenir 
des magnifiques productions de leurs prédécesseurs. Aussi, se trouvant en présence 
d’un nouvel animal, eurent-ils tendance à le fixer dans une attitude très décorative, 
certes, mais très arbitraire. D’ailleurs l’étude de ces dessins sur ostraca prouve abon- 
damment, malgré quelques exceptions, que les artistes égyptiens dessinaient de mé- 
moire et non d’après nature et que leurs interprétations étaient toujours, même 
dans de simples croquis, stylisées dans un sens décoratif. 

A partir du moment où ils connurent les chevaux, les Égyptiens semblent en avoir 
fait un grand usage et un grand cas. 

Le Pharaon avait des haras spécialement confiés à un intendant et dans lesquels 
était soignée une grande quantité de chevaux W. Un nombreux personnel était attaché 
aux écuries. Les haras prirent un si grand développement que les Égyptiens purent 
faire commerce de leurs chevaux et en vendre aux marchands étrangers ( 2 h Ils con- 
tinuèrent à en importer également et on peut voir des représentations de prisonniers 
apportant des étalons comme tributs W. 

Si les Syriens montaient leurs chevaux sans harnachement, les Égyptiens, eux, 
couvraient souvent les leurs de somptueux ornements, principalement ceux qui 
étaient attelés aux chars royaux. On a de ravissants exemples de ce faste dans des 
scèneg de batailles ou de chasses. On peut citer en première ligne les magnifiques 

(1) Hartmann, L’agriculture. , p. 211 ; U. Bouriant, Mém. Miss, au Caire , t. Y, 422, pl. IV, V. 

(2) Rois, X, 28, 29 ; IV, 26. 

< 3) Bull, of the Metr. Mus. of Art (New York), Eg . Exp., 1929-1930, fig. 8; Davies, The Rock tombs 
of el Amarna , II, pl. 37-39. 


32 


J. VAND 1 ER D’ABBADIE. 


chevaux qui ornent le coffret de Toutankhamon au musée du Caire Û). Les chevaux 
y sont vêtus d’étoffes et de broderies et leur têtes sont empanachées de plumes d’au- 
truches < 2 ). Même dans les attelages plus simples, les chevaux étaient toujours ornés 
et caparaçonnés. Ils étaient dirigés au moyen de guides actionnant un mors et ils 
étaient attachés au char, à peu près comme on peut le voir de nos jours, par un timon, 
des sangles et un collier 

Le char de guerre était une construction légère formée d’un plancher posant sur 
un essieu. La balustrade qui était courbe était ouverte à l’arrière, et l’aurige se tenait 
debout. Le char de guerre contenait les armes nécessaires et des carquois fixés à la 
balustrade W. Les chars de promenade semblent avoir été à peu près du même modèle 
mais dégarnis d’armes et de carquois. 

Les représentations les plus fréquentes de chevaux à partir de la XIX e dynastie se 
trouvent dans les grandes scènes de batailles. Ils sont attelés à des chars et lancés au 
grand galop ; les jambes antérieures étendues devant eux, ils reposent uniquement 
sur les sabots de leurs jambes postérieures, dans cette pose conventionnelle, pleine 
d’élan et d’allure, mais si peu naturelle, qui leur fut donnée par tous les artistes de 
tous les peuples de l’antiquité. Quelquefois ils sont représentés, cependant, marchant 
au pas, attelés à de légers chars de promenade, dans lesquels le propriétaire des champs 
allait faire sa tournée d’inspection (®). Il semble, en effet, que le cheval n’ait pas été 
communément employé dans les travaux agricoles et qu’il ait été réservé de préfé- 
rence à l’armée, car il ne nous est parvenu qu’une seule représentation montrant 
des chevaux attelés à une charrue ( 6 h Ils n’étaient que rarement représentes comme 
bêtes de selle; les Égyptiens ne montaient pas à cheval, du moins à cette époque, 
et les quelques représentations de cavaliers qu’on peut relever dans les bas-reliefs 
égyptiens nous montrent, non pas des soldats égyptiens, mais des soldats de l’armée 
ennemie ( 7 ). Ce n’est qu’à l’époque ptolémaïque que l’armée égyptienne eut une 
cavalerie. 

Sur les ostraca les scènes les plus nombreuses sont celles où les chevaux sont attelés 
à des chars, dans la pose conventionnelle des grandes scènes de bataille, et conduits 
par un aurige tenant à deux mains les guides et le fouet, ou encore dans une allure 
tranquille de promenade, attelés à un char léger ne comportant ni porte-flèches, ni 

f l ) Schâfer-Andrae, Die Kunst des alten Orients, p. 366; Carter-Mace, The Tomb of Tutankhamon, I, 

pi. li à liii. 

P) Schâfer-Andrae, op. cit., p. 376, 378. 

P) Lefevre-Desnoüettes, L’attelage et le cheval de selle dans l’Antiquité, p. 44. 

P) Wreszinski, Atlas, II, pl. 34, 1 16 ; Th. Davis, The tomb of Thoutmosis IV, p. 2 4, pl. X-XI. 

P) Wreszinski, Atlas, I, pl. 189; Tylor, The tomb of Paheri, pl. 3. 

P' Sciiafer , Prierstergrabe (Leipzig 1908), p. 168, fig. 8. Cette représentation date du régné d Ame- 
nophis IV. 

P) Petrie, Six temples al Thèbes, pl. VIII, 1 ; Cafart, ./. E. A., VII, 1921, pl. VI, p. 3a ; Wreszinski, 
Atlas, II, 45 - 46 ; Lepsius, III, i 45 b, Edfou, IV, p. i 3 i. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


33 


instruments belliqueux. Sur d’autres dessins les chevaux sont représentés seuls, dans 
des poses différentes. 

Sur ces ostraca on ne relève que peu de couleurs ; les chevaux et les personnages 
sont peints invariablement en ocre-rouge. Le dessin et les détails sont tracés en noir. 
Quelquefois le char est peint en jaune pour exprimer qu’il est en bois. 

Le nom égyptien du cheval est : C’est le mot qui le désigne le 

plus fréquemment dans les textes dès la XVIII e dynastie. Un .autre mot qui signale 
plus particulièrement le cheval de guerre est : * V knw (2 ) . 

Le terme : lür (qui a donné en copte le mot ; 2*ro) était appliqué avant le 

Nouvel Empire aux attelages de bœufs. 11 désigne également ceux de chevaux, à partir 
de cette époque. Le premier exemple de cette désignation se trouve sur la tablette 
Carnarvon, et date, par conséquent de la XVII e dynastie 

A cette série de dessins de chevaux que nous étudions en ce moment, appartient 
un des plus beaux ostraca qui nous aient été conservés. Bien qu’il n’ait pas été trouvé 
sur le chantier au cours des fouilles, on peut cependant affirmer qu’il provient de 
Deir el-Medineh. Il y avait certainement dans ce village, à une certaine époque, un 
ou deux artistes hors ligne dont la sûreté de main et la justesse d’observation ont 
produit sur ces morceaux de calcaire de véritables œuvres d’art. Ce dessin de cheval, 
la hyène poursuivie par des chiens, certaines têtes de rois de ce catalogue (2 568 , 
2670), sans oublier la magnifique ballerine du Musée de Turin, sont autant de petits 
chefs-d’œuvre, pleins de vie et de grâce, dont la surprenante liberté d’exécution ne 
se rencontre que rarement dans l’art égyptien. 

Pour en revenir à ce cheval, on ne peut trop admirer la hardiesse de sa pose, la 
sûreté de la ligne qui dessine la croupe et la merveilleuse courbe du cou. Il y a, dans le 
mouvement de ce cheval se grattant le museau avec sa jambe de derrière, et dans l’ex- 
pression de sa tête, une telle vérité et une telle justesse d’observation, qu’on ne songe 
pas à reprocher au dessinateur son impuissance à camper l’animal sur ses jambes 
antérieures. Celles-ci, en effet, projetées en avant, ne lui auraient pas permis de se 
tenir en équilibre ( 4 h Ce dessin est néanmoins une des œuvres les plus extraordinaires 
et les plus rares qui aient été trouvées jusqu’ici parmi les ostraca figurés. Il est probable, 
même, que cette vérité d’expression et ce «modernisme» ont rarement été dépassés 
dans la peinture égyptienne. 

Bien que n’ayant pas le caractère et la hardiesse de cette peinture les autres dessins 
de cette série sont très bien venus. On remarquera notamment, une petite scène, 

W. B., IV, p. 277 ; Urkunden, IV, p. 9, 1 . 10, 36 ; id., p. ^ 3 . 

I 2) Guide du Musée du Caire, 1916, p. 216, n° 987, 1 . 11 = Urkunden , III, pl. II. 

(3) Gardiner, Journ. of Eg. arch III (1916), p. 96 et seq. 

Les jambes antérieures devraient reposer verticalement sur le sol, pour assurer au corps un appui 
solide, comme on peut le voir sur le charmant dessin d’un petit Yeau dont le mouvement a de grandes 
analogies avec celui du cheval et qui se trouve dans la tombe de Kenamon (Bull, of the Metr. Mus. of 
Art [New York], Eg. Exp., 1916-1917, p. 22, fig. Bi) ; cf. aussi Meir, IV, pl. XIV (VI e Dyn.) 


Documents de fouilles, t. II, 3. 


5 


34 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


non seulement très bien conservée mais aussi très joliment observée et très bien 
équilibrée (21 58 ). Un homme au crâne chauve, monté dans un de ces légers 
chars de promenade dans lesquels les riches propriétaires allaient faire la tournée 
d’inspection de leurs domaines W, tient dans sa main droite un fouet et, dans 
la gauche, les guides. Le char est tiré par deux chevaux : l’absence de sangles et 
de collier n’est peut-être qu’un oubli du dessinateur qui, en revanche, à fort bien 
indiqué le mors et le caparaçon. Les lignes qui dessinent les contours des deux 
chevaux sont si rapprochées qu’on pourrait croire à première vue qu’il 11’y en 
a qu’un. 

Un autre ostracon d’un assez bon dessin également est particulièrement intéressant 




par Son sujet (2 1 5 g). Il représente un personnage, monté en amazone sur un cheval 

lancé au galop dans le désert . Nous avons déjà 
dit que les Égyptiens ne se servaient pas des 
chevaux comme bêtes de selle et que les repré- 
sentations connues de cavaliers figurent géné- 
ralement des étrangers. On est donc tout 
naturellement amené à trouver dans cette 
petite peinture une influence étrangère et 
c’est pourquoi on a cru pouvoir identifier ce 
cavalier à la divinité syrienne Astarté, déesse 
de la guerre. Cette identification a été faite 
par Davies à propos d’un ostracon sem- 
blable, qui lui appartient. Un autre dessin 
de l’ancienne collection Wreszinski, maintenant conservé au Musée de Berlin ( 3 >, 
est le troisième ostracon reproduisant cette scène L’identification de ces figures 
à celle de la déesse Astarté est d’ailleurs confirmée par une représentation sem- 
blable gravée sur un rocher près du temple de Rédésieh dans le désert à l’Est 
d’Edfou. C’èst une stèle taillée à même le roc. Au registre supérieur, Séti I er fait 
une offrande de vin à plusieurs dieux; au registre inférieur, la déesse étrangère est 
représentée galopant sur un cheval, brandissant une lance et un bouclier. Au-dessus 
d’elle est inscrit son nom dans sa transcription hiéroglyphique : 2Z.0" 1 th (%• 1 5 ) (5) - 
La ressemblance entre cette figure et celle des ostraca que nous venons de citer est, 
malgré quelques différences dans la pose, absolument formelle, c’est pourquoi l’im 
scription de Rédésieh permet d’identifier avec certitude le personnage de notre 


Wreszinski, Atlas , I, 2 4 o. 
w J . E. A*, 1917, p- 2 34 . 

ï*) Schafer-Andrae, Die Kunst des alten Orients, p. 38 1. 

< 4 ) Un quatrième dessin de ce sujet figure sur un ostracon de Turin, si mes souvenirs sur l’examen 
rapide d’un morceau très effacé sont exacts. Cf. aussi Keimer, Études d' Égyptologie , fasc. III, pl. III. 

Golénischeff, Rec. Trav XIII, p. 78; Gunn-Gardiner , J. E. A., 1917, p. s 5 i ; S. A. B. Mercer, 
Egyptian Religion, vol. III, n. 4 , oct. 1935; Astarté in Egypt, p. 196, fig. 1. 


35 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

esquisse W. Astarté porte, ici, comme sur l 'ostracon de Davies, une tunique courte et 
lient dans une de ses mains une arme, très effacée, mais qui doit être une lance. Elle 
ne porte ni casque, ni bouclier et elle monte, non pas à califourchon ainsi que nous 
l’avons déjà fait remarquer, mais en amazone, ce qui semble être une mode syrienne. 
On a retrouvé, en effet, sur les graffiti du Sinaï, datant de la XII e dynastie, des repré- 
sentations d’Asiatiques montés en amazones sur des ânes ( 2 ). Nous avons vu combien 
sont rares les représentations de cavaliers dans l’art égyptien classique; ceux qu’on 
peut signaler figurent toujours' des Asiatiques. Ils sont particulièrement nombreux à 
cette époque de grandes conquêtes. Ces expéditions favorisèrent entre la Syrie et 
1 Égypte des échanges aussi bien commerciaux qu’artistiques et religieux. Les Égyp- 
tiens admirent, à ce moment, dans leur panthéon certaines divinités, dont les étrangers 
avaient importé le culte aux bords du Nil. Il n’y a rien d’étonnant, par conséquent, 
à voir figurer sur les monuments ainsi que sur ces ostraca, cette déesse guerrière 
venue d’Asie. Sur cette représentation d’Astarté, on remarquera que le cheval n’a 
ni mors ni guides ; on voit seulement autour de son cou quatre lignes simulant sans 
douté un collier. L’animal est dessiné dans cette pose conventionnelle et allongée 
qui représente les chevaux au galop et que nous avons déjà signalée plus haut. L’allure, 
d’ailleurs, est pleine de mouvement et la silhouette générale est assez élégante. 
Cependant le dessin du cheval n’est pas très bon, la tête est trop petite et gauchement 
indiquée, tandis que les jambes sont d’un dessin lourd et mou. L’animal bondit 
au-dessus d’une ligne sinueuse qui figure le désert. Malgré quelques détails un peu 
imparfaits, cet ostracon reste un des plus charmants de cette série. On ne saurait 
montrer autant d’indulgence pour un fragment (2161) d’un dessin lourd et raide. 
La crinière des chevaux est indiquée d’une façon mécanique; on cherche en vain 
le tracé plein d’aisance et de hardiesse qui caractérise le dessin égyptien même lorsqu’il 
est l’œuvre d’un débutant. Le geste de l’homme qui marche devant les chevaux est 
sans franchise et peu courant dans l’art égyptien. En revanche, le harnachement est 
très exact et bien observé, les chevaux sont complètement équipés, une sangle passée 
sous le ventre et le collier est retenue sur le dos par une sorte de sellette ornementale. 
Sur la tête est fixée une pièce de métal, tandis que les courroies sont attachées à un 

{1 ' En plus de la stèle bien connue du Musée de Turin où la déesse est figurée à cheval dans la même 
pose qu à Rédesieh (Mercer, Egyptian Religion, III, n° 4 [oct. 1935], Astarté in Egypt, p. 197, fig. 2), il 
faut citer aussi deux intéressantes stèles représentant une adoration à Astarté. Sur la première, la déesse 
est figurée dans le registre supérieur. Elle est nue et casquée, montée sur un cheval; elle brandit une 
lance dans sa main droite. Cette silhouette offre de telles ressemblances avec celle de notre ostracon qu’il 
est impossible de ne pas en être frappé. Cette stèle date certainement, elle aussi, de la XIX e dynastie 
(Quibell, The Ramesseum , pl. XXVII, 6). Enfin le second document est un fragment de stèle montrant la 
figure de Thoutmosis IV en adoration devant une déesse à cheval qu’on suppose être Astarté. Il ne reste de 
ce personnage que les mains tenant une lance et un bouclier. La tête du cheval subsiste également sur ce 
fragment (Petrie, Six temples at Thebes, pl. VIII, 1). 

(î) Cerny, Archiv Orienta ni, VII, 1 9 3 5 , p. 384 . 


5 . 


36 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


muselon M. Il n’y a pas d’indication de mors. Malgré ces détails assez précis et justes, 
on ne peut s’empêcher d’avoir des doutes sur l’authenticité de cette pièce «. On y 
remarquera, d’abord, certaines lignes tracées par petits tronçons comme a l aide d un 
poncif ce qui n’était nullement une méthode de travail égyptienne; ensuite on com- 
prend mal pourquoi les chevaux attelés à un char, conduit par un aurige, sont précédés 
d’un guide qui tient une corde et qui n’est pas sur le même plan que l’attelage. 
De 1 aurige il ne reste que la main, qui tient les guides et dirige les chevaux, mais 
cette main se trouve si près de la tête des chevaux que si on veut reconstituer la partie 
manquante on s’aperçoit que le bras de cet aurige serait d’une longueur démesurée. 
Ce sont tous ces détails qui rendent ce dessin extrêmement douteux. 

Il nous reste à mentionner quelques documents malheureusement fragmentaires 
ou très effacés. L’un d’eux, qui est très élégant (2162), est cependant 1 œuvre d un 
débutant si on en juge par la disproportion des jambes des chevaux. Devant l’attelage 
une chèvre broute une plante. Sur d’autres petits fragments, on remarquera (2178) 
la croupe d’un cheval qui rue et deux autres animaux dans une pose élégante (2 1 65 - 
2166). Mais un de ces morceaux est d’une qualité si exceptionnelle qu’il merde 
qu’on s’y arrête un peu plus longuement (2167) : c’est une plaque de calcaire 
soigneusement nivellée et décorée des deux côtés. La finesse et l’élégance du dessin 
rendent plus regrettable encore le morcellement de cet ostracon. Un petit chien noir 
court entre les pieds des chevaux dans le sens inverse de leur marche. Les jambes 
des animaux sont étendues dans le mouvement de galop. Au verso est un très beau 
fragment de palmier doum. Il est évident que l’auteur de ce double ostracon était un 

maître très sûr de son metier. ^ 

Une autre scène un peu différente des précédentes (2 1 78) a peut-être trait au soin 
donné aux animaux, comme on l’a déjà vu à propos des bœufs; elle représente un 
cheval mangeant dans une grande corbeille posée sur une sellette Enfin, un dessin 
(2190) de cette série est le seul exemple d’âne qui nous soit parvenu sur ostracon. 
On se serait attendu à rencontrer parmi ces dessins sur calcaire, un beaucoup plus 
grand nombre de figurations d’ânes; cet animal était et est encore si répandu en 
Égypte, où son utilité est si grande, que les artistes égyptiens ont eu maintes fois 
l’occasion de le représenter. Les exemples en sont si connus et si nombreux qu il 
semble inutile de les rappeler ici. On ne peut que s’étonner de l’absence, dans ces 

scènes familières, de la silhouette populaire des ânes. 

Nous avons déjà signalé qu’il était assez facile de trouver dans l’art égyptien, parmi 
les scènes belliqueuses des temples ou celles plus pacifiques des tombes, des sujets 
qui rappelent beaucoup ceux de nos documents ; on pense surtout à certains modèles 
d’attelage et à certains groupes dans lesquels se retrouvent les mêmes igures 

(1) Lefeyre-Desnouettes, L’attelage et le cheval de selle à travers les âges, p. U. 

W Ce doute est d’autant plus légitime que cet ostracon a été acheté chez un antiquaire et non trouve 

sur un champ de fouilles. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 37 

stéréotypées de chevaux. On peut également faire la même comparaison avec certaines 
stèles où le mort lui-même est figuré conduisant son char 6) ou avec des scènes peintes 
sur dès objets, comme sur le coffret de Toutankhamon. Quelques poteries ont été 
retrouvées, qui sont ornées de chevaux marchant ou galopant. Ces exemples, qui 
d’ailleurs sont assez rares, proviennent en partie de Deir el-Medineh ( 1 2 ). 

On sait que ce site a donné une ample moisson de poteries de toutes sortes. Les 
chevaux peints sur ces poteries sont moins conventionnels que ceux qui sont 



Fig. 16. 


représentés sur les monuments, et sont plus apparentés, comme style, à ceux des 
ostraca figurés. 

Il faut signaler également comme représentations de chevaux, comparables à celles 
de ce catalogue, un très beau dessin sur calcaire conservé au Metropolitan Muséum 
de New York et trouvé dans une tombe de Thèbes (fig. 16) ( 3 >. Il représente un cheval 
qui penche la tête vers sa jambe antérieure gauche. La forme est élégante, quoique 
les jambes soient peut-être un peu longues. Mais le mouvement parfaitement juste 

<') Lacaü, Stèles du Nouvel Empire ( Cat . Gén. du Mus. du Caire), pl. XXI et pl. LXVI. 

m Nagel, B. 1 . F. A. O., XXX ( Mélanges Loret), i r ‘ partie (ig 3 i),-p. 1 8 5 ; Schâfer-Andrae, Die Kunst 
des Alten Orients , pl. XIX. 

(3) Bull. of the Metn Mus. of Art (New York), Eg. Exp v 1922-1923, p. 23 , fig. 16. Capart, L'Art 
égyptien, Choix de Documents III, Les Arts graphiques, pl. 58 1. 


y 


6 



38 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


et bien observé n’a rien de conventionnel. Il est visible que l’artiste a reproduit 
ici un mouvement vu sur nature, comme pour l’admirable dessin de notre collection. 

D’autres collections possèdent aussi des ostraca représentant des chevaux; on peut 
en citer de très jolis exemples à Bruxelles, à Hanovre, à l’University College de Londres, 
entre autres, qui proviennent tous, soit de Deir el-Medineh, soit de la région envi- 
ronnante, et peuvent être datés de la même époque. 

F. — Nous avons remarqué, dans les séries d’ostraca que nous venons de décrire, 
que des figures d’animaux isolés ne se rencontraient qu’à titre exceptionnel. Dans 
presque tous les cas, des personnages humains avaient leur place dans les groupes. 
Il s’agissait donc de scènes composées. Nous allons étudier maintenant une série 
de dessins reproduisant des figures isolées dont un grand nombre donnent l’impres- 
sion d’être des croquis d’après nature. On verra des études de mouvements, des 
attitudes d’animaux retracées avec cette précision, cette justesse d’observation qui 
caractérisent les dessins d’animaux dans tout l’art égyptien. Il n’y a pas eu de peuple 
dans l’antiquité qui ait su, mieux que les Égyptiens, traduire d’une façon aussi 
synthétique et décorative, mais en même temps aussi vivante et réaliste, les figures 
d’animaux dans le caractère qui leur est propre et dans leurs différentes attitudes. 
Ce peuple devenu sédentaire grâce à la merveilleuse fertilité de cette Vallée s’adonnait, 
avant tout, à la culture et à l’ élevage. "Les hommes vivant en contact permanent avec 
leurs animaux avaient tout loisir de les observer et de détailler leurs caractères, ce qui 
explique la facilité, pour les artistes particulièrement doués qu’ils étaient, de devenir 
des maîtres animaliers. 

Le seul ostracon de cette série qui soit décoré d’une scène composée est fort inté- 
ressant par la rareté de son sujet et par la façon dont il est traité (2 1 92). Il représente 
un magnifique acacia « Sont», que des chèvres broutent, tandis que le berger, de l’autre 
côté de l’arbre, coupe avec sa faucille les branches que ses animaux ne peuvent 
atteindre. L’acacia est remarquablement dessiné, avec son tronc large et ses longues 
branches sinueuses d’où tombent le feuillage léger et les fruits en forme de gousses 
qui le caractérisent, les chèvres sont tracées d’une façon rapide, mais sure et l’une 
d’elles, qui se dresse sur ses pattes postérieures pour atteindre les plus hautes bran- 
ches, a malgré sa taille disproportionnée un mouvement très juste et bien observé. 
A la droite de l’arbre, le chevrier tient une sorte de bâton assez long, au bout duquel 
était emmanchée une lame courbe en métal, permettant de couper les branches élevées 
des arbres et des arbustes W. C’est le bâton : | , 'wt, que nous avons déjà vu entre les 
mains des bouviers ^ et qui est souvent employé comme signe-mot pour désigner 
les chèvres, les moutons ou les troupeaux de petit bétail ( 3 L II était donc, par excellence, 

s 

Hartmann, L’Agriculture dans V Ancienne Égypte, p. 83 , fig. i 3 , 8 a. 

(J) Cf. infra, p. ai. 

(3) Newberry , Beni-Hasan, II, pi. XXX ; Davies, Deir el-Gebrawi, I, pi. XXIV, XXV ; Urkunden, IV, 1 1 2 A. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


39 


l’attribut des bergers. On a remarqué qu aujourd’hui encore, certaines tribus no- 
mades d Egypte, les Ababda et les Bisharîn, emploient ce même long crochet pour 
abaisser les branches hautes des acacias ou d’autres arbres afin de permettre à leurs 
chèvres ou à leurs moutons de brouter les feuilles W. 

L’acacia représenté ici avec tant de précision et d’exactitude est un arbre originaire 
d Egypte et d Asie, dont plusieurs espèces croissaient et croissent encore dans la 
Vallee du Nil. Les deux variétés les plus connues sontTacacia Seyal et l’acacia Nibtica. 
Ce dernier a le tronc trapu, les branches sinueuses et le feuillage pinné. Au prin- 
temps, l’acacia donne des fruits en forme de petites grappes ( 2 ). Le dessin de cet os- 
tracon reproduit donc avec exactitude un acacia Nilotica ou Sont . Le nom égyptien de 
I acacia est : X } , snd, mot qui se retrouve en copte sous la forme ujant, ou ci^ONTe. 

On reconnaît d’ailleurs que le même nïot s’est conservé dans l’arabe moderne pour 
désigner cet arbre. 

Les Égyptiens faisaient grand usage de l’acacia, ils se servaient de son bois en 
ebenistene pour faire des coffrets, des meubles et des statuettes et surtout les bateaux. 
La résiné était employée en qualité de gomme, mélangée à l’eau et aux couleurs pour 
rendre celles-ci adhérentes W. Enfin, en plus de la gomme arabique, on extrayait de 
l’acacia certaines huiles qui servaient en médecine, ainsi que le mentionnent quelques 
papyrus médicaux (*). 

Les chèvres, qui jouent ici un rôle important, étaient très répandues en Égypte 

dès les plus anciens temps, puisqu’on en voit des représentations dès l’époque 
prédynastique W. 

Les Égyptiens élevaient plusieurs espèces de chèvres, dont beaucoup de momies 
ont été retrouvées, particulièrement à Saqqarah. Les trois espèces principales qui 
vivaient alors en Égypte, étaient : la chèvre au nez busqué (Hircus thebaicus ) («), qui a 
» ^ es ore ^ es longues et/ tombantes et les cornes très courtes et souvent même absentes ; 
la chèvre mambrine (Hircus mambrinus ) W, dont les cornes longues et contournées 
chez le bouc sont courbes chez la chevre, avec les pointes légèrement relevées en 
avant; les oreilles sont également longues et pendantes. Enfin, la troisième espèce 
est celle des chèvres naines (. Hircus reversas) M, dont les cornes sont très courtes, les 
oreilles petites et pointues et le menton orné d’une barbiche. 

Ces descriptions, on doit le reconnaître, ne facilitent pas beaucoup l’identification 

(,) Newberry, J. E. A., XV, 1929, p.. 84 . 

m Keimer, Bull, de la Société royale de Géographie, t. XVIII, pi. II, fig. a . 
m Lucas, Ancient Egyptian materials and industries, 2 e éd., p. 294. 

W V - Loret > Recueil de Travaux, II, p. 64; Pline, Histoire Naturelle, XIII, 19 ( 9 ). 

(5) J. de Morgan, Recherches sur les origines de l’Égypte, t. II (1897), p. 2 64 , pi. III. 

<*> C. Gaillard et Daressy, La faune momifiée de l’Antique Égypte, p. fo4 et Bbehm, La vie des animaux 
illustrée , p. 5 99. 

(7) C. Gaillard, Les Tâtonnements des Égyptiens..., p. 4 ; Breiim, op. cit., p. 592. 

(,) C. Gaillard et Daressy, La faune momifiée de l’Antique Égypte, p. 102; Brehm, op. cit,, p. 599. 


$ 


6 . 


60 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


des chèvres qui sont dessinées autour de notre acacia. Elles ont en effet, toutes les 
particularités des chèvres mambrines mais elles ont les oreilles bien dressées. Leur 
taille et la longueur de leurs cornes nous empêchent cependant de les identifier à 
des chèvres naines. On peut donc supposer qu’il s’agit ici d’une espèce provenant 
de croisements, ou encore que l’artiste dessinant de mémoire a négligé l’exactitude 
des détails ou les a confondus. Je crois cependant que là première hypothèse est plus 
vraisemblable, car dans plusieurs représentations, les chèvres sont ainsi figurées avec 
les oreilles pointues et bien dressées (h. 

En égyptien ancien, plusieurs mots désignaient les chèvres. Sous l’Ancien Empire, 
par exemple, dans la tombe de Mera, on trouve le mot : + (2) généralement employé 

pour désigner les bœufs. Un autre mot : ^ “ % , particulier au vocabulaire de l’Ancien 
Empire < 3 ), et de la Première Période Intermédiaire, ne se retrouve pas sous le Nouvel 
Empire. Le mot : est à toutes les époques le plus fréquemment 

employé pour désigner les chèvres, ainsi que le mot : j* ^ qui signifie plutôt : 
«petit troupeau» ( 5) . Enfin, un autre nom qu’on trouve dans un papyrus médical : 

( 6 ), désigne également les chèvres. 

Cette petite composition, unique jusqu’à maintenant dans nos documents, n’est 
cependant pas un sujet exceptionnel dans l’art égyptien. Ce thème était déjà en faveur 
sous l’Ancien Empire. Dans une tombe de Zauiet el-Meïtin < 7 ), on peut voir des chèvres 
à l’assaut d’un arbre, qu’un homme armé d’une hache s’apprête à abattre. C’est 
le même sujet traité avec la symétrie et le style très pur, propres à l’art de l’Ancien 
Empire. A l’époque qui nous occupe, c’est-à-dire à la XIX e dynastie, contemporaine 
de ces ostraca, on remarque dans plusieurs tombes, des scènes semblables W, et entre 
autres une fresque d’une chapelle bien connue de Deir el-Medineh W, qui présente 
avec notre ostracon des analogies frappantes. Elle réunit également autour d’un acacia 
des chèvres qui broutent les branches sous le surveillance d’un berger. Comme ici, 
les chèvres, dont quelques-unes se dressent pour atteindre les basses branches de 
l’arbre, ont des cornes longues et des oreilles bien droites; l’arbre, qui ressemble 
beaucoup au nôtre, est couvert de longues gousses noires. C’est probablement cette 
scène de la chapelle du scribe Ipouy, qui a inspiré la petite composition de notre 
ostracon (fig. 17). Ces chapelles de tombes étaient ouvertes au public, et je suppose 

Lepsius , Denkmâkr, II, pl. 111 ; Bruyère , Deir el-Medineh, 1 g 2 4 -i 9 2 5 , [). 35 , fig. 2 3 Wreszinski, 
Atlas, I, 363 . 

« W. B., I, 3 a 6 . 

< 3 > W. B., I, 279. 

W W. B., I, 2o5. 

( 5 i Urkanden, IV, 11, 2 A; Newherry, Beni-Hasan , II, pl. XXX; Deir el-Gebrawi, I, pl. XXIV et XXV. 

(•> Papyrus Ebers, 63 , 16; Paton, Animais II, E. 176. 

(’) Leï»sius, Dënkmâler, II, pl. 111 b; Variiie, La tombe de Ni-Ankh-Pepi ( Mém . de VI. F. A. O.), pl. XVI 
et p. i 5 = Lepsius, Denkmàler, II, 108. 

< 8 > Wreszinski, Atlas, I, i28-i3o. 

Davies, Two Ramesside Tombs, pl. XXX. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


41 


que les jeunes dessinateurs s’exerçaient à reproduire de mémoire les scènes qu’ils 
avaient remarquées ainsi, soit dans les chapelles, soit au cours de leurs promenades 
dans les champs où ils pouvaient si souvent observer sur le vif les gestes des animaux. 
Ce charmant sujet a été exploité aussi par les décorateurs pour orner certains objets. 
C’est ainsi qu’on peut le relever à l’intérieur de coupes en terre cuite W, ainsi que 
sur des coffrets funéraires en bois stuqué ^ (fig. 18). Mais il semble que rares 
soient les décorations qui aient atteint la qualité de notre ostracon qui, par la vérité 
des détails et la spontanéité du dessin, mérite 
une place de choix parmi les pièces les plus 
originales et les plus intéressantes de cette 
collection. 

Comme nous l’avons déjà dit les autres 
dessins de cette série figurent un animal dans 
une pose familière, mais seul et sans essai de 
composition. C’est ainsi qu’on peut voir sur 
deux ostraca (2190-2191) un moufllon à 
manchettes ( Ammotragus tragelaphus ) dont 

les cornes puissantes s’enroulent en s’écartant 
d’abord l’une de l’autre, puis se rapprochent 

d’ovidé sont extrêmement longs snr les pattes 
et sur le poitrail. Ce moufllon souvent repré- 
senté dès l’Ancien et le Moyen Empires ("b 
était appelé : | J J (5) - ’ Fig. i 7 . 

Un très joli exemple d’ibex ( Ibex Nubiana, 

Cuvier), ou bouquetin Beden W, est également figuré sur un morceau de calcaire 
(2193). Il est couché, les pattes repliées sous son corps. Ses longues cornes 
recourbées ont des nodosités transversales notées avec soin. Les Égyptiens avaient, 
dès l’Ancien Empire, tenté d’apprivoiser l’ibex dont la chair était, comme elle l’est 
encore aujourd’hui, très appréciée. Oh peut en relever de nombreuses représentations 
dans les mastabas de Saqqarah et dans les tombes de la Moyenne Égypte et de la 
région thébaine C 7 ) où il figure dans des scènes de chasses. Ce bouquetin, dont le 

(I) Bruyère, Deir el-Medineh , 1925, t, III, p. 35 , fig. 23 . 

(a) Càpart, Documents, I, pl. 78 et Propos sur P Art égyptien, p. 122, fig. 85 . 

(3) C. Gaillard et Daressy, La faune' momifiée de V Antique Égypte. 

(4) Newberky, Beni-Hasan, II, pl. XIII; R. Hartmann, p. 2/1. A. Z. (1-8 64 ), p. 23 . 

« W. B., I, p. 61. 

Brehm , La vie des animaux illustrée , p. 584 ; G. Gaillard, Les tâtonnements des Égyptiens. . ., 

p. 10. 

(7) Wreszinski, Atlas, III, pl. 51-90; Newberry, Beni-Hasan, I, pl. XXX; II, pl. XIV, XXXVI, 1 ; 
Wilkinson, Manners and customs..., II, p. 92, fig. 357; Wreszinski, Atlas, III, 109. 


à leur extrémité. Les poils de cette espèce 



42 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


nom égyptien était rs se trouve encore en Égypte, Schweinfurth ie signalait dans 
les montagnes de l’est de Farchout. D’après Anderson, il habite également au Liban, 
en Palestine, au S inaï et en Égypte entre le Nil et la mer Rouge ainsi qu’en Nubie. 



Fig. 18 (cliché retourné afin de présenter les décorations d’une façon lisible). 


Deux morceaux fragmentaires (2194-2195) représentent probablement des ga- 
zelles. L’un d’eux figure l’arrière-train d’un animal à pelage tacheté de noir et de 
brun. Sa queue courte ne peut être celle de l’addax, ni de l’oryx, mais seulement 
celle d’un antilopidé; c’est peut-être une gazelle Dorcas. En Égypte, la gazelle était 
aussi répandue que l’ibex; elle était désignée par le mot : •!P W - Il existait deux 


0) W. B II, 202. — m W. B., V, 191 ; Paton, Animais, E 17 a , p. 11. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


43 


espèces de gazelles : la gazelle Dorcas, figurée surtout sur les monuments d 'Ancien 
Empire en Basse Égypte, et la gazelle Isabelle plus répandue en Haute Égypte. Elle 
était un peu plus grande que la précédente et ses cornes sont fortement recourbées 
en arrière (*>, tandis que les cornes de la gazelle Dorcas ont les pointes légèrement 
redressées en avant. De nombreuses momies de gazelles ont été retrouvées au sud-est 
d’Esneh en Moyenne Égypte W. 

Les Égyptiens ont aimé à toutes les époques reproduire la silhouette gracieuse 
de la gazelle. Le Nouvel Empire qui nous intéresse plus directement nous a laissé 
dans de nombreuses scènes de chasses maintes figures de gazelles. Nous signalerons 



tout spécialement la paroi d’une tombe inachevée de Gournah (fig. 19) sur laquelle 
une scène ébauchée montre des jeunes chevreaux et des antilopes, les uns couchés, 
les au t ne s courant ; la liberté du dessin et la justesse des traits rappellent beaucoup 
les meilleurs de nos croquis sur ostraca. Cette peinture inachevée est particulièrement 
intéressante parce qu’elle est due sans doute à ces mêmes artistes qui dessinaient 
sur ostraca. M. Capart qui a publié cette scène la compare à une silhouette de gazelle 
couchée datant de l’Ancien Empire et dont la pose est exactement semblable à celle 
de la gazelle de l’esquisse inachevée. Il se demande même si les artistes ne se servaient 
pas d’une sorte de « manuel de dessin» qu’ils se transmettaient d’âge en âge (3) . Cette 
question mériterait d’être approfondie; en tous les cas ce ne sont pas les ostraca 

Gaillard, op . ci/., p. 8. 

W Lortet- Gaillard, La faune momifiée de V ancienne Égypte , i re série, p. 82, fig. 4 2 à 45 . 

Capart, Documents pour servir . . . , I, pl. 19 b et p. 48 . 




J. VANDIER D’ABBADIE. 


kh 

figurés qui, avec leur liberté, leur spontanéité et leurs imperfections ont pu servir 
de «modèles». 

Pour en revenir aux gazelles, on se doit de rappeler que les Égyptiens donnaient 
volontiers la forme de ce charmant animal à certains de leurs plus jolis objets de 
toilette; on pense surtout aux cuillers à fards sculptées en forme de gazelles couchées 
ou d’oryx dont le corps évidé sert de cupule (fi ; le corps d’une gazelle décorait l’accou- 
doir ajouré d’un fauteuil, d’autres objets encore, des vases, des harpes étaient ornés 
de têtes de gazelles ( 1 2 3 4 5 L Les Égyptiens avaient su tirer parti des formes élégantes de ce 

gracieux animal, non seulement en le reproduisant dans 
les fresques mais encore sur de nombreux objets usuels. 

G. — Tandis que les chèvres, les gazelles et les 
ibex se trouvent représentés à toutes les époques de 
l’art égyptien, les chats, en revanche, ne semblent pas 
avoir été figurés sous l’Ancien Empire. Les premières 
représentations de cet animal datent de la XII e dynastie 
et se trouvent dans les tombes de Béni Hasan (fi ; il joue 
plus tard un grand rôle religieux comme animal consacré 
à Bastet, la célèbre déesse de Bubastis qui était elle-même 
représentée comme une femme à tête de chat : son sanctuaire contenait une grande 
quantité de statuettes de chat en bronze, en bois ou en pierres, déposées comme ex- 
voto (fi. Ailleurs on a retrouvé des chats momifiés, ce qui indique la vénération dont la 
population les entourait. D’autre part, certaines illustrations de scènes mythologiques 
nous montrent le chat assimilé au dieu Rë' lui-même. C’est ainsi qu’un chapitre du 
Livre des Morts commémore la lutte du chat (Rë') contre le serpent des ténèbres 
(Apophis), dont il coupe la tête avec un couteau. Cette scène, qui est reproduite sur de 
nombreuses vignettes de papyrus funéraires (fi, figure également dans certaines tombes 
du Nouvel Empire (fi. Mais ce n’est pas seulement dans des scènes religieuses ou 
mythologiques que les artistes égyptiens se sont plu à dessiner des chats : dans plu- 
sieurs tombes thébaines, entre autres à Deir el-Medineh, le chat est représenté comme 
un familier de la maison, attaché sous le fauteuil de son maître (fig. 20) (fi ou encore 
caché dans les fourrés de papyrus où il chasse les oisillons réfugiés dans leurs nids. 

(1) M. Fredericq, J. E. A., XIII (1927), p. i 3 , pl. IX. 

(2) Le rôle de la gazelle dans les arts mineurs ne doit pas faire oublier le caractère sethien dont elle est 
constamment marquée dans la mythologie. 

(3) Newberry, Beni-Hasatiy I, pl. XXXIV ; II, pl. VI ; IV, pl. V. Cependant un nom de femme : Myt « la 
chatte» est à signaler dès la XI e dyn. (Mentouhotep III), cf. Ranke, Die Personnennamen , p. i 45 . 

(4) C. Boreux, Catalogue du Louvre 9 p. 3 g 5 ; Maspero, Guide du Musée du Caire , 4 e éd., 1916, p. 464 . 

(5) Naville, Todtenbuchy I, chap. 17 pl. XXX; Hartmann, A. Z., II (i 864 ), p. u. 

^ Davies, The Work of the Tytus Mem. Fund . ( Metr . Mus. Bull. y 1920-21, p. 28, fig. 11). 

V. Scheil. Mém. Miss, au Cairey V, p. 552 ; Davies, Two Ramessi des Tombs, pl. XXVI a. 



OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 45 

Le chat qui était répandu dans l’Égypte entière était originaire de la Libye et des 
pays du sud de 1 Égypte ; les Égyptiens en élevaient deux espèces un peu différentes : 
le chat domestique, semblable a celui de nos pays et le chat ganté, un peu plus 
fort que le précédent et possédant une queue très longue et un front bombé. 
Son pelage gris cendré est strié de jaune et de noir sur le dos, sa queue est 
ornée à son extrémité de deux an- 
neaux et d’une tache noirs (fi. Des 
individus de cette espèce vivent en- 
core à l’état sauvage dans le Fayoum 
et aux bords de la mer Rouge. La 
célèbre figure de la tombe de Nakht 
donne une excellente image d’un ani- 
mal semblable dont beaucoup de mo- 
mies ont été retrouvées à Stabel Antar 
(Béni Hasan), à Saqqarah et à Thèbes. 

Le nom ancien du chat : | ^ T ’ 
miw (en copte : eMoy)( 2 ), était cer- 
tainement une onomatopée. 

Un de nos ostraca (2201) repré- 
sente un chat dont la tête est vue de 
face ; il acquiert, par là même une 
certaine valeur d’originalité. On sait, 
en effet, que les Égyptiens avaient 
1 habitude de dessiner de profil les visages humains ainsi que les têtes d’animaux. 
Cependant cet ostracon ne constitue pas un cas unique. On connaît dans les 
tombes égyptiennes d’autres figures de chats, vues de face; l’une d’elles dans la 
tombe d’Ipouy (fi montre l’animal assis, tournant la tête vers le spectateur (fig. 21). 
Visiblement l’artiste a été gêné par le nouveau de son entreprise : son dessin est 
raide, linéaire, sans vie et la face ressemble à peine à celle d’un chat. Bien supérieure 
est la petite figure de chat assis sous le fauteuil de son maître dans une autre chapelle 
funéraire de Deir el-Medineh (fig. 20) (fi. Enfin dans la tombe de Neferrenpet (fi, un 
chat, dont la tête est également vue de face, ronge un os (fig. 22). Cette fois-ci, le 
dessin est plus souple et plus naturel. Dans le croquis sur calcaire, l’artiste, quoique un 
peu gêné pour dessiner la tête de face, s’est tiré honorablement de cette difficulté. 



t * Brehm, La vie des animaux illustrée } p. 282 ; Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V Ancienne Égypte , 
p. 23 . 

(2) W. B. y II, 42 ; Newberry, Beni-Hasany II, pl. VI; Paton, Animalsy p. 33 . 

(3) Davies, Two Ramessides Tombs , pl. XXVI. 

Bruyère, Deir el-Medinehy 1929, p. 72. 

N. de Garris Davies, Aneient Egypüan paintingSy vol. Il, pl. XCV, 


46 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Il semble que ce ne soit qu’après coup qu’il ait dessiné le mulot; le chat est censé 
tenir ce petit animal entre ses mâchoires, mais son corps est visiblement esquissé 
par-dessus le dessin de la tête du chat. Malgré ces menus détails, toute cette esquisse 
est assez naturelle et vivante et la pose du mulot, avec ses pattes et sa tête pendantes, 
est très expressive. Des accents de couleur rouge dans les yeux du chat et sur le corps 
du mulot, sans doute pour simuler le sang, donnent à ce dessin une note naturaliste 
assez originale. 

Le rat qu’on voit ici doit appartenir à la même espèce que celui qui, à Beni-Hasan, 
est désigné sous le nom : c’est-à-dire, une des deux espèces de rats 

retrouvées en Égypte, le mus rattus ou le mus tectorum qui fréquentait plutôt la 
campagne (2 L 

Une petite composition moins originale que la précédente (2 202)r évoque une scène 
du papyrus funéraire dont nous avons parlé plus haut et dans laquelle Rë c sous les 



traits d’un chat, armé d’un grand couteau, tue le serpent Apophis. Cette scène se 
passe sous le Perséa sacré ; or sur notre ostracon on peut voir un Perséa sous lequel 
se tient le chat, dans l’attitude traditionnelle illustrée par les nombreuses vignettes 
du chapitre XVII du Livre des Morts. Cependant, on ne voit devant le chat, au lieu du 
serpent, qu’un petit oisillon. Ce fragment est à rapprocher de l’ostracon du Musée 
de Berlin ( 3) , sur lequel un chat est figuré devant une sellette surmontée d’offrandes : 
une aiguière, des fleurs, des objets oblongs qui sont peut-être des œufs, et un petit 
oisillon qui se dresse devant le nez du chat, d’une façon belliqueuse. Notre fragment 
semble appartenir à une scène semblable. Sur un autre document (2 20 3 ), un chat 
dressé sur ses pattes postérieures, tient un bâton avec une de ses pattes antérieures. 
Devant lui, se trouvent plusieurs oisillons et peut-être même un oiseau dont on ne 
voit sur notre éclat qu’un fragment d’aile. Il est possible que ce morceau soit un essai 
de dessin satirique. Il rappelle, en effet, les scènes satiriques (série M) dans lesquelles 

(l) Newberry, Beni-Hasan y II, pl. VI. 

(5) Anderson, Mammalia. p. 274. 

(S] Schafer, Aegyptische Zeichnnngen . . p. 3 o* fig. 8. 


OSTRAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MED1NEH. 


hl 


un chat représenté debout sur ses pattes postérieures joue au berger en poussant 
devant lui un troupeau d’oies. Quoiqu’ici la pose soit un peu différente, il y a cepen- 
dant une certaine analogie entre cette scène et les compositions satiriques. 

On voit donc que les chats au Nouvel Empire étaient souvent représentés aussi bien 
dans les scènes religieuses et satiriques que dans les scènes familières, mais c’est sur- 
tout dans les tombes thébaines qu’il est figuré comme un animal familier. Soit qu’on 
le trouve sous le fauteuil de son maître, occupé à ronger un os W ou à déchiqueter un 
poisson ou encore à jouer avec une oie ( 2 ). Les Égyptiens avaient trouvé pour le chat, 
comme pour tous les animaux qu’ils dessinaient, la synthèse expressive et le caractère 
saillant de leurs modèles. 

H. — C est peut-etre dans certaines scenes de chasse retracées sur des ostraca 
qu’on se rend le mieux compte des remarquables qualités d’animaliers que les Égyp- 
tiens semblent avoir possédé naturellement. La chasse dans le désert est un thème 
qui, de tous temps, a été traité par les aVtistes égyptiens. L’immense réserve d’animaux 
sam âges que constituait le desert était une perpétuelle tentation pour les sportifs, 
et la chasse était une distraction que les rois eux-mêmes ne méprisaient pas. On en a 
de multiples preuves. On sait que le roi Amenophis III, devenu si puissant qu’il 
n’eût guère l’occasion de faire la guerre, se vantait volontiers de ses exploits cynégé- 
tiques W. 

Au Nouvel Empire, les scenes de chasses sont si nombreuses qu’il n’est pas étonnant 
que nous trouvions dans les dessins sur calcaire des réminiscences de ces grandes 
compositions. Les chasseurs lançaient contre leurs proies des chiens spécialement 
dressés, qui, d après les différentes représentations, appartenaient à des espèces 
variées. Les plus répandues dès l’Ancien Empire paraissent être le lévrier, le chien 
égyptien et le chien errant «. Le premier a le museau allongé, les oreilles droites 
et la queue enroulee, Sa silhouette est facilement reconnaissable. Les deux autres 
types de chien sont à peu près semblables: tête longue et forte, oreilles courtes et 
droites, queue longue et touffue. Le pelage court est roux et quelquefois noir. Enfin, 
une quatrième espece, décrite par Gaillard, semble se rapprocher des figures dessinées 
sur les ostiaca. G est la race des chiens panas a la tete forte et allongée et aux oreilles 
tombantes. Les dessins sur calcaire montrent tous des chiens assez solides et aux 
oreilles rabattues, au poil ras et a la queue très longue. Un animal de cette espèce 
fait partie des chiens du roi Antef II est visiblement plus fort que ses compagnons 

V. Scheil, Mémoires de la Mission française au Caire, t. V, p. 552. 
m Davies, Two Ramesside Tombs at Thebes, pl. XXXVI. 

* * Toute une sérié de scarabées nous a conserve le souvenir de ses exploits, cf. Wiedemann, Aegyptische 
Geschichte, p. 38i, n. 6 ; P. S. B. A., XXI ( 1899 ), P- i55. 

(4) C. Gaillard et Daressy, La faune momifiée de l’Antique Égypte, p. 2 et seq. 
t5) Lange-Schafer, II, Stèles du Musée du Caire. n° 2 o 5 i 2 . 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


ué 

quoique de taille plus petite. Sa queue longue et ses oreilles pendantes 1 apparentent 
aux chiens des ostraca. Son nom inscrit au-dessus de lui : «le noir», faisait pro a- 
blement allusion à la couleur de son poil ou à son origine, car cette espèce paraît 
avoir été importée d’Éthiopie «. Ce sont des chiens de cette race qui étaient spécia- 
lement dressés pour la chasse du gros gihier dans le désert. On les voit quelquefois 
tenus en laisse par un serviteur et n’attendent que d’être lâchés pour courir sur leur 

proie ^ ' 

Ce n’est pas seulement dans les chasses que les chiens de cette espece sont repré- 
sentés dans les tombes égyptiennes. On les voit également assis ou couchés sous le 
siège de leur maître comme des compagnons iidèles ou familiers W. Neanmo.ns ils 
sont plus souvent figurés courant dans le désert à la poursuite des lions et des 

U lévrier était appelé : m, mais le chien de chasse semble plutôt être 

désigné par le mot <*'. dictionnaire de Berlin ne signale ce mot 

qu’en composition avec des noms propres. ‘ 

Parmi les scènes de chasse figurées sur les ostraca, on verra donc plusieurs chiens 
de cette espèce. II y en a trois, entre autres, dans une remarquable composition de 
cette série : la poursuite de la hyène (* » 1 1 ) . B» sont tous les trois de couleurs diffe- 
rentes mais leurs caractéristiques sont bien les mêmes : longues queues et oreilles 
pendantes. La hyène est, elle aussi, admirablement bien observee et dessinee. e 
dessin est certainement l’un des plus beaux de cette collection d ostraca. La hyene 
(Ilyaenea striata , Zimm.) était connue et domestiquée en Égypte des 1 Ancien Empire. 
On connaît en effet la célèbre représentation du gavage des hyènes de la tombe de 
Kaeemmi à Saqqarah ( 5 >; c’est une scène assez surprenante, si on réfléchit que seuls 
les animaux destinés à l’alimentation devaient être gavés, comme le fait très justemen 
remarquer M. MontetW, ce qui n’est certainement pas le cas pour les hyènes Mais 
comme d’autre part on sait que les hyènes apprivoisées servaient, comme les chiens 
à poursuivre le gibier dans le désert, on comprend mieux avec quel soin elles étaient 

entretenues et nourries. 

L’hvène striée a le pelage raide et grisâtre, barré de raies noires transversales sur 
tout le èorpsi’l. La queue est touffue et le train de derrière plus bas que la partie 
antérieure du corps. Originaire du Soudan et de l’Abyssinie, la hyène se trouvait 
communément dans le désert égyptien dès l’Ancien Empire, puisqu elle était déjà 

ci T. S. B. A., IV (1878), p. 181. 

Cl Wreszinski, Atlas, I, 53 a. 

Ci Davies, Five Theban tombs, pl. XI, XXV à XXVIII. 

(*> Wreszinski, Atlas, I, pl. 53 , 2 1 5 ; Carter-Mace, The tomb of Toutankhamon, II, pl. L, LI. 

Cl Wreszinski, Atlas, III, pl- 87. 

O Montet, Scènes de la vie privée..., p. n h. 

C) Anderson, Mammalia, p. 53, ; C. Gaillard, Les tâtonnements des Anciens Egyptiens. . ., p. i5 , Faton, 
Animais, E. 57, p. 3 . 


49 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII. 

% 

apprivoisée à cette époque. Les chasseurs devaient facilement se saisir de jeunes 
sujets qu ils pouvaient, ensuite, élever et dresser. Aujourd’hui encore, les bédouins 
capturent de ces jeunes animaux, dans le désert à faible distance de la Vallée. 

Le nom égyptien de la hyène était : jj 8 ^ 3 hit G). 

Dans l’admirable ostracon que nous étudions, la hyène est remarquablement des- 
sinée. L’artiste ne s’est pas contenté de reproduire les caractéristiques extérieures 
de la hyène ; il a certainement observé une hyène furieuse et il a rendu avec un rare 
bonheur la tête de l’animal, tendue en avant sous l’effort, la gueule ouverte d’où sort 
une langue pointue, son regard à la fois effrayé et cruel, sa queue, enfin, et son pelage 
hérissés par la fureur. Les chiens qui poursuivent le fauve ne sont pas moins vivants. 
Le chien brun qui attaque à l’arrière a une torsion du cou qui lui retourne complè- 
tement la tete dans un- geste impossible à réaliser, mais extrêmement expressif. Lés 
couleurs et les valeurs sont également très heureuses et bien distribuées ; toutes ces 
qualités jointes a 1 élan plein de vie, à la spontanéité et à la sûreté du dessin que 
présente cette composition, en font un véritable chef-d’œuvre. Ce sujet semble 
d’ailleurs avoir tout spécialement inspiré les artistes, car une autre scène de chasse 
(2212), bien que simplement dessiné^ et très effacée, est également remarquable. Ce 
sont plusieurs thèmes variés de chasses dans le désert. On y remarque un veau courant, 
deux chiens attaquant une gazelle dorcade, puis au-dessous, deux autres chiens 
attaquant un ibex; devant cette scène se dresse la silhouette d’un lion rugissant. Le 
dessin de c.es animaux est nerveux et bien observé. On ne peut qu’admirer la prodi- 
gieuse habileté du scribe, qui, après avoir tracé d’un léger trait rouge l’ensemble de 
sa composition, l’a reprise au trait noir d’un pinceau ferme et élégant, avec une 
souplesse et une sûreté de lignes vraiment remarquables. Un autre dessin est d’une 
qualité presque égale malgré la disproportion entre la taille du chien et celle de l’ibex 
(2 21 3 ). Il est intéressant de remarquer que ce groupe est identique à l’un de ceux 
qu’on vient de voir sur l’ostracon précédent. C’est un chien à longue queue bon- 
dissant sur un ibex dont les pattes antérieures sont légèrement repliées dans une 
attitude de chute. La position respective des deux animaux est la même dans les deux 
dessins, quoique sur le premier ostracon, il y ait un autre chien qui attaque l’ibex 
à la tête. Malgré cette petite différence, la similitude est si frappante, qu’il semble 
qu’il y ait eu là un thème familier que les artistes s’entraînaient à reproduire, à moins 
que ces deux dessins ne soient les esquisses d’un même artiste en vue d’une compo- 
sition plus importante. 

Une scène semblable se trouve sur un autre éclat de calcaire (2216) mais traitée 
différemment et par un dessinateur plus inexpérimenté. Le chien qui est moucheté 
de noir saute sur une gazelle bondissante, également mouchetée. C’est peut-être 
une gazelle « Isabelle», étant donné ce pelage et la forme très recourbée des cornes. 

<‘> IF. B., III, ao3. 

Documents de fouilles , t, il, 3. n 


50 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


Ailleurs (221 5 ), c’est un lièvre qui est poursuivi, mais on ne retrouve pas ici le 
trait souple et tenue que nous avions admiré dans les précédentes composions. 

Le corps du lièvre, trop long et trop gros, est visiblement l'œuvre d un dessinateur 
malhabile. Enlin, signalons, pour terminer cette série, un fragment qui met. en pré- 
sence un jeune veau et un redoutable lion, dessinés avec beaucoup de vérité et sans 

lourdeur. f , , 

Ces quelques croquis donnent une idée des sujets de chasse les plus frequents : 

la poursuite de l'hyène, de l'ibex, de la gazelle, du lion, du lièvre, qui se retrouvent 
sur les murs des tombes thébaines du Nouvel Empire <■>. On peut voir dans ces fresques 
des animaux galopant sur un terrain désertique : ce sont des bêtes sauvages tuyau 
sous les flèches du chasseur. Une très belle scène montre, disposés sur trois registres, 
des hyènes, des gazelles, des ibex et des lièvres courant dans le désert 1“ , poursuivis 
par des chiens de la même race que ceux de nos ostraca. On , remarque un bouquetin 
dans la même pose que ceux des dessins ssis et oüi 3 . Beaucoup d autres scenes 
semblables peuvent être relevées à la XVIII e dynastie. Ce sont, par exemple, dans la 
tombe d’Amenemhet»), le mort tirant à l’arc sur des animaux disposes sur deux 
registres; dans celle de Mentouioui, un tableau à peu près semblable!»; .citons aussi 
un fragment subsistant, d'une scène analogue dans sa disposition, de la tombe 

d. î Aunâ (®) 

Ce sujet tant apprécié à la XVIII e dynastie, pour l'illustration des tombes et de 
maints objets, ne se trouve que fort rarement sur les parois des temples. Cependant 
la XIX e dynastie nous a laissé le souvenir des grandes chasses de Ramsès . n se 
rappelle les chasses aux fauves, avec tout le luxe déployé du char, des chevaux riche- 
ment caparaçonnés, lancés au grand galop, tandis que le Pharaon perce de ses fléchés 
des lions, qui tombent mortellement atteints W. Il est possible qu’une idee symbolique 
ait ici motivé la scène et que les lions représentent les ennemis de l’Egypte que e 
roi poursuit et écrase. Toutes ces scènes n’ont cependant qu’une ressemblance assez 
lointaine avec les compositions sur ostraca. La parenté est incontestablement plus 
proche, lorsqu’il s’agit de la décoration d’objets usuels. Le groupe en relief d une 
coupe en bronze du Musée du Caire (fig. a 3 ) W, par exemple, rappelle, d une façon 
très nette le dessin de l’ostracon 22 i 4 ; le sujet, dans les deux cas, représente un ion 

(*> Wreszinski, Atlas, I, pi. I. Ce thème était d’ailleurs employé avant la XVIIP dynastie. On en relève 
de très beaux exemples aussi bien au Moyen Empire (Dav,es-Gardiner, The Tomb of Antefoker, pl. VI) qu 

'ATwauZr IhZ ^' JTcm^s P (Birch), p. 91, fig. 35 7 =Schâfer, Von aegyptischer Kunst, 
p. 207, fig- 187. 

,(*> Davies-Gardiner, The tomb of Amenemhat , pl. IX. 

m Wreszinski, Atlas, I, 353 ; Davies, Five Theban tombs, pl. XII, XXII. 

W Wreszinski, Atlas, I, a6a. 

(®ï Rosellini, Monumenti Storici, I, pl. CXXIX. 

(’) Bissing, Metallgefâsse, p. 61. 


OSTRACA FIGURÉS DE DE1R EL-MED1NEII. 


51 


attaquant un veau. Faut-il citer le célèbre vase à onguent de Toutankhamon «, sur 
les parois duquel des scènes à peu près semblables sont figurées? Sur des armes 
de chasse, ces mêmes motifs trouvent naturellement leur place, et les artistes égyptiens 
n’ont pas manqué de s’en servir; ainsi verra-t-on ce même sujet sur un fer de hache 
ajouré de la XVIII e dynastie, tandis que sur d’autres 
armes ce sont des chiens terrassant des gazelles, ou 
des lions combattant des taureaux (fig. 2 4 ) î 2 ). On 
remarquera aussi, provenant de cette inépuisable 
tombe de Toutankhamon, un bel étui de poignard et 
un carquois (V qui sont l’un et l’autre décorés de chiens 
ou de lions s’attaquant à des veaux ou à des gazelles. 

Enfin, on pourrait également citer plusieurs objets de 
toilette décorés de scènes de chasses, où se reconnaît 
souvent l’influence mycénienne ( 4 L Dans ce genre 
d’objets les artistes reproduisaient volontiers le thème 
du lion ou du chien poursuivant une gazelle (fig. 2 5)( 5 L 
Ces scènes qui s’inspiraient d’un des passe-temps favoris des nobles égyptiens de 
cette époque devaient être très appréciées et c’est sans doute la raison pour laquelle 



Fig. a 3. 



on les trouve si souvent reproduites. On a pu constater, par les comparaisons qui vien- 
nent d’être faites, que les compositions des ostraca se rapprochent surtout de celles 
qui ornent les petits objets usuels. Peut-on conclure que ces dernières ont servi d’es- 
quisses à celles-là? Un des ostraca publié en supplément (2715) semble répondre 

Carter-Mace, The tomb of Toutankhamon, II, pl. L. 

{2) Wolf, Bewaffnung der Alton Aegypter , taf. 12 ; Steindorff, Die Blütezeit des Pharaonenreiches, p. 5 7 , 
abb. 5o. 

l3) Carter-Mace, op. cit., II, pl. LXXXVIII ; III, pl. XXVIII-XXIX. 

(4> Steindorff, op, cit,, p. i36, abb. 121. 

(5) Capart, Propos sur TArt égyptien, p. i3o, fig. 91 ; Louvre. I.1711 b et I.1698; The Mac Gregor 
Collection, pl. XV, n° 548 . 


7 - 


52 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


à cette question. Il présente, au-dessus et au-dessous de la scène, une bordure formant 
encadrement. Cette bordure faite de lignes et de feuilles pointues, peut-être de pétales 
de lotus, se retrouve gravée sur des objets de toilette en bois, particulièrement sur 
des boîtes à fards semi-cylindriques. Ce dessin est donc visiblement un projet pour 

la décoration d’une de ces boîtes Ù). ,, , , 

On pourra objecter que les objets de ce genre connus jusqu’à présent sont dates 
de la XVIII e dynastie, alors que les ostraca datent de la XIX e dynastie. Il est permis 
cependant de supposer que des boîtes à fards du même modèle ont pu exister à la 
XIX e dynastie, mais qu’elles ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Quoi qu il en soit, 
les artistes de la XVIII e dynastie ont certainement transmis à leurs successeurs un 

certain nombre de thèmes, que ceux-ci 
conservaient pour les utiliser a bon 
escient et transcrivaient sur ces éclats 
de calcaire. 

Si les scènes de la précédente caté- 
gorie d’ ostraca sont particulièrement 
intéressantes et bien venues, il n’en 
est pas de même pour tous les dessins d’animaux; c’est ce qu’on peut malheureu- 
sement constater pour les dessins de chacals qui sont pour la plupart assez détériorés 
et peu caractéristiques. 

J Le chacal, dont le nom égyptien est : ^ J >s> est originaire du nord de 

l’Afrique, de l’Asie Mineure et de l’Inde. Depuis les plus anciens temps, comme de 
nos jours, le chacal parcourt le désert en lisière de la Vallée du Nil et descend dans les 
villages à la tombée du jour pour y chercher sa subsistance. Le chacal est à peu près 
de la taille d’un chien moyen; ses oreilles sont pointues, son museau allongé et il a 
une longue queue touffue pendant jusqu’au sol On a longtemps prétendu que le 
chacal était consacré à Anubis, qui est, en effet, représenté sous la forme d’un camdé. 
Mais il a été reconnu depuis que l’animal du dieu Anubis était un chien. Cette iden- 
tification est confirmée par le nom de Cynopolis donné par les Grecs à la ville résidence 

de ce dieu (cf. Kees, Gôtterglaube, p. !7^)* 

Si on exclut les représentations du dieu Anubis, les figures de chacals ne se ren- 
contrent pas souvent dans l’art égyptien. Signalons cependant une scène datant de 
la VI e dynastie et dont l’ostracon 2218 semble être une réplique «. Ce dessin sur 

P» Capart, Recueil de Monuments égyptiens, pl. XL = Louvre, I.1711 b et 1. 1 698 ; Petrie, Sedment, I. 

pl. LVIII-LXXI, P . a5. 

i*> Gardiner, Egyptian Grammar, p. 45 i, E. 17; W. B., III, Aao. 

'(») Canis Emeus, Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V Ancienne Egypte, 1” sene, p. 17; Brehm, 

La vie des animaux illustrée, p. A99. vytt wvr 

(*) Klebs, Die Reliefs und matereien des A. R., p. 61 =Davies, Ptah-IIetep, I, pi. XXli-XXVl. 



OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 53 

calcaire est surmonté d’une ligne de texte assez intéressante car on y trouve la signa- 

y ^ en effet : J 2) * | Fait par fpouy. Cet Ipouy est peut-être 

le scribe de la XX e dynastie dont la tombe est située au sud de la nécropole de Deir 
el-Medineh. 

En même temps que l’ostracon, fut trouvé un carré de toile 0) sur lequel était 
dessiné un homme assis devant une table d’offrandes. Son nom inscrit derrière lui 
était celui du Sdm-s , malgré la simultanéité des trouvailles et la ressem- 

blance des noms, les deux personnages ne peuvent être confondus. En effet, le scribe 
Ipouy, propriétaire de la tombe n° 2 1 7/n’est jamais mentionné comme un Sdm-s, 
il portait, en effet, le titre de «Scribe de la Place aimée de Thot» et ne pouvait, 
par conséquent, être Sdm-s m êt ml't. Ceci permet de supposer que si cet Ipouy 
n est pas le propriétaire de l’étoffe, il est, en revanche, l’auteur de notre dessin. 

•t • — Nous avons vu que les œuvres, qui ont été étudiées jusqu’ici, reproduisaient, 
les unes, des groupes où figuraient des hommes et des animaux, les autres, des animaux 
seulement. Nous avons vu egalement que chaque sujet avait été reproduit à plusieurs 
exemplaires, ce qui permettait de les réunir et de les classer par séries. Ce nouveau 
chapitre est consacré aux thèmes isolés : on ne veut pas dire par là que ces sujets 
n ont jamais été reproduits par les artistes égyptiens, mais qu’ils ne se rencontrent 
qu une seule fois dans la collection d’ostraca étudiés dans cet ouvrage. Quelques-uns 
de ces sujets « uniques» sont des pièces de choix. Nous citerons tout d’abord un lion 
dévorant un nègre agenouillé dont le crâne est complètement engagé dans la gueule 
de 1 animai (2226). Ce motif bien connu dans l’iconographie royale est symbolique : 
le lion représente le Pharaon, et le nègre, les misérables habitants du vil pays de 
Koush. Ce dessin un peu conventionnel est d’un beau style, les lignes sont sûres et 
fermes et la forme pleine et équilibrée ; la crinière du lion est bien indiquée 
et les mèches artistiquement détaillées. Le nègre est vêtu d’une longue jupe blanche. 
Ses deux coudes sont liés derrière son dos; il porte une ceinture de perles dont le 
pan tombe devant lui entre ses jambes ; cet ornement semble être particulier aux 
Nubiens car ceux de la tombe d’Horemheb ont les bras ornés de longs pendants 
de perles semblables (cf. fig. 3). 

Le nom égyptien du lion est : Après la XXII e dynastie, cette scène du 

lion dévorant un homme était consacrée à un dieu qu’on appelait, par analogie, Mahès 
et qui n’était autre qu’une forme de Nefertoum W. II était adoré dans le X e nome 
comme fils de Rë' et de Bastet, la déesse lionne, et il fut également identifié parfois à 

(1) Bruyère , Deir el-Medineh, 1980, p. 2 5 , fig. 9. 

« Wreszinski, Atlas, I, pl. 2 4 7 ; Bull, of the Metr. Mus. of Art (New York), Eg. Eœp., 1922, 
p, hk fig. 8. 

<3) Pïankoff, Nefertoum et Mahès, in Egyptian Religion, vol. I, n" III, p, 99-1 o 5 et Revue d 3 Égyptologie, I, 
p. 161, fig. 6. 


8 




54 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Shou. W Ces représentations dans la forme qu’on leur voit aux XIX e et XX e dy- 
nasties symbolisent uniquement le roi si souvent comparé à un lion. Un ostracon 
figuré du Musée du Caire est très probant à cet égard. Il représente le roi dans son 
char, tenant par les cheveux un groupe de prisonniers syriens ( 2 L Sous les pattes des 
chevaux royaux, un* lion tient dans sa gueule un autre prisonnier syrien (fîg. 26). 
La similitude des mouvements et le parallélisme étudié sont ici intentionnels II ne 
fait aucun doute que le lion symbolise le roi. 

Les figures de lions terrassant des Asiatiques sont fort nombreuses, il en existe 
même en ronde-bosse ( 4 L Ce motif est très ancien dans l’art égyptien puisqu’on le 

trouve dès l’époque préhistorique décorant des 
palettes de schiste I 5 ); il s’est maintenu pendant 
tout l’Ancien Empire et le Moyen Empire et est 
devenu extrêmement fréquent sous les Ramsès. 
Cependant l’ennemi terrassé par le lion est plus 
souvent un Asiatique qu’un nègre. A l’Ancien 
Empire, les Égyptiens semblent n’avoir pas 
connu les nègres < 6 L Ce n’est qu’à partir du 
Moyen Empire que des expéditions de conquêtes 
lancées au delà de la 4 e cataracte dans les régions 
habitées par des nègres firent connaître aux 
Égyptiens les peuples noirs. Cependant la prédominance des Asiatiques dans les 
représentations du genre de notre ostacon vient de ce que ceux-ci, beaucoup plus civi- 
lisés que les peuplades africaines, restaient pour les Égyptiens les véritables ennemis ( 7 L 
Il n’y a dans cette collection d’ostraca que peu de représentations de lions. En 
effet, en dehors de celle qui vient d’être mentionnée, on n’en compte que trois. Les 
deux premières (2212-2214) sont des esquisses de chasses dans le désert; la troi- 
sième est un dessin malheureusement très effacé, tracé sur un grand morceau de 
calcaire (2227) et figurant un lion couché. Moins conventionnels que le lion royal, 
ces dessins sont plus vivants et plus réalistes, les attitudes sont extrêmement naturelles. 
Cependant on imagine facilement que les artistes égyptiens n’avaient guère l’occasion 
de voir des fauves en liberté dans la Vallée du Nil. Ces animaux donnaient lieu à de 
grandes chasses dans le désert mais ne devaient être que rarement capturés vivants ( 8 U 



Fig. 26. 


* l) Muller, Egyptian mythology, p. 187, fîg. i 83 . 

Dàressy, Ostraca, pl. XXIV, n° 26124. 

^ M. Hamza, Annales du Service des Antiquités , XXX, p. 49 - 5 0, fîg. 7 à 10. 

(4) M. Hamza, op. cit XXX, p. 47-48, fîg. 5 et 6 . 

(5) Capart, Les débuts de T art, p. 222, pl. 1, p. 226, fîg. i 56 . 
w Junker, Journal of Egyptian Archaeology (1921), p. 121. 

(7) En 1940 fut trouvée à Deir el-Medineh une statue de lion en calcaire. Il est assis et tient entre ses 
pattes une tête d’Asiatique. 

(8) Davies, Ptahhetep, I, pl. ai, 24 ; Hartmann, U agriculture dans l’Ane. Égypte , p. 198. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


55 


Il semble pourtant, d’après les représentations, que le roi ait eu un lion apprivoisé 
qui suivait son char en temps de guerre Ù) et qui provoquait parmi les ennemis une 
panique bien compréhensible. Le fauve accompagnait également le char royal pendant, 
les grandes chasses. Enfin si l’image du lion est assez rare dans nos ostraca, elle est 
assez fréquente dans l’art égyptien où ce fauve est représenté, soit comme animal 
symbolique, soit comme animal divin. 

Une autre composition très originale (2229), est également difficile à classer dans 
une catégorie particulière. Le sujet autant qu’on peut dire est une discussion entre 
une hyène et un crocodile au sujet d’un petit poisson. La hyène, les poils hérissés, 
regarde avec colère le petit poisson qui paraît immobilisé de terreur sous la patte du 
crocodile. Cette scène curieuse et amusante ne se retrouve à ma connaissance sur 
aucun autre ostracon et je ne vois non plus rien de semblable sur les parois des tombes 
de la région thébaine. Il est donc difficile, en l’absence de parallèles, de donner une 
explication à cette scène qui n’est sans doute en dernière analyse que l’illustration 
d’une fable, dont le thème n’aurait pas été écrit, mais seulement transmis ora- 
lement, ce qui devait être l’usage courant. Le poisson appartient probablement à 
cette espèce si commune dans le Nil: le Chromis du Nil (Tüapm Nilotica ) ( 2 ) , 
si souvent représenté dans les scènes de pêche des beaux mastabas de Gizeh et 
de Saqqarah, aussi bien que dans les tombeaux thébains. Le nom égyptien du 
Chromis était : i»t*L 

Quant au crocodile, on sait combien son rôle a été important dans la religion où 
il incarnait un des plus anciens dieux égyptiens, Sobek, adoré, non seulement à 
Sais, dans le Delta, et à Ombos en Haute Egypte, mais surtout dans le Fayoum, 
comme dieu de la végétation ( 4 L II était aussi considéré comme un animal séthien, 
et il figure sur les parois des temples, harponné par le roi, dans une scène qui sym- 
bolise le triomphe d’Horus sur Seth < 5 U Sa silhouette se trouve donc fréquemment 
représentée dans les scènes religieuses ( 6) , mais elle figure aussi dans des scènes plus 
familières telles que le passage à gué où le crocodile apparaît, menaçant le bétail W, 

et la pêche où on l’aperçoit nageant sournoisement entre deux eaux W. Il est donc 

# * 

Carter-Mace, The tomb of Tutankhamon, I, pl. L à LUI; Daressy, Ostraca , pl. XXIII, n° 26122, 
26123, 26124; Wreszinski, Atlas, II, pl. 128, i 34 , i 4 i a, i 43 , i 5 o a et b. Un texte prouve 
d’ailleurs que les lions étaient spécialement dressés pour la guerre (poème de Pentaour), cf. Hartmann, 
op. cit., p. 194. 

Gaillard, Recherches sur les poissons. . ., p. 85 ; Boulenger, Zoology of Egypt. The fishes of tleNile( 1 90 7)* 
p. 523 , pl. XCIII. 

(3) Gaillard, op. cit., p. 89 ; Montet, Les poissons employés. . . (Bull, de TI. F. A. O., XI, 1918, p. 89). 

W Erman, Religion, (trad. Wild) p. 68. 

{5) Nàville, Le mythe d’Horus, pl. XVII. 

W Lefébure, Mém. Miss, au Caire , t. 2 , pl. IV ; Bûcher, Textes des tombes de Thoutmosis III et d’ Amenophis II, 
pl. III; Guilmant, Le Tombeau de Ramsès IX, pl. LXXIII. 

Wreszinski, Atlas, III, pl. 69, 52 . 

(8) Wreszinski, op. cit., I, pl. 2 a , 106,, 4 oi. 


% 


8 . 


56 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


tout naturel de trouver parmi ces ostraca des figurations de crocodiles. On en verra 
plusieurs, représentés comme dieux (pj— et d’autres qui figurent dans des 
scènes variées (2236, 2287, 22^7). 

Plusieurs mots existaient pour désigner le crocodile; il est couramment appelé 
entre autres : mzh, ou : ^ \d, c’est-à-dire : «le furieux». Enfin dans 

sa forme divine, il est appelé : p J — ébk. C’est sous ce nom qu’il est désigné sur 
un grand ex-voto représentant le dieu et couronné de la coiffure Atefù). 

"ta hyène, dont on a déjà vu un magnifique dessin (2211), est ici bien esquissée 
et sa forme est expressive, mais on ne peut la comparer ni comme précision ni comme 
style à l’admirable exemple de la chasse. Deux autres figurations de cet animal publiées 
ici (228 0-2 281) sont d’un dessin beaucoup moins nerveux et moins sûr, le trait 
est lourd et hésitant. Le premier dessin est particulièrement pesant et mal indiqué. 
Les pattes sont épaisses, les stries et les poils sont tracés avec négligence. Sur le 
second ostracon (2281), le dos et l’arrière-train de l’animal semblent avoir été des- 
sinés après coup sur une partie de la pierre où un éclat avait été enlevé. Ils sont, en 
elfet peints à l’ocre-rouge, alors que le reste de la figure est noir. Il s’agit certainement 
d’une restauration, peut-être même moderne. Le dessin d’ailleurs est inexact en ce 
sens que l’arrière-train de l’animal est plus haut ici que les épaules, ce qui est 
contre nature, la caractéristique de la hyène résidant précisément dans cet abaissement 
de la ligne du dos, de la tête à la queue. On est souvent tenté, devant une erreur de 
ce genre, de croire qu’on se trouve en présence d’un faux, tant les artistes égyptiens 
avaient un don merveilleux d’observation et savaient saisir dans une seule ligne la 
particularité d’une figure. Quelques traits, souvent, leur suffisaient pour saisir 
le caractère d’un animal. Ainsi cette vivante esquisse d’une chauve-souris si légère- 
ment et si sûrement tracée sur un morceau de calcaire gris (2 282). Ce rapide croquis 
est un des mieux venus, peut-être, parmi les représentations d’animaux : quoique ex- 
trêmement linéaire cette figure est complète, car l’essentiel y est indiqué avec une 
précision et une sûreté de main remarquables. 

La rareté des représentations de chauve-souris dans l’art égyptien est si grande 
que j’ai été tentée il y a plusieurs années de publier cette petite pièce à part < 2 b Je ne 
répéterai donc pas ici les détails de cette étude. Je rappellerai seulement qu’en dehors 
de cette silhouette de chauve-souris on n’en connaît que trois exemples. Le plus ancien 
est constitué par les deux chauves-souris peintes sur les parois de la tombe de Baki à 
Beni-Hasan (XI e dynastie) et qui sont bien connues. De la XIX e dynastie date une 
petite amulette en terre émaillée bleu-vert, figurant l’animal avec les ailes repliées 
et enfin un bronze ptolémaïque niellé d’or représentant la chauve-souris debout, les 
ailes fermées autour de son corps, ce qui est une pose très peu naturelle et très peu 
représentative de cet animal. 

<*> Cf. n° a65o, pl. LXXXVI. — <*) B. I. F. A. O., i 9 36, t. XXXVI, p. 117 . 


57 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

Les chauves-souris sont en si grand nombre en Égypte qu’on est surpris que les 
artistes ne les aient pas représentées plus souvent. Sans doute les animaux qu’ils 
peignaient sur les parois des tombes et des temples répondaient-ils à un souci uti- 
litaire. C’étaient des olïrandes au dieu ou au mort, ou encore des apports d’animaux 
utiles à la vie du mort dans l’autre monde, ou enfin des animaux divinisés. Les chauves- 
souris ne répondent à aucune de ces conditions, car elles ne sont, en effet, ni comes- 
tibles, ni utiles à quoi que ce soit, et il ne semble pas que les Égyptiens les aient 
jamais considérées comme des animaux sacrés : 

Le nom égyptien de la chauve-souris est connu par la tombe de Béni Hasan. L’une 
des deux figures était accompagnée du mot : et l’autre par le nom : 

3 M • Il y avait donc deux noms pour désigner la chauve-souris. Si les textes 
égyptiens ne les mentionnent pas, les textes coptes les désignaient par le mot : 
ceNffexo et préconisaient leur emploi en médecine dans certains remèdes. 

Plus poussée que ce croquis de chauve-souris est la charmante figure représentant 
une girafe ( 2233 ). Le dessin est élégant et nerveux, mais malheureusement si effacé 
que la tête a complètement disparu. De tout temps, la girafe semble avoir été connue 
dans la Vallée du Nil. Les artistes la représentaient dès l’époque préhistorique bien 
qu’elle ne soit pas d’origine égyptienne. Des graffiti de Haute Égypte datant de cette 
époque attestent l’ancienneté de cet animal sur les bords du Nil Û). A l’époque pré- 
historique, on connaît les palettes de schiste ( 2 ) sur lesquelles sont représentées des 
girafes étirant leurs longs cous pour atteindre les premières feuilles des hauts palmiers. 
Dans ces figurations'la forme si caractéristique de la girafe est admirablement observée 
et rendue. L’Ancien et le Moyen Empires semblent presque avoir ignoré les girafes, 
car c’est à grand’peine qu’on peut relever une représentation de cet animal dans les 
reliefs et les peintures de cette époque W. En revanche, au Nouvel Empire, on peut 
en relever de nombreux exemples sur beaucoup de monuments. Rappelons, entre autres, 
l’excellente figure du temple de Deir el-Bahari (4) , dont la tête a malheureusement 
disparu (fig. 27). Cette girafe était apportée ici comme tribut du riche pays de 
Pount. Les girafes figurées dans les tombes de Houy et de Rekhmirë' sont également 
des tributs des peuple! du Sud amenés par des nègres avec d’autres animaux étrangers 
à l’Égypte (fig. 28) ( 5) . A cette époque les conquêtes des Pharaons et leurs relations 
avec les pays du Sud contribuèrent à amener en Égypte toutes sortes de produits 
et d’animaux exotiques. La girafe devait être d’autant plus appréciée des Égyptiens 
qu’elle était de provenance lointaine; elle était originaire des montagnes de Dendor, 

(t) Capart, Les débuts de Y Art , p. 196, fig. 1 44 . 

^ Ibid. , p. 23 1 et 2 33, fig. 162-164 ; Bénédite, Une nouvelle palette en schiste [Mon. et Mêm. publiés par 
Y Académie des Inscriptions et Belles- lettres y t. X, fasc. II). 

(3) Blackman, Meiry t. II, pl. VIII et XXXII ^Klebs, II, p. 53, fig. 35. 

<*> Naville, Deir el Bahariy III^pI. LXXX. 

(6) Davies, Paintings from the tomb of Rekh-mi-Rè c at Thebes, pl.VII ; Champollion, MonumentSy t. II, pl. 1 7 6 ; 
Roseluni, Mon , Ç., II, pl. 72 ; Ann. du Servi t. VII, p. 61 -63 ; Roedeil, Bet el-Wali, pl. 32. 


58 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


de la Nubie et du Kordofan, c’est-à-dire de toute la région du Haut Nil W. Il semble 
que deux mots aient servi pour désigner la girafe : ~T~ \ ^ (2) , qui paraît avoir été 
le plus fréquemment employé et : \ qu’on trouve auprès d’une représentation 

de cet animal dans le tombeau de : | ^ iTl ^ Golénlschelî rapproche ce nom 


Fig. a 7 . 



du mot : , relevé dans le récit du Naufragé. Parmi les présents que le naufragé 

reçoit du maître de l’île figurent des : |1— - que M. Golénischeff 

propose de traduire «queues de girafe» par analogie avec le mot du tombeau 

Anderson, Mammalia, p. 35 a ( Girajfa Camelopardalis) . 

(5 > Paton, Animais, E. 65 ; W. B. -, p. i 65 . 

<*> Viret, lire. Trav., VII, p. A», et Ment . Miss, au Caire, t. V, p. 3 h 7 . 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


59 


d ’limw-rulh (Ranke, Personennamen, p» 6, 27), tout en se demandant à quoi pou- 
vaient servir les queues de girafes Pf 

Cet animal n’a jamais été considéré en Égypte comme un animal sacré et l’intérêt 
que lui ont prêté les scribes n’est que celui de simple curiosité pour une espèce rare 
dans leur pays et> provenant de contrées qui devaient être à leurs yeux des pays de 
richesses et de rêve. 

Si la girafe a été importée en 
Égypte des pays du Sud, le griffon, 
au contraire, qui figure sur un de 
nos ostraca (2 2 34), est un animal 
fantastique qui fut d’abord conçu 
dans les pays asiatiques. Un animal 
fabuleux à corps de lion, à tête d’aigle 
et à ailes d’oiseau, mais qui n’est pas 
exactement un griffon 12 f se rencontre 
dans l’art égyptien à partir de la XI e 
dynastie, c’est-à-dire au moment où 
se développent entre Byblos, la Syrie 
et l’Égypte des relations amicales et 
des échanges administratifs et com- 
merciaux de toutes sortes. Les grandes 
guerres du début du Nouvel Empire 
ont encore développé les contacts 
entre les deux pays et c’est sans 
doute la raison pour laquelle certains 
motifs décoratifs, tels que le griffon, se 
trouvent beaucoup plus fréquemment 
dans l’art égyptien du Nouvel Empire. 

Le pseudo-griffon figure dans les tombes de Béni Hasan avec d’autres animaux 
étranges et fantastiques! 3 ). Le mot qui au Nouvel Empire désigne le griffon 
est : 'M- O n le trouve dans les textes, entre autres dans un passage 

du poème de Pentaour où le roi est comparé à un griffon poursuivant ses 
ennemis (les Khets^) vaincus : — I iri jH ®ï> ^ (4) * ^ e R e image n’était 

(1) M. Golénischeff fait remarquer que la lecture : de Virey est fautive ; Rec. Trav., XXVIII (1 906), 

p. 68,1. i 63 -i 6 A. 

W Montet, Les reliques de VArt syrien 9 p. 111. 

l 3 )' Newberry, Béni Hasan , II, pl. IV, XIII, XVI; Paton, Animais y p. 36 . En dehors des représentations 
dans les tombes, les griffons étaient représentés sur les bâtons magiques (P. S . B. A., vol. XXVII 
[1905], pl, I à XVI, p. 139, vol. XXVIII [1906], p. 159. pl. II à V). 

<*> Sallier, III, IV, 1 . 11 ; W. B v I, 226; Wilkinson, Manners and customs, 111.(1878), p. 3 12, 
n° 678; II, p. 293. 



Fig. a8. 


O , 


60 J. VANDIER D’ABBADIE. 

pas nouvelle, même à cette époque, car les orfèvres l’avaient déjà employée dès 
la XII e dynastie où nous' la voyons figurant le roi sous les traits d’un pseudo- 
griffon aux ailes repliées et étendues sur le dos, terrassant un ennemi (fig. 29) Ù). 
Par la suite le griffon fut assez souvent choisi comme motif décoratif sur des bijoux, 

des scarabées ou d’autres objets!' 2 ). C’est ainsi 
qu’un bracelet du Musée du Louvre, est orné de 
deux figures de griffons! 3 ). Un griffon ailé forme 
également le motif décoratif d’une hache d’apparat 
datant de la XVII e dynastie! 4 ). Citons également 
un petit coffret! 5 ), sur le couvercle duquel un 
griffon court au galop au milieu de plantes, 
ce qui rappelle la composition de notre ostracon 
(fig. 3 o). Un relief de céramique, datant de la 
XX e dynastie, représente un prisonnier syrien à 
genoux dont la longue robe est brodée, ou peinte, d’une figure de griffon! 0 ). Il est 
probable que cet animal était considéré comme invincible ët c’est pourquoi les Égyptiens 
l’avaient assimilé au Pharaon dans 
bien des représentations, le substi- 
tuant parfois au lion traditionnel. 

Dans notre dessin, d’ailleurs très 
effacé, la représentation est assez 
sommaire. L’animal, les ailes dé- 
ployées, semble se soucier bien peu 
d’un chien qui l’attaque au poitrail. 

Autour de ce groupe, pendent des 
feuilles et des tiges, qui provien- 
nent peut-être d’une autre scène 
à laquelle on aurait superposé celle 
du griffon , toutes deux restant ina- 
chevées et effacées. Les restes, cependant, sont suffisants pour qu’on puisse discerner 
un dessin souple et habile. Ce croquis adroit était vraisemblablement un dessin de 
mémoire d’après un motif que l’artiste avait remarqué sur un objet, ou bien un projet 
de motif décoratif destiné à un objet, bijou ou arme, comme ceux que nous venons de 
signaler et qu’on trouve en nombre relativement important dans l’art du Nouvel Empire. 

(l) Erman-Ranke, Aegypten , pl. 37 ; Vernier, Bijoux , II, pi. I (52.002). 

( * } Bisson de la Rocque, Fouilles d’ Abou-Roasch (1924), pl. XXII ( 364 ). 

, (3) Boreux, Catalogue-Guide du Musée du Louvre , II, pl. XLV, p. 34 1, 

Vernier, op. cit. } pl. XLIII. 

Montet, Les reliques de Vart Syrien dans V Égypte du Nouvel Empire , p. 11 4 , fig. 1 5 5 ; Wilkinson, 
Manners and Customs, III, p. 3 i 2 (678). Cf. aussi Keimer, Et. d’ Égyptologie , VII, fig. 4 (XXI e dyn.). 

w Wallis, Egyptian ceramic art (1900), pl. VI. 



Fig. 3o. 



OSTRACA FIGURÉS DE DE 1 R EL-MED 1 NEH. 


61 


A ce choix d’animaux plus rarement figurés dans l’art égyptien, il faut ajouter 
une figuration de caméléon ( 2235 ). La silhouette de ce saurien est également peu 
fréquente dans la peinture, la sculpture ou le bas-relief égyptiens. Keimer, qui a 
cherché à réunir les différents exemples de caméléon, n’en a trouvé que v trois dans 
toutes les représentations égyptiennes M. Parmi ces trois figures se trouve notre 
ostracon. Les deux autres sont, l’un, un joli bas-relief coloré conservé au British 
Muséum et provenant sans doute d’une tombe de la V e ou de la VI e dynastie de 
Saqqarah, l’autre, une petite sculpture en calcaire d’époque vraisemblablement 
tardive. L’auteur de l’article conclut que ce caméléon appartient à l’espèce chamaeleon 
vulgaris, qu’on rencontre encore aujourd’hui dans la région d’Alexandrie. Cet animal 
ne devait pas être rare en Haute Égypte où abondent les tamaris, les acacias et d’autres 
arbres et arbustes indispensables à sa vie. Le dessin de cet ostracon, poursuit 
Keimer, remarquablement observé et véridique, a très bien pu être tracé d’après 
nature par l’artiste qui dut avoir souvent l’occasion d’observer lui-même des camé- 
léons. Au terme de son article, Keimer signale 'que le mot copte : Aujipx 1 *, désigne * 
le caméléon, il le rapproche du mot : asar, asi, qui, en nubien désigne le gecko, 
et il se demande si ces deux noms ne dérivent pas de la même racine : si qui, en 
égyptien ancien, désigne un lézard ou un gecko. Par extension ou confusion, les 
Arabes se seraient servis de ce mot asar pour désigner le caméléon. Quoi qu’il en 
soit le nom ancien du caméléon reste inconnu. 

Les recherches de Keimer amènent à cette constation que le caméléon a été aussi 
rarement figuré dans l’art égyptien que la chauve-souris, et probablement pour des 
raisons semblables, sans qu’on puisse être, sur ce point, plus affirmatif que sur 
l’autre. 

Les mêmes questions ne se posent pas en ce qui concerne le crocodile. Nous avons 
déjà vu quelle était son importance dans les représentations religieuses et autres. 
Nous avons dit que de nombreux ostraca portaient l’image du crocodile (cf. p. 55 ); 
ici (2236-2237), ^ es d ess i ns sont assez sommaires et assez peu significatifs, ils 
n’offrent pas un intérêt particulier, si ce n’est que, comme tous les dessins d’animaux 
de l’art égyptien, ils sont le fruit d’une observation juste et d’une stylisation vivante 
et précise. 

Ce sont les mêmes qualités qui se retrouvent sur l’unique croquis de grenouille 
que nous ont conservé les ostraca. La tête est à moitié effacée, mais l’attitude générale 
est bien observée. Ce dessin donne l’impression, comme plusieurs autres de cette 
série, d’un croquis hâtif fait d’après nature. Les Égyptiens considéraient les grenouilles 
comme les plus anciens animaux de la création. Ils croyaient, en effet, que, lorsque 
la terre n’était encore que le chaos, l’Égypte était uniquement peuplée de serpents 
et de grenouilles. C’est pourquoi ces batraciens comptent parmi les plus anciennes 


o B. I. F. A. O., t. XXXVI, p. 85 - 9 5 , 





62 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


divinités du panthéon égyptien, et composent, avec les serpents, les huit dieux pri- 
mordiaux del’Ogdoade hermopolitaine. Quatre serpents, représentant les dieux femelles 
et quatre grenouilles les dieux mâles, étaient les créateurs du monde h). De même 
que les grenouilles avaient présidé à la naissance du monde, de même, plus tard, 
la déesse Héket à tête de grenouille, parèdre de Ghnoum, présidait à la naissance des 
enfants en leur donnant le souffle de vie C’est dans cette importante fonction que 
la déesse est représentée dans les tableaux qui illustrent la naissance divine d’Hatshep- 
sout à Deir el-Bahari, ou celle d’Aménophis III à Louxor ( 3 h Maintes petites amulettes 
consacrées à la déesse Héket ont la forme de grenouilles, ainsi que des chatons de 
bagues datant de la XVIII e dynastie. Il faut signaler également un jeu en forme de 
grenouille conservé au Musée du Louvre. La règle de ce jeu n’est malheureusement 
pas connue 

Les grenouilles en Égypte sont de deux espèces différentes, l’une (Ram masca - 
reniensis), est brune et tachetée de marron; elle semble avoir plutôt vécu en Haute 
* Égypte, tandis que la rainette verte [Hyla arboreas, Linné), qui se rapproche de la 
rainette de nos pays, est plus rare en Égypte < 5 L 

Quoi qu’il en soit, cet animal, malgré sa haute antiquité dans les croyances égyp- 
tiennes et sa pullulation dans la Vallée du Nil, ne semble pas avoir beaucoup 
inspiré les dessinateurs d’ostraca puisque ce dessin hâtif et imparfait est le seul 
exemple que nous connaissions. 

Plus hâtif et plus sommaire encore est un dessin de lézard tracé d’un trait lourd à 
l’encre noire (2289). La représentation est trop peu intéressante pour que nous 
nous y attardions. Rappelons seulement que cet animal, employé comme signe hiéro- 
glyphique ('«;) signifie : nombreux, ce qui exprime assez dans quelle proportion les 
lézards devaient pulluler en Égypte. 

Les scorpions ne sont guère moins nombreux que les grenouilles et les lézards dans 
la Vallée du Nil. Ils furent consacrés à la déesse Selkit, qui est représentée avec un 
scorpion sur la tête. D’autre part cet animal venimeux était craint à l’égal du crocodile 
et du serpent et les textes nous font connaître des formules magiques contre les mor- 
sures du scorpion. Des stèles magiques connues sous le nom de « stèles d’Horus sur 
les crocodiles» ( 6 ), figurent le dieu tenant dans une main trois serpents et dans l’autre 
trois scorpions. Les deux dessins (2 24 o -2 24 i), qui sont reproduits dans le catalogue, 
donnent deux beaux exemples de scorpions admirablement observés. Le premier 
montre l’animal la queue dressée, prêt à attaquer. Le second n’est que fragmentaire, 

W Erman, Religion, (trad. H. Wild) p. 86. 

Muller, Egyptian Mythology, p. 5 i. 

(s) Nayille, Deir el-Bahari, II, pl. XLVIII, XLIX ; Gayet, Le temple de Louxor, pi. LXV. 

W Reisner, Amulets, 1 88 à 192, pl. XXIII-XXIV ; C. Boreux, Catalogue-Guide, II, 5 9 3 . 

(5) Lortet et Gaillard, La faune momifiée de l’ Ancienne Égypte, p. 1 44 ; Anderson, Zoology of Egypt, I, 
p. 346 , pf. 4 . fig. 1. 

1<I) Chabas, Â. Z., VI, 1868, p. 99 à 106. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII. 


63 


mais il détaillait avec minutie le dessin des pattes, du dos et de la queue annelée de 
l’animal. Une telle précision, qui est presque celle d’un dessin anatomique, fait 
regretter la disparition de la partie antérieure et de la pince de ce scorpion. 

La même minutie et la même finesse se retrouvent sur un autre croquis, également 
fragmentaire, et figurant üne sauterelle (2242); ces qualités rappellent celles de 
l’ostracon précédent et permettent de supposer que ces deux croquis sont dus au 
même artiste. 

Les représentations de sauterelles ne sont pas très rares, cependant on n’a retrouvé 
dans cette importante masse d’ostraca que ce seul fragment. Il existe pourtant un 
autre exemple de sauterelle dessinée sur un ostracon, il est conservé au Musée de 
Berlin et provient également de Deir el-Medineh ; l’insecte y est figuré mangeant la 
plante sur laquelle if est posé W. 

On sait le rôle que la Bible attribue aux sauterelles dans le pays d’Égypte. En effet, 
dès les plus anciens textes, il est question de champs ravagés par un animal : f \ 

qui désigne, croit-on, la sauterelle ( 2 b Le même mot symbolise également la multitude 
et la faiblesse. Ces trois traits caractéristiques : fléau des récoltes, multitude et fai- 
blesse, permettent à Keimer d’identifier l’animal snfym avec le criquet pèlerin (schisto- 
cerca gregaria, Forskal). En effet, ces insectes s’abattent en masses épaisses dans les 
cultures, mais ils s’y laissent massacrer sans résistance. Cependant une autre espèce 
de sauterelles, indigène en Égypte (Anacridium Aegyptum, L.) est plus inofîensive. 
C’est celle-ci qu’on voit représentée en pendeloques, en amulettes, en ornements 
ou dans les fresques. C’est de cette espèce aussi que parlent généralement les textes. 
Keimer n’a relevé, en effet, qu’un seul texte mentionnant les snhmw comme fléau 
(. Pyramides ) . 

Les sauterelles sont assimilées, dans les textes du Livre des Morts, et dans ceux des 
Pyramides, à l’âme. C’est la forme que prendrait parfois l’âme du roi pour gagner, en 
sautant, l’autre monde. Petrie pensait qu’une déesse appelée Snhm exerçait une 
protection contre les sauterelles, mais cette hypothèse semble être douteuse. Quoi qu’il 
en soit, cet insecte a dû jouer un rôle important en Égypte et dans les conceptions 
religieuses des anciens Égyptiens. Ses représentations sont assez nombreuses dans les 
tombes où il figure dans les fresques, posé sur des bouquets, des épis de blés, les 
branches d’un sycomore sacré ou encore en motif ornemental sur des plafonds, des 
cercueils, des peignes et aussi, à Basse Époque, sur des lampes. On connaît également 
un grand nombre de pendeloques, de colliers et d’amulettes en forme de sauterelles W; 

Avant de clore ce chapitre concernant des animaux un peu exceptionnels, il faut 
signaler un intéressant ostracon publié dans le supplément et qui est malheureusement 

Schàfer, Aegyptîsche Zeichnungen . . . , p. 28 (22), inv. 21 45 2. 

{t) Sethe, Pyramides , 8g 1 d., 1772. 

(3) Tous ces renseignements sont tirés de l’article de Keimer dans Annales du Service des Antiquités d'Égypte, 
t. XXXII, p. 129 à 1 5 o et XXXIII, p. 97. 


64 


J. VAND1ER D'ABBADIE. 


très effacé (27 1 ?)* ^ représente un hippopotame curieusement perché dans les 
branches d’un sycomore dont il mange les fruits. Un corbeau partage ce festin. Il 
semble, autant que les traits extrêmement effacés permettent d’en juger, qu’une 
échelle soit dressée dans les branches. Cette composition rappelle une scène du papyrus 
satirique de Turin *ù, dans laquelle on retrouve un animal ayant la forme d’un hippo- 
potame, perché dans les branches d’un arbre très stylisé qui doit être un sycomore, 

tandis qu’un oiseau (qui semble être 
ici une hirondelle) monte dans l’arbre 
au moyen d’une échelle (fig. 3i). 
L’ostracon, bien que différent dans 
sa composition , est certainement 
inspiré du même sujet puisqu’on y 
retrouve les mêmes éléments dans 
une disposition quelque peu variée. 
Que signifie cette étrange représen- 
tation et quelle idée critique ou 
satirique se cache dans cette curieuse 
composition? On peut penser qu’il 
y a là une caricature de la scène qui figure Nout dans le sycomore, accueillant 
aux portes de l’Hadès les morts, souvent représentés sous forme d’oiseaux à tête 
humaine * 2 ). Le sujet, en tous les cas, ne manque pas d’originalité car on s’attend 
peu à voir ce pesant animal perché dans un arbre où il a dû avoir le plus grand mal 
a se hisser. Il n est d’ailleurs pas moins original de voir un oiseau monter dans ce 
même arbre en gravissant une échelle ! Mais tout est permis dans le domaine de la 
fantaisie, et cette qualité ne manquait certes pas aux dessinateurs sur ostraca. 



K. — Les poissons du Nil sont nombreux et variés de formes et de couleurs et, 
dès l’époque préhistorique, les Égyptiens ont su tirer parti de leurs silhouettes 
décoratives : les belles palettes de schiste en forme de poissons en font foi* 3 ). 
Les nombreuses scènes de pêche qui décorent les mastabas de l’Ancien Empire 
aussi bien que les tombeaux du Moyen Empire et de la région thébaine montrent 
une infinie variété de poissons, dessinés avec une telle exactitude et une telle précision 
de details qu il a été possible de les identifier avec les espèces qui vivent encore de nos 
jours dans le Nil W. 

(l) Lepsius, Auswahl, pl. XXIII, À. 

^ J Sur le papyrus de Turin la tête de 1 animal ressemblerait assez à celle d’un porc, ce qui confirmerait 
cette hypothèse puisque Nout était souvent représentée sous la forme d’une truie. 

{3) Petrie, Prehistoric Egypt, pl. XLIII, XLV. 

(4) Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire naturelle des poissons du Nil , t. XXIV, 1829 , p. 1 4 1-2 44 ; Gaillard- 

Loret-Kuentz , Recherches sur les poissons représentés dans quelques tombeaux égyptiens de V Ancien Empire (Mém. 

de VI. F. A. O., vol. LI). 


I 


1 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


65 


Grâce à cet admirable sens de l’observation que possédaient les artistes égyptiens et 
grâce aux identifications qui ont été faites, il sera facile de reconnaître les quelques 
poissons représentés sur nos ostraca et dont quelques-uns ont déjà été identifiés* 1 ). 

Le grand dessin en noir et rouge (2 2 48 ), sur calcaire, figure un Tilapia Nilotica, 
dont le nom vulgaire est : « Chromis du Nil». Son nom égyptien était : ( Il appar- 
tient à une espèce assez grande qui peut mesurer jusqu’à o m. 46 de long* 2 ). 

Sur l’ostracon un détail s’ajoute à l’étude minutieuse du poisson : c’est une épaisse 
ligne noire qui s’enroule autour du corps de l’animal après avoir été nouée autour de la 
nageoire. Ce détail semble avoir été ajouté après coup par un pinceau différent. Peut- 
être le dessinateur a-t-il voulu figurer la corde avec laquelle le poisson aurait été har- 
ponné. Le dessin très élégant et très précis est certainement l’œuvre d’un artiste de 
grande valeur; il suffit, pour se convaincre de l’exactitude de cette opinion, de regarder 
l’admirable tête royale qui orne le verso de l’ostracon et dont l’élégante beauté est 
due sans aucun doute au même artiste. 

Un autre dessin, plus imprécis et plus rapide, groupe sept poissons différents (2 2 4 g); 
le premier à gauche semble appartenir, par sa forme générale, à l’espèce Lubeo Niloti- 
cus, Forskal * 3 ) ; la présence de deux nageoires dorsales au lieu d’une seule nageoire 
assez large serait une erreur du dessinateur, erreur assez excusable d’ailleurs dans un 
dessin qu^n’est qu’une rapide esquisse. Le nom ancien de ce poisson était : 1 1 ♦A 4 ), 

en copte : xxbhc. Il semble qu’on ait préconisé l’emploi du fiel de Labès contre la 
cécité * 5 ). 

Sous ce premier poisson se trouve, sans aucun doute possible, un Mormyre nilo- 
ticus * 6 ). On le reconnaît à sa forme caractéristique très allongée, à sa tête très mince et 
à la longue nageoire dorsale qui s’étend sur tout le dos. Les très fines écailles sont tra- 
duites ici par un réseau serré de lignes diagonales croisées. Le nom égyptien du Mor- 
myre est : m- ♦c* 7 ). Le gros poisson noir qui est en bas et à gauche est difficile à 
identifier, ses caractéristiques n’étant pas suffisamment marquées. Sa forme l’apparen- 
terait au Tilapia Nilotica, mais sa nageoire dorsale serait beaucoup plus longue, ou 
au Barbus Bynni, qui n’a qu’une nageoire dorsale placée au milieu du dos, une na- 
geoire anale et une nageoire ventrale. Les individus de cette espèce ont, lorsqu’ils 
vieillissent, une couleur jaune foncé, olivâtre sur le dos, ce qui a peut-être incité le des- 
sinateur à noircir d’un ton général tout le corps du poisson. Ce pourrait être également 
un « Barbus» qui est dessiné à droite. Le nom égyptien du «Barbus» est : 

tl) Cf. Catalogue , p. 5 o. 

(5) Gaillard-Loret-Kuentz , op. cit., p. 86-89 ? Boulenger, Zoology of Egypt , The fishes of the Nile, p. 525 . 

(3) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit. ? p. 39 ; Boulenger, op. cit., pl. XXVI. 

(4) Pap. Anastasi , IV, i 5 / 8 . 

(5) Chassinat, Un papyrus médical copte (Mém. de VI. F. A. O., t. XXXII), 19. 

(6) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit., p. 29 ; Boulenger, op. cit., p. 68. 

Montet, Bulletin de VI. F. A. O., XI, 1913, p. ko. 

(8) Montet, Bull, de VI. F. A. O., XI, 1913, p. kk ; Boulenger, op. cit., pl. XXXIV. 


Documents de fouilles, t. 11, 3. 


9 


66 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Le second poisson à droite, dont les écailles sont indiquées par des lignes quadrillées, 
est également mal caractérisé et difficile à identifier. Au contraire, les deux derniers 
poissons sont facilement reconnaissables, celui qui est au-dessus est un Mugil Cepha- 
lus M, au corps allongé et à la tête effilée. Le mulet qui vit dans la mer est également 
abondant dans les estuaires et remonte assez loin puisqu on le trouve en Egypte jus- 
qu aux cataractes d Assouan. Son nom ancien était * ^ Enfin le dernier 

poisson au-dessus de ce mulet est un Synodontis Schall ( 3 ), dont la forme est si par- 
ticulière. On reconnaît les details bien indiqués de la nageoire adipeuse sur le dos et du 
bouclier céphalique. Les barbillons assez longs, qui sont si bien marqués sur les figu- 
rations de cet animal dans les tombeaux de Saqqarah, manquent ici, mais néanmoins 
sa forme générale est parfaitement reconnaissable. Le nom ancien du Synodontis 
Schall était : Dans un très intéressant article sur un poids de poisson, 

trouve a Deir el-Medineh et sur lequel figurait un Synodontis accompagné de son 
nom en hiératique, Cernÿ montre que ce poisson avait un autre nom : p A ^ ^ qui 
devait être le nom courant et populaire que lui donnaient les ouvriers de la région de 
Thèbes sous la XIX e dynastie < 5 ). 

D’autres dessins incomplets sur des fragments d’ostraca permettent néanmoins 
d identifier le museau allonge et releve d un mulet (2 245), puis une queue fourchue 
et une partie de nageoire anale, allongée sous le ventre d’une sorte de mormyre (2 246). 
Un autre dessin est trop imprécis pour qu’on tente une identification quelconque 
(2247). Enfin un très joli dessin, malheureusement fragmentaire, lui aussi, montre 
une nageoire caudale munie de cinq épines et des nageoires dorsales et anales qui pa- 
raissent bien appartenir à un Tilapia (2 248 ). Cependant quelques signes hiérogly- 
phiques, qui semblent donner le nom de ce poisson, accompagnent ce dessin et au lieu 
d y trouver le nom du Tilapia ^ on y lit le mot : J On lit dans les « chants 
d amour »( 6 ) : « Je descends avec toi dans l’eau et tu te transformes en poisson rouge 
(î e '"A) »• Ce mot : j « ^ ou f * < «s r , qui désigne un poisson de couleur rouge, fait 
peut-etre allusion ( Wôrt , 2 68-3 g g) sur notre ostracon à la couleur rouge du Tilapia, 
car, d après la description de Boulenger, le Tilapia a souvent le ventre rouge-sang jus- 
qu’aux ouïes et les nageoires ourlées de rouge vif D). 

(l) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit., p. go; Boulenger, op. cil., pl. LXXX. 

<’> W. B., aAo. 

(3) Gaillard, op. cit., p. 67 ; Bodlenger, op. cit., pl. LXIV. 

(4) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit., p. 67-70. 

(5 > Cernÿ, Deux noms de poissons au Nouvel Empire (B. I. F. A. O., t. XXXVII, p. 35 -Ao). Ce mot 
devait se prononcer : «sal», qui ressemble au nom moderne «sâl». 

<*> Müller, Die Liebespoesie der alten Àgypter ( 1 9 3 a ) , p. Ai. Pap. Anastasi, III, 2,6. 

m M - Bruyère me signale des poids de poissons trouvés à Deir el-Medineh ( Deir-el-Medineh , 19 34- 
1935, p. 22 i) sur lesquels on relève le mot : comme épithète d’un nom de poisson : § , 

poids de poissons frais Peh. ou : ^ , poids de poissons Shena frais ; cependant je ne pense pas que 

ce soit ici le meme mot, car yÿ est une epithète appliquée à un nom de poisson tandis que J « est 
le nom du poisson lui-même (Wôrt. I, 399). • 


~r 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 67 

On a dit combien lesÉgyptiens aimaient , dèsl’Ancien Empire, à représenter les scènes 
de pêche dans lesquelles figuraient des poissons de toutes espèces dessinés avec une 
exactitude remarquable. Dans les tombeaux thébains, on retrouve de nombreuses 
scènes du même genre dont les couleurs vives et fraîches sont ravissantes. Les étangs 
des jardins étaient remplis aussi de poissons aux tons brillants et chatoyants qui con- 
tribuent à faire de ces tableaux les parties les plus agréables à regarder de ces fresques (v) . 
Néanmoins, il est évident que les études sur ostraca n’ont aucun rapport avec ces scènes, 
elles sont de simples exercices de dessin. Si elles ont servi de modèles, ce ne peut être, 
à la rigueur, que dans les décorations de petits objets tels 
que ces jolies coupes en émail bleu( 2 ), dont le fond était orné 
de poissons et de nénuphars (fig. 32 ), ou encore ces cuillers 
à fards en bois dont la cupule est décorée de poissons gravés 
et peints. Maintes figurines religieuses prouvent que les pois- 
sons étaient considérés comme des animaux sacrés. Entre 
autres, le Mormyre ou Oxyrrhinchos, qui était mêlé à la légende 
d’Osiris. Le Bynni et le Latès étaient également adorés. On a 
retrouvé à Thèbes des momies de poissons W. Enfin, de nom- 
breuses statuettes à leur effigie montrent l’importance et le rôle religieux que les 
Egyptiens leur accordaient. 

M 

L. — Il n’y a que peu d’oiseaux figurés sur les ostraca. Ces quelques esquisses sans 
précision et sans importance ne sauraient rappeler la magnifique abondance des repré- 
sentations d’oiseaux qui ont leur place dans tant de tombes à toutes les époques de 
l’art égyptien. Dès l’Ancien Empire, les artistes ont excellé dans les dessins d’oiseaux 
dont la remarquable précision rend presque toujours l’identification possible et même 
certaine. Parmi les ostraca publiés dans ce catalogue, les dessins sont peu caractéris- 
tiques et beaucoup sont incomplets ou effacés. Cependant on reconnaît la silhouette 
d’un canard (2249), dont le dessin est joli : ses deux ailes sont déployées au-dessus 
de son dos; sa tête, son gros bec et son long cou sinueux permettent d’identifier cet 
oiseau à un canard, mais le reste du corps est malheureusement très effacé. Les Egyp- 
tiens élevaient plusieurs espèces de canards, mais celle qui semble avoir été la plus 
répandue est celle du canard pilet (. Dafila acuta ) M ou canard à longue queue, qui figure 

CI Wreszinski, Atlas, I, pl. 92, 222, 3 oo ; N. M. Davies, Ancient Egyptian painting, pi. LIV, LXV, 
LXIX ; Davies, The tomb of Puyemrê at Thebes, I, pl. IX. 

(*> Bissing, Fayencegefâsse , p. 21 ; Wreszinski, Atlas , I, pi. 90 b. 

( 3 ) Gaillard et Daressy, La faune momifiée de Vantique Égypte ( Cat . gén. du Musée du Caire ), p. 70 et seq. 
Il faut signaler cette curieuse tombe de Deir el-Medineh dans laquelle un gros poisson, étendu sur un lit 
funéraire, remplace la momie osirienne pendant la cérémonie de l’embaumement (tombe n° 2 B, de 
Khabekhnet). 

( 4 > Lortet-Gaillard, La faune momifiée de V ancienne Égypte , Lyon 1909, P* 1 ^° sec L ? H Boussac, Rec. 
Trav . (1911), 33 , p. 59 à 63 . 



9 - 


68 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


si souvent dans les représentations. Cette espèce est reconnaissable, comme son nom 
l’indique, à sa queue assez longue se terminant par deux plumes effilées. Sa tête est 
petite et son cou allongé. Il vivait surtout en Basse Égypte et au Fayoum où il était 
chassé au filet dans les étangs et les marécages. Mais les Égyptiens l’avaient également 
domestiqué et l’élevaient en basse-cour, si on en juge par la célèbre représentation 
du tombeau de Ti, montrant le gavage des canards pilets W. Boussac fait remarquer 
que ces canards jouaient un rôle dans la grande panégyrie de Min. On a dit que ces 
volailles étaient assimilées au dieu Set et que ce serait la raison pour laquelle ils sont 
désignés par le mot : mais l’hypothèse est peu vraisemblable. 

On trouvera sur un de nos ostraca une excellente représentation du canard pilet 
(225 1). Il est ici très simplifié et figuré tout à fait dans la forme de l’hiéroglyphe p’, : 
^ ; cette silhouette est donc plutôt un hiéroglyphe agrandi qu’un dessin inspiré par 
la nature; on le retrouve également tracé au verso de la pierre. Deux autres esquisses 
figurent aussi des canards pilets (2257-2258) et il est regrettable que la première 
de ces esquisses ne soit qu’un fragment et ne montre qu’une patte et une partie de 
queue et d’aile, car le dessin semble assez détaillé et assez bien observé. 

Un oiseau indiqué en noir et rouge seulement (2 2 5 o) est d’une identification bien 
difficile; en effet, le dessin n’est pas d’une exactitude zoologique remarquable. 
Le mouvement du volatile est saisi en plein vol, il a les ailes déployées et les 
pattes pendantes, un bec long et fort. C’est probablement un oiseau de la famille 
des passereaux, peut-être un étourneau ou une grive, tous deux très abondants 
en Egypte ( 2 L 

Ces quelques représentations d’oiseaux paraissent bien pauvres et bien fantaisistes, 
quand on évoque les ravissantes figurations de Tell el-Àmarna, des tombes et des 
temples du Nouvel Empire elles-mêmes inférieures à celles de l’Ancien Empire, qui 
sont si remarquablement dessinées et d’une observation zoologique si sûre. 

M. — La plupart des scènes réunies ici sous le titre « satiriques » ont pour acteurs 
des animaux dans des attitudes humaines. Ce sont des sujets très originaux, peut-être 
plus comiques que satiriques et dont on ne trouve de répliques sur aucun monument 
égyptien, tombes ou tombeaux, ni sur aucun objet décoré. Cependant quelques figu- 
rines en ronde-bosse, en terre émaillée et provenant d’ El-Amarna ( 3 ), reproduisent des 
sujets semblables. Enfin ces scènes se retrouvent sur les papyrus dit «satiriques»; 
il y a certainement un rapport entre ces papyrus et nos ostraca, mais il est difficile 
(L’affirmer dans quel sens s’est exercée l’influence. Nous aurons l’occasion de revenir 
plus loin sur ce point. 

l ' ! Montet-Eperon, Le tombeau de Ti, fasc. I, pl. VII, VIII ( Mém . de l’I. F. A. O., t. LXV). 

(s) Je dois au regretté V. Loret plusieurs renseignements précieux pour l’identification de ces 
oiseaux. 

p) Franckfort and Pendlebury, The city of Akhenalen, part I, pl. XXXI. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


69 


Ces sortes de caricatures sont tracées sur le modèle de scènes bien connues qui appa- 
raissent dans l’iconographie des tombes de la région thébaine, mais jouées par des 
humains et non parodiées par des animaux. Ainsi, le chat berger d’un troupeau d’oies 
rappelle, dans la disposition générale et le sujet, le jeune garçon conduisant au pâtu- 
rage ses oies ou ses bœufs Û). De même, le chat qui, devant la table d’offrandes bien 
garnie, apporte des fleurs à un défunt , rat ou souris, parodie sans aucun doute la scène 
rituelle de l’offrande au mort, C’est donc dans ces représentations classiques et si 
fréquentes que les dessinateurs ont puisé les idées comiques et les dispositions de 
ces scènes satiriques. D’après les papyrus conservés au British Muséum, au Caire ou 
à Turin < 2 ), on peut supposer que chacun des sujets qu’on retrouve sur les ostraca 


Fig. 33. 



était destiné à faire partie d’un ensemble plus important parodiant les papyrus 
funéraires ou bien illustrant un conte, dont l’argument nous reste malheureusement 
inconnu puisque aucun texte n’accompagne ces images. 

Le papyrus de Londres présente la scène du chat berger menant ses oies au pâturage. 
Cet ancêtre de notre Guillot, sa houlette à la patte, marche gravement derrière son 
troupeau d’oies (fig. 33 ). On y trouve également la parodie de l’offrande funéraire 
dont les ostraca nous donnent de nombreux exemples. Le rat, comme nous l’avons dit, 
remplace le défunt, assis sur la chaise devant la table d’offrandes, tandis qu un chat 
faisant l’office de prêtre funéraire apporte des fleurs ou des victuailles. La plupart des 
ostraca, qui dans notre collection traitent ce sujet, sont extrêmement fragmentaires; 
le seul qui présente une scène complète (2298) est malheureusement assez effacé. 
On peut y remarquer cependant que le rôle du défunt, ici, est joué par un renard et 
celui du dédicant par un chat qui, un grand éventail à la patte, rafraîchit les offrandes 
ou le bénéficiaire des offrandes lui-même. 

( l ) Davies, The Tomh of Puy entre ai Thebes , I, pb XII; Papyrus du Caire 382 2 Af 

W Lepsius, Aumahl, pl. XXIII; Oluvier-Beauregard, La caricature dans l Lgypte ancienne, pl. 22 , 23 , 
28, 29. 


1 0 


70 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Sur un autre dessin très sommaire (2810), le défunt est de nouveau figuré par un 
rat, mais ce sont, cette fois-ci, deux personnages, un chat et une chèvre, qui lui ap- 
portent les offrandes. A travers toutes ces variantes, on retrouve la parodie de cette 
meme scene funéraire, qui était dans les tombes et sur les stèles le thème favori du 
répertoire classique h). On s étonné a juste titre que cette représentation funéraire 
ait été si souvent caricaturée par des artistes qui, ce faisant, se montraient bien peu 
respectueux des plus anciennes traditions de l’Égypte. Un autre papyrus cependant 
en donne un exemple encore plus complet et détaillé c’est le fragment qui est conservé 
au Musee du Caire (fig. 34 ) ' 2 ). Une souris figurant la défunte reçoit les hommages 
de toute une famille de chattes. L’une lui présente des offrandes, la seconde joue le 

rôle de nourrice et tient dans ses bras un jeune 
souriceau encore au maillot, une troisième en 
flabellifère bien stylée rafraîchit avec des palmes 
le front de la dédicatrice, tandis qu’une esclave, 
une chatte encore, coiffe sa maîtresse avec autant 
d’adresse que d’empressement. Tous ces détails 
charmants, familiers et ironiques, nous font entrer, 
sous couvert de caricature, dans le harem, dans 
F %- 3i - l’intimité d’une grande dame à sa toilette. Dans 

cette composition, le dessinateur a réuni la scène 
de l’offrande à celle de la toilette dont plusieurs des ostraca de ce catalogue ont 
fourni de jolis exemples (pl. XLIX à L 1 V). Ces scènes de gynécées qui devaient être 
charmantes sont maintenant très rares et ce n’est plus guère que sur les- ostraca 
qu’on peut les retrouver. Leur parodie, en tous les cas, orne non seulement le 
papyrus du Caire, mais encore quelques fragments de calcaire. C’est ainsi que deux 
d’entre eux (2806-2807) montrent une rate assise sur un siège, vêtue d’une jupe 
P lissée et procédant à sa coiffure aidée d’une servante à laquelle on prête la forme 
d’un renard ou d’une guenon, debout derrière elle. Sur un de ces dessins (2807), 
l’artiste, soucieux de vérité, a montré la rate se mirant dans un miroir rond à manche, 
que la coiffeuse vient de lui tendre et dont 1 etui est pendu à son bras. Ces esquisses 
sont assez effacées et fragmentaires, mais celles qu’on peut voir dans plusieurs musées 
reproduisant les mêmes thèmes sont heureusement mieux conservées. C’est ainsi qu’à 
New York' 3 ) une scène très complète montre une rate assise sur un siège pliant; devant 
elle un chat tend une oie troussée et un grand éventail. Un de nos petits fragments 
(2800) devait appartenir à une scène tout à fait analogue. Au musée d’Hildesheim, 
on peut voir un ostracon absolument semblable dans sa composition et ses détails < 4 >, 

(,) Lacau, Stèles du Nouvel Empire ( Cat . gén. du Musée du Caire), pl. XXXIII, XLIV, XLVII, XLVIII. 

m Gauthier-Laurent, Mélanges Maspero (Mémoires de.l’I. F. A. O., t. LXVI), p. 673, pl. II d. 

,5 > Catalogue of Muséum and Gallery of Art, New York H. S., 1903, p. 5 a. 

(4) Hildesheim, n° d’inv. : 3988. 



OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


71 


ainsi qu’à Munich où une réplique de cette scène est admirablement conservée' 1 ). 
Le musée de Bruxelles possède également deux exemplaires de ce même sujet ; mais 
l’un d’eux se complique de plusieurs autres personnages ( 2 ). C’est une jolie compo- 
sition où l’on voit, suF une estrade, une rate, assise sur un pliant et un cortège de 
trois personnages s’avançant vers elle : une chatte, d’abord, qui lui présente une 
coupe d’onguents et un éventail, puis deux renards ; le premier, qui porte des fleurs, 
pousse l’incongruité, sous l’effet de l’émotion, ou par facétie, jusqu’à s’oublier dans 
ce lieu élégant, et le second joue de la harpe. Produits de beauté, fleurs et musique, 
voilà une grande dame comblée ! Une guirlande de feuilles orne la partie supérieure 
de cette scène dont la verve humoristique et l’observation satirique se passent de tout 
commentaire . 

Si la scène de l’offrande funéraire dont nous venons de voir les parodies est 
fréquente dans les tombes thébaines, il est beaucoup plus rare d’y rencontrer, tout 
au moins à cette époque, la scène de la coiffure et de la toilette d’une dame. Le 
meilleur exemple de cette scène gracieuse semble être celui qui décore le sarcophage 
de Kaouit de la XI e dynastie. La princesse boit un bol de lait; derrière elle, une 
servante la coiffe et natte sefe cheveux tout en plantant avec des gestes précis des 
épingles dans sa chevelure' 3 ). De petits groupes en ronde-bosse datant de la même 
époque reproduisent également des scènes de coiffure ; mais on peut difficilement les 
comparer aux esquisses sur calcaire dont ils diffèrent totalement par la composition 
autant que par le style. 

Il est certain que ces parodies semblent n’avoir eu pour modèles que les scènes de 
toilette peintes sur les ostraca qui seront publiés plus bas. 

On pourrait supposer que ces scènes d’offrandes, dont on trouve des répliques sur 
papyrus, avaient été composées et tracées sur ostraca d’abord et que ces premiers essais 
avaient servi de modèles pour décQrer les papyrus. Cependant beaucoup de ces compo- 
sitions sur ostraca semblent bien avoir été peintes sans but pratique, et elles forment, 
indépendamment de toute influence, un tout. L’ostracon de Bruxelles, par exemple, pa- 
raît bien être une œuvre indépendante adaptée à la forme du morceau de calcaire sur 
lequel elle figure, et composée spécialement pour cette forme. Tout l’intérêt de la scène 
est au centre et la courbe des deux personnages extrêmes, de la harpe, et de la guirlande 
de feuilles, l’encadre en suivant la courbe du morceau de calcaire lui-même. C’est une 
constatation qu’on peut faire souvent à propos de ces esquisses sur calcaire, qui, dans 
bien des cas, étaient composées avec le souci de la surface à décorer, tout comme s’il 
s’agissait d’une grande paroi, prouvant ainsi qu’elles avaient une fin en elle-même et 
qu’elles n’avaient pas été composées pour servir de projet à une autre décoration. 

. (l) Scharff, dans W. Otto, Handbuch der Archdologie , II, pl. 92, &. 

P) Bruxelles , n° d’inv. :E. 6 4 4 2 et E. 6379; Capart, Documents pour servir à V élude de VArt égyptien , 

II, pl. 73. 

Benedite, Objets de toilette (Cat. gén. du Musée du Caire). Frontispice. 


10. 



72 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Pour en revenir aux thèmes communs aux ostraca et à certains papyrus satiriques, un 
des plus audacieux est celui qui représente un animal debout dans un char ( 2 3 o 4-2 3 o 5 ) . 
Ces deux croquis très mutilés et très effacés n’auraient rien de bien significatif en eux- 
mêmes si le développement de cette scène ne se retrouvait dans toute son ampleur et 
son ironie sur le papyrus de Turin (fig. 3 5) W. On y constate l’esprit moqueur et fron- 
deur des scribes qui n’hésitaient pas à s’attaquer même au roi. En effet, sur le papyrus, 
le rat, monté sur un char attelé de deux chiens lancés au galop, tire à l’arc sur une for- 
teresse défendue par des chats, et à l’assaut de laquelle se rue toute une armée de rats. 
On reconnaît facilement dans cette parodie, la scène traditionnelle du r.oi combattant 
ses ennemis, qui décore certains monuments comme à Karnak, à Louxor ou au llames- 
seum par exemple, et où sont représentées la fameuse bataille de Kadesh et la prise de 



Dapour ( 2 ). Sur le papyrus, la parodie est si évidente que la comparaison avec ces glo- 
rieux modèles s’impose tout naturellement à l’esprit. C’est la même composition, le 
même groupement de combattants et la même reproduction exacte de la forteresse. Il y a 
d’ailleurs sur ce papyrus une autre composition qui semble être une autre caricature du 
roi : c’est celle où le lion joue aux échecs avec une gazelle assise devant lui à une table de 
jeu. C’est le sujet d’une scène de Medinet Habou figurant Ramsès IV jouant aux échecs 
avec ses concubines ( 3 L Si étonnant et si peu respectueux que cela puisse paraître, ces 
caricatures royales, quoique peu nombreuses, ne sont cependant pas uniques, et nos 
fragments d’ ostraca ont certainement appartenu à des scènes semblables à celle du pa- 
pyrus de Turin. Un petit objet trouvé à Tell el-Amarna reproduit également la caricature 
de ce motif guerrier, c’est un petit char en terre cuite coloriée, tiré par deux chevaux et 
conduit par un rat W. Le sujet, quoiqu’un peu différent de celui du papyrus, semble 
comporter, lui aussi, une intention satirique. C’est le cas également pour d 'autres pièces 

W Lepsius, Auswahl, pl. XXIII = Prisse d’Avennes, Histoire de U Art égyptien d’après les monuments , Atlas , 
t. i er , pi. 71. 

(2) Wreszinski, Atlas , II, pl. 34 , 45 , 107/8; Lepsius, Denkmâler, III, 166. 

(3) Rosellini, Monumenti Storici, I, pl. CXXII. 

Franckfort-Pendlebury, The city of Akhenaten, part I, pl. XXXI. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


73 


du même genre trouvées aussi à Tell el-Amarna, dont les thèmes s’apparentent à ceux 
de certains ostraca. C’est ainsi qu’une petite figure en ronde-bosse représente un singe 
jouant de la harpe M, sujet qu’on retrouve sur l’ostracon n° 2 2 8 1 . Le harpiste est assis 
sur un tabouret rembourré d’un coussin dont l’épaisseur est ornée d’un motif en 
forme de serpent aux replis onduleux ; -ce même motif figure autour des matelas qui 
recouvrent les lits des scènes de gynécées que nous verrons plus loin (Série N). Devant 
la guenon musicienne, on aperçoit la tête d’un jeune garçon prosterné. Cette partie très 
mutilée ne permet pas déjuger si l’enfant s’incline simplement ou s’il dépose quelque 
chose aux pieds de l’animal. Ce geste est assez vraisemblable car le texte tourné vers le 
jeune garçon lui fait dire : « Voici de l’eau pure ! » Il est donc probable qu’il verse une 
libation devant la guenon. Celle-ci, d’après la légende prononce les paroles suivantes : 
« Je suis une aimée de son maître, une louée de ...(?) » L’artiste a-t-il voulu parodier la 
scène du harpiste aveugle dont la guenon reproduit la pose habituelle, ou a-t-il voulu 
caricaturer ces jeunes musiciennes qui charment de leurs accords harmonieux les ban- 
quets funéraires si souvent reproduits sur les parois des tombes? Le fragment est trop 
mutilé pour qu’on puisse répondre d’une façon satisfaisante à cette question, mais l’in- 
tention caricaturale ne saurait être niée W. Les mêmes remarques sont valables pour un 
autre tableau qui met encore un singe en scène. Celui-ci debout devant un tas de blé 
s’incline légèrement en avant dans la pose habituelle des scribes occupés à écrire sur 
leurs tablettes ; malheureusement les mains étant effacées il est impossible de voir si ce 
singe tient réellement le calame ou le rouleau, cependant le geste et l’ensemble de la 
scène justifient une telle hypothèse. Un second singe faisait face à ce scribe supposé ; il 
ne reste plus aujourd’hui que l’avant-bras de l’animal et sa main qui s’appuie sur une 
haute canne. Entre les deux acteurs, au-dessus d’un tas de blé, une inscription donne 
un titre : « Scribe du double grenier» qui, bien que l’écriture soit dirigée vers le per- 
sonnage fragmentaire, ne peut s’appliquer qu’au premier singe dont l’attitude géné- 
rale est certainement celle d’un scribe. Le sens de la scène devient ainsi très clair : il 
s’agit d’un scribe qui, au cours d’une tournée de son maître, inscrit dans son inventaire 
les entrées des céréales. Les tableaux figurant le maître faisant l’inspection des récoltes 
de son domaine et les scribes inscrivant les produits de ces récoltes, sont assez fréquents 
dans les décorations murales des tombes de toutes les époques et notamment au Nouvel 
Empire. Pourquoi l’artiste a-t-il représenté ici le scribe sous l’aspect d’un singe? 
Faut-il y voir une allusion à Thot, dieu de l’écriture, généralement adoré sous la forme 
d’un babouin? Quoi qu’il en soit, il est certain qu'e les singes, avec leur malice, leur 
vivacité et leur aptitude à imiter les hommes, devaient inspirer tout particulièrement 
les scribes humoristes et leur donner l’idée de leur faire jouer maint rôle humain. C’est 
pour cette raison que ces animaux ont une part si importante dans les ostraca satiriques 

Franckfort-Pendlebury, The city of Akhenaten, part I, pl. XXXI. Un petit groupe semblable est 
conservé à University College, Londres. — m De nombreuses statuettes de calcaire représentant un 
singe harpiste ont été retrouvées à Deir el-Medineh. 


74 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


ou simplement humoristiques. En effet, les nombreuses scènes figurant un ou deux 
singes s’attaquant à un gros paquet enveloppé d’un filet et posé devant eux semblent 
repondre a une intention plus comique que satirique, mais comme ils représentent 
des animaux exécutant des mouvements humains, nous les avons néanmoins fait figurer 
dans cette série. 

La scène se compose généralement d’un ou de deux singes debout de chaque côté 
d’un gros sac en filet sur lequel ils frappent comme s’ils voulaient l’éventrer. Le contenu 
de ce filet est indiqué sur quelques-unes de ces compositions (2 2 7/1-32 7 5) par des 
points noirs. Le dessin 2278 montre que ces points noirs sont des noix de palmiers 
«doum». Sur cet ostracon, en effet, le singe mange une de ces noix dont il a réussi à 
s’emparer, tandis qu’une grappe de ces fruits et uhe grande feuille pendent encore 
devant le sac, indiquant ainsi l’arbre sur lequel la récolte venait d’être faite. Cette iden- 
tification est rendue certaine par la découverte, faite à Deir el-Medineh dans la tombe 
de l’architecte Khâi 1 ), d’un vrai filet de grosse corde rempli de ces noix de palmier- 
doum. On a déjà vu que les singes, friands des fruits du « Doum» étaient employés à la 
récolté de ces fruits. Aussi est-il permis de supposer que ces scènes sont des épisodes 
de la récolte des noix et que les gestes comiques de ces grands singes avaient amusé les 
dessinateurs qui s’étaient exercés à les fixer. Ils ont, en effet, observé avec la même 
acuité l’animal entêté à garder son butin (22 7 4-2 2 76-2 2 78) ou frappant violemment 
sur le filet avec un bois recourbé (2276-2277-2279) dans l’intention d’en faire 
sortir un fruit. Sur 1 une de ces compositions, un petit texte indique que l’animal est 
une guenon : «La belle guenon (kft), aimée de son maître.» Ce détail montre à quel 
point cet animal était domestique a cette époque et considéré comme faisant partie 
des choses et des êtres de la maison. 

Quelques-uns des ostraca de cette série sont plus vivement colorés que beaucoup 
d autres, avec une plus grande variété de tons. C’est ainsi que le pelage des singes est 
indiqué par un ton vert assez soutenu, tandis que les rubans, les visages et les mains 
sont d un rose vif. Le filet est peint à deux ou trois reprises en jaune clair ou en vert et 
les noix sont marquées à travers les mailles par des points marrons. Il est regrettable 
que ces petites peintures aient eu à subir l’injure du temps car elles devaient, dans leur 
fraîcheur, constituer, avec leurs couleurs brillantes et leurs détails spirituels, des petits 
tableaux charmants et originaux. 

A ma connaissance ce sujet n a jamais été reproduit dans la peinture égyptienne. Un 
petit groupe en terre émaillée et provenant de Tell el-Amarna, comme le char conduit 
par un rat assis, dont il a ete question plus haut, rappelle ce thème. Un singe assis en- 
toure de ses bras un sac de noix de « doum», comme un précieux butin qu’il cherche à 
protéger (fig. 36 ). Cet objet était probablement un jouet comme les autres groupes du 
meme genre trouves sur ce site et na, par conséquent avec nos ostraca, qu’une' 


Schiaparelli, La tomba intatta dell’architelto Cha , nella necropoli di Tebe, 1937, p. i65, fig. i5o. 


75 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

communauté d’inspiration. De nombreuses statuettes ou ébauches de sculptures du 
même genre ont été retrouvées également à Deir el-Medineh ; elles représentent aussi 
un singe assis tenant un gros sac de noix de « doum» W. 

On a vu que les renards, comme les singes, étaient appelés à jouer leur rôle dans ces 
scènes comiques. C est un renard qui se trouve être le principal acteur d’un des plus 
charmants et des plus intéressants dessins de ce 
genre. Ce petit tableau représente un renard 
debout sur ses pattes de derrière, une besace jetée 
sur son épaule. Il tient entre ses pattes de devant 
une double flûte, dont il tire des sons mélodieux 
pour faire danser le jeune chevreau qui saute 
devant lui, et qui, debout, exécute visiblement un 
pas de danse. Le dessin est excellent et très 
expressif. J’ai déjà eu l’occasion de signaler com- 
bien était grand l’intérêt de cette scène ( 2 ), qui semble être l’illustration exacte d’une 
fable d’Esope ( 3 >; le chevreau, se voyant pris, demande au renard de jouer de la flûte, 
pour montrer ses talents avant de périr. Le berger attiré par le bruit de la flûte s’aper- 
çoit du danger que court son chevreau et se précipite à son secours mettant en fuite le 
ravisseur. Il y a une telle parenté entre le début de cette fable et cet ostracon qu’on ne 
peut s’empêcher de faire le rapprochement et de se demander si Esope n’a pas fixé 
dans cette fable un apologue très ancien, transmis oralement à travers les siècles et que 
les habitants de la région thébaine, sous la XIX e dynastie, auraient déjà connu. Il n’y 
aurait donc pas dans ce dessin une intention satirique mais seulement un essai d’illus- 
tration d’un apologue à conclusion morale. 

La tombe d’Apouy, si riche en scènes familières et pittoresques, offre un groupe qui 
rappelle un peu celui de notre ostracon bien qu’il ne soit pas traité en parodie. On y 
voit un berger qui joue de la double flûte en menant au pâturage un troupeau de 
chèvres et de chevreaux folâtrant devant luD 4 ). Dans le papyrus de Turin, c’est au con- 
traire la figure du renard musicien qui réapparaît, mais dans une scène différente qui 
ne saurait être mise en parallèle avec celle-ci ( 5 b Cette figure du renard musicien semble 

{l) Dans une tombe de Deir el-Medineh, une scène esquissée en rouge montre un bateau sur lequel on 
aperçoit un singe qui danse sur un amoncellement de sacs de noix de « doum». Un harpiste accompagne 
la danse de l’animal. Ce bateau de commerce revient sans doute de l’Éthiopie, pays des singes (Bruyère, 
Deir el-Medineh , 1927, p. 29, fig. 20). 

(2) Chronique d’Égypte, n° 28, juillet 1989, p. 34 o. 

W Ésope, Fables (Coll. G. Budé), p. 4 9 , n° 107. 

(4) Dàvies, Two Ramesside Tombs at Thebes, pl. XXX, XXXIV ; Une charmante scène qui, bien que 
datant de la VI e dynastie, rappelle le sujet de la tombe d’Àpouy en même temps que celui de notre 
ostracon, mérite d’être signalée. On y voit deux chèvres qui dansent gracieusement au son de la flûte 
d’un berger (Blackman, The rock tombs of Meir , IV, pl. XIV). 

{5) Lepsius, Auswakl pl. XXIII. 




76 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


etre très ancienne dans 1 art égyptien puisque, dès l’époque prédynastique, on en 
trouve des représentations (fig. 37) (»). On voit que dès les premiers temps de l’histoire 
notre maître Isengrain était appelé à jouer un rôle dans les fables. 

Un dessin, dont le sujet est unique dans les ostraca et qui est un des plus originaux 
de cette série, est celui du buveur au siphon. Le personnage principal est assez mal ca- 
ractérisé. J’avais tout d’abord pensé qu’il s’agissait d’un cynocéphale, 
J™*. mais le museau très allonge et surtout les pattes, quoique maladroitement 
dessinées semblent plutôt appartenir à un chien qu’à un singe. L’animal, 
li kV x| dont le haut du corps est humain, est assis pompeusement sur un siège 
y/)) \ rec °uvert d’une peau de bœuf, les pattes appuyées sur un petit tabouret. 

Devant lui, deux amphores sont posées sur une sellette ; dans l’une d’elles, 
Fl S- 3 7 - plonge la branche verticale d’un siphon dont le chien tient la branche 
horizontale ; c’est par ce moyen qu’il boit le liquide contenu dans l’amphore. 
Le siphon était d’un usage courant au Nouvel Empire. On voit sur certaines 
représentations des amphores tenues au frais sous des 
feuilles ou dans des kiosques et dans lesquelles plonge un 
siphon (fig. 38 ) {*). Une scène montre qu’on se servait du 
siphon pour transvaser les liquides d’un récipient dans un 
autre ce qui évitait de remuer les lourdes amphores ( 8 >. 

Un coude de siphon en bronze a été retrouvé dans les 
fouilles de Tell el-Amarna (4 >. C’est un tube à angle droit, 
dont les tiges sont réunies par une barre; dans l’espace 
triangulaire ainsi formé, se loge un décor floral ajouré. 

D’après Erman, le siphon à boire serait une importation 
d’origine syrienne. En effet, une représentation très inté- 
ressante, sur une stele, montre un soldat syrien buvant dans une grande amphore au 
moyen d’un siphon (fig. 39) ( 5 L Ce monument qui provient aussi de Tell el-Amarna 
semble avoir inspiré notre ostracon car le dédicataire de la stèle est assis, comme 
le chien, sur un siège à coussin et se désaltère dans de grands vases posés devant 
lui sur des sellettes. Un ostracon de Munich, que nous avons déjà signalé dans les paro- 
dies de scènes de toilettes (cf. p. 1 o 4 ), met en scène une souris assise dans un fauteuil 
et buvant, comme ici, au moyen d’un siphon, On peut ajouter à ces scènes l’image d’un 
dieu Bès qui se sert du même instrument pour puiser dans un grand vase et deux 
autres Bès qui, de chaque côté d’une grande amphore posée sur une sellette, se désal- 
tèrent également à l’aide de siphons. Ces deux scènes sont gravées au dos de deux 

, (l) Capart, Les débuts de V Art, p. 226, fig. i 56 . 

(2) Davies, 'ïwo Ramesside Tombs at Thebes , pl\ XXXIV; Two sculptors at Thebes , pi. XIX. 

(3) Klebs, Die Reliefs des N . R., I, p. 59. 

F. Ll. Griffith, Journal of Egyptian Archaeology , XII r p. 22. 

(5) Klebs, op. cit,, p. 69, abb. 43. 



OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


77 



(1) W. Max Muller, Egyptian mythology, p. 62, fig. 65 = Grenfell, P . S. B. A. (1902), p. 32 , 
fig. XXXVIII, XXXIX. 

(2) Garstang, Burial customs of Ancient Egypte p. 64 , fig. 5 o- 5 i, p. 74-76, fig. 61-62; Wreszinski, 
Atlas y I, 22, 86 a t 299. 


scarabées (fig. 4o)ô). Ces compositions sont, à ma connaissance du moins, les seules 
qu’on puisse rapprocher de notre ostracon ; il n’est pas besoin de souligner davantage 
l’intérêt de ce sujet exceptionnel. 

L’illustration des tombeaux du 
Moyen et du Nouvel Empire com- 
porte fréquemment des scènes de 
brasserie ( 2 h Elles sont générale- 
ment composées d ’un gros homme, 
debout devant une grande am- 
phore ; il brasse le grain qui se ‘ 
trouve dans un large tamis posé 
sur l’amphore ; autour de lui s’ac- 
tivent des aides qui apportent 
l’eau ou les grains dans de grands 
vases suspendus à des palanches. 

Cette scène bien connue est 
traitée d’une façon humoris- 
tique sur le papyrus satirique du 
British Muséum où le gros bras- 
seur est figuré sous les traits d’un 
hippopotame et ses serviteurs sous 
ceux de chèvres. Nous retrouvons 
parmi les ostraca quelques frag- 
ments d’esquisses reproduisant le 

même sujet. Sur l’un d’eux (a 3 1 3 ), on voit les mains et la panse du brasseur devant 

lequel une chèvre se tient debout portant deux am- 
phores suspendues aux deux bras d’une palanche. 
| Sur un autre fragment (2 3 1 4 ) , une partie de la tête, 
! le tamis, les pattes du porteur d’amphore et l’am- 
j ^ ^ Jy phore elle-même sont les seuls éléments subsistants 

^ de cette scène.. Quoique incomplets, ces fragments 

Fig- 4o. peuvent facilement être identifiés à la scène de 

brasserie du papyrus du British Muséum. 

Si certains fragments comme ceux que nous venons de voir sont manifestement ap- 
parentés à des sujets connus, d’autres, au contraire, semblent ne pouvoir se rattacher 
à aucune série de scènes. C’est le cas de certains morceaux tel que celui représentant un 


Fig. 3g. 


J. VANDIER D'ABBADIE. 


78 

grand singe debout devant une haute sellette supportant une corbeille. Ce singe est-il por- 
teur d’offrandes? C’est possible, quoique son geste soit assez difficile à définir (2289). 

Trois autres fragments semblent appartenir aux scènes de parodies de musiciens. Deux 
d’entre eux figurent des singes jouant de la double flûte (2291-2292) et un troisième 
met en scène un chevreau debout occupé probablement au même passe-temps (2295). 

Ces trois esquisses étaient peut-être destinées a faire partie d un de ces orchesties 
burlesques dont le papyrus de Turin montre un si remarquable exemple. 

Enfin, plusieurs fragments présentent des personnages ou des parties de person- 
nages qu’on peut rattacher aux scènes d’offrandes ou d’adoration. On voit ainsi un 
rat, remarquablement dessiné, habille d un pagne plisse (2808). Il est assis sur une 
belle chaise à dossier retourné et figure bien le grand personnage auquel des servi- 
teurs et des parents viennent apporter des offrandes. Une scène très effacée et de mau- 
vais style montre un chien suivi d’une chèvre (2810), tous deux font un geste d’ado- 
ration devant un rat assis sur un siège en X, surélevé par une estrade W. 

C’est également un porteur d’offrandes que parodie un chien debout vêtu d’un 
pagne et portant un vase (2 3 16-281 7). Au verso de cet ostracon, est un autre chien 
également debout, mais orné seulement d’un collier autour du cou. Il monte majes- 
tueusement un petit escalier au haut duquel se trouve l’entrée d’un temple ou d’un 
tombeau. Il portait sur son épaule un objet que l’état fragmentaire du morceau em- 
pêche d’identifier. 

Après avoir examiné ces dessins réunis sous le titre « satiriques», on comprend que 
leurs sujets rares et nouveaux aient intéressé et intrigué beaucoup d archéologues ; 
ils restent néanmoins difficiles à interpréter et il n’est pas sûr que l’épithète «co- 
miques » ne leur conviendrait pas mieux que celle de « satiriques » qui leur a été donnée 
ici, car la satire y est souvent malaisée à définir. 

Quoi qu’il en soit, ce lot de dessins, s’il fournit un grand nombre de répliques à des 
thèmes déjà connus, ajoute à ce répertoire beaucoup de sujets inédits. Il permet de 
constater qu’à cette époque la verve satirique ou comique des scribes, loin de con- 
stituer des cas isolés, peut être rattachée, au moins dans cette région de l’Egypte, à 
la manifestation spontanée d’un esprit général assez goûté. Ce ne sont évidemment 
pas les premières manifestations de l’esprit comique et moqueur des scribes égyptiens ; 
à toutes les époques, ils ont laissé fuser leur gaîté moqueuse en posant parfois au milieu 
d’une scène sérieuse un détail amusant. C’est, dans une scène de repas funéraire, 
deux singes se disputant avec âpreté sous l’œil pacifique d’un chien < 2 ) ou bien un 
singe qui, comiquement, imite la danse gracieuse d’une ballerine W. Mais ce ne sont 
là que des détails isolés et non pas comme dans nos ostraca un ensemble dénotant 
un courant d’idées nettement marqué. Cette liberté de pensée et d’expression étonne 
cependant un peu de la part d’artistes dont l’activité, était consacrée, en grande partie, 

(>) L e fragment a3i8 devait représenter un sujet analogue. — (,) Mackay-Petrie, Ilemamieh, pl. X. — 

W Davies, The rock tombs of Sheikh Saïd, pl. IV. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


79 


à reproduire des scènes d’un caractère religieux ou funéraire. Ces dessins révèlent 
chez leurs auteurs un esprit affranchi et indépendant qu on ne s attend pas a trouver 
chez ces hommes qui paraissaient, d’autre part, si respectueux de leurs rois, de leur 
religion et de leurs traditions. 

Les manifestations formelles de cet esprit ne se rencontrent guere avant la deuxieme 
moitié du Nouvel Empire 0 ) . On doit toutefois signaler qu’on peut relever certains signes 
avant-coureurs de cet état d’esprit à une époque qui fut exceptionnelle pour l’art, 
parce que toutes les libertés y furent autorisées, je veux dire à l’époque amarnienne. 
Après l’effondrement du schisme amarnien, les anciennes traditions artistiques qui 
avaient été abandonnées pour la plupart furent reprises, mais il semble que quelques- 
unes des esquisses sur calcaire aient gardé, sinon le style, du moins un peu de 1 esprit 
de Tell el-Amarna. On a vu d’ailleurs que quelques-uns des sujets traités sur ostraca, 
comme le char attelé de chats, le singe harpiste, furent créés dans la ville d’Akhnaten 
et exécutés en ronde-bosse sous la forme de petits jouets en terre cuite. D autre part, 
le chien jouant le rôle du buveur au siphon semble avoir été inspiré directement d’une 
stèle de Tell el-Amarna. 

Il se peut donc que l’esprit comique et libre qui se manifeste dans nos documents 
ait été une survivance ou un legs de 1 esprit amarnien. Il est vraisemblable que les 
artistes qui avaient travaillé sous Akhenaten avaient émigrés après la mort du roi, et 
on peut supposer qu’ils étaient venus s’installer dans cette région de la nécropole 
thébaine où ils auraient apporté ce genre d’esprit. D’autre part, on a vu que l’un de 
ces dessins (2 2 9 A) évoquait une fable d’Ésope à un tel point qu’il aurait pu lui 
servir d’illustration. Il est regrettable qu’on n’ait pu retrouver d’autres exemples de 
ce genre, nous aurions ainsi connu, sans aucun doute possible, une des raisons d’être 
de ces compositions sur ostraca. En effet, cet unique exemple est insuffisant pour 
prouver d’une façon formelle que ces dessins étaient inspirés par des fables d’animaux. 
Cependant l’apologue est si naturel à l’esprit oriental qu’il ne devait pas être ignoré 
des Égyptiens ( 2 ). Si les papyrus du Nouvel Empire ne nous ont conservé aucune fable, 

i‘> Un des seuls exemples antérieurs à nos dessins et qu’on puisse signaler est une scène gravée sur 
un cylindre acquis par le Musée de Bruxelles. M. Capart, quia publié et commenté ce document ( Comptes 
rendus de T Acad, des Inscriptions et Belles-Lettres, i 9 36, p. *3), le date de l’époque hyksôs. On y voit au 
milieu d’une succession désordonnée d’animaux et de signes hiéroglyphiques une petite scène comique : 
un âne assis par terre joue de la harpe devant un singe ( ? ) debout, dont la tète est ornée d une 

plume. 

P) Les Sumériens devaient avoir eux aussi leurs fables : une décoration de harpe trouvée dans les 
tombes royales d’Our pi outre des scènes où des animaux sont représentés dans des occupations humâmes, 
c’est ainsi qu’un chien porteur d’une table d’offrandes est suivi par un lion tenant une coupe et une 
amphore. Plus loin un animal joue de la harpe et un autre semble danser. M. Contenau se demande s il 
s’agit de fables ou de représentations satiriques comme en Égypte. Contenau, Manuel d’ Archéologie orientale , 
fil, p. 1 53 7 -i 538. Cet exemple et celui du cylindre hyksôs du Musée de Bruxelles (cf. Comptes rendus 
de l’Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres, i 9 36, p. 3o, fig. 5) montrent que ces mêmes motifs étaient 
répandus dans tout l’Orient à des dates extrêmement anciennes. 


80 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


c’est sans doute paxce que les Egyptiens se les transmettaient oralement de génération en 
génération. La basse époque, sur ce point, se montre plus généreuse : des papyrus démo- 
tiques relatent des contes qui mettent en scène des animaux G). Ces récits qui font parler 
et agir des lions, des souris et toutes sortes d’animaux, sont bien dans l’esprit des 
dessins satiriques et remontent certainement à une époque beaucoup plus ancienne * 2 L 

Les contes n’ont pas été les seuls à inspirer les artistes égyptiens : un ostracon 
conservé au Musée de Berlin est probablement l’illustration d’une de ces vieilles 

légendes religieuses où les dieux et les déesses sous 
forme d’animaux participent à des aventures terrestres. 
La légende, dont il est question ici, serait celle d’Ha- 
thor métamorphosée en chatte et qui, en grande 
colère contre Rë', se retire en Nubie* 3 ). On lui envoie, 

• r 

pour la calmer et la convaincre de rentrer en Egypte, 
le dieu Thot sous l’aspect d’un petit singe. L’éloquence 
de celui-ci calme la chatte, et le dieu réussit à la 
ramener dans la Vallée du Nil. L’ostracon représente 
le singe exerçant son éloquence devant la chatte 
courroucée (fig. 4i)W. 

Cet exemple, comme le précédent, confirme 1 hypo- 
thèse que beaucoup de ces dessins humoristiques ont 
puisé leur inspiration dans la littérature, les fables ou 
les légendes. Enfin, dans plusieurs de ces dessins, il est possible qu’on doive tenir 
compte de l’esprit moqueur et critique des Egyptiens, développé encore par l’in- 
fluence et le souvenir de l’époque amarnienne. 

N. — Les dessins groupés sous le titre : «Scènes de gynécées», peuvent compter 
parmi les plus charmants qui soient figurés sur les ostraca. Ils donnent des détails 

(1) Brugsch, Papyrus démotique, À. Z. (1878), p. 47. On doit signaler également à la Basse Époque un 
groupe en ronde-bosse de la même veine humoristique que les ostraca et les papyrus, c’est un combat 
de boxe entre un chacal et un chat arbitré par un coq qui domine la scène, A. Z. (1921), p. 87. 
Enfin on ne saurait passer sous silence un très curieux bas-relief de la XXV e dynastie, trouvé et publié 
par M. Bisson de la Roque ( Medamoud , 1980 p. 78-74, fig. 54 - 55 ), et sur lequel sont sculptées des 
scènes dont la parenté avec les ostràca satiriques est indéniable. On y voit une rate assise sur un 
siège très élevé respirant une fleur de lotus ; au pied de son fauteuil s’avance un chat, tandis qu’un 
renard, dans la pose bien connue du brasseur, plonge ses mains dans une grande amphore. Plus loin, 
un crocodile couché joue du luth accompagné par une harpiste qui se tient debout sur son dos. Sur un 
autre bloc, des animaux debout sur leurs pattes, semblent plumer une oie gisant sur une sellette. C’est 
le seul exemple que je connaisse d’une semblable scène décorant les parois d’un temple et, bien qu’il 
ne semble pas qu’il s’agisse d’un «mystère» comme le suggère M. Bisson de la Roque, on ne voit pas 
la raison qui motive une scène de ce genre dans un temple. 

(S) Roeder, Altâgyptische Erzàhlungen und Mârchen, p. 3 o2-3i4. 

Junker, Onurislegende, p. 162, VI (Leyde pap., I, 884 ). 

(4) Schafer, Aegyptische Zeichnungen . . .. abb. 6. 



OSTBAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


81 


sur la vie familière des dames de qualité dans la société égyptienne. Ces détails sont 
d’autant plus précieux qu’on ne les retrouve dans aucune tombe, sur aucun objet, a 
peine peut-on citer quelques rares stèles du Nouvel Empire sur lesquelles on voit des 
scènes vaguement apparentées à celles que nous étudions dans ce paragraphe 
D’autre part, il n’est pas impossible que des tableaux du même genre aient orné les 
parois des maisons d’habitation de Deir el-Medineh. Les fouilles, en effet, ont permis 
de reconnaître sur des parois, malheureusement presque entièrement détruites, des 
fragments de fresques décoratives reproduisant les sujets les plus variés. Générale- 
ment, ces compositions réunissent dans un tableau intime une scène de toilette et 
une scène reproduisant l’allaitement ou la naissance d’un enfant, mais plusieurs 
dessins représentent seulement des femmes à leur toilette. Sur l’un d’eux, par exemple 
(2336), une jeune femme assise sur une chaise tient une fleur de lotus dans sa main 
gauche et une coupe dans sa main droite qu’elle élève à la hauteur de son visage. 
Debout devant elle, une servante verse l’eau d’un petit vase dans la coupe tenue par 
sa maîtrésse. Derrière cette servante, se dresse une sellette sur laquelle sont posées 
trois grandes amphores. Sur un autre dessin (a 34 i), la servante apporte à la fois 
la coupe et le vase plein d’eau, et la femme est assise sur un lit. Une autre scène plus 
complète est aussi plus intéressante, quoique très effacée ( 2343 ). On y voit une femme 
vêtue d’une longue robe plissée et transparente comme celles que portent tous les 
personnages de ces scènes. Elle est assise sur un lit soutenu par des pieds en forme 
de dieu Bès, dont la silhouette est ici mal définie, mais qu’on remarque très nettement 
sur d’autres dessins ( 234 o, 2346 , 2347) * 2 >. Derrière cette jeune femme on aperçoit, 
bien que très effacée, la silhouette d’une servante qui la coiffe; devant elle, une autre 
servante lui tend une coupe contenant un de ces cônes de graisse parfumée qu’on 
voit à l’époque thébaine sur la tête des femmes et même à partir d’une certaine époque 
sur la tête des hommes; bien rangés sous le lit, on aperçoit l’étui à kohol, le pot à 
onguent et quelquefois le miroir (2337). Cette composition se retrouve avec la même 
disposition, à peu de chose près, sur plusieurs ostraca ou fragments d’ostraca ( 2335 , 
2346 , 2349). La scène de la coiffure a été parodiée, comme on l’a vu, par les 

(»> On peut citer des scènes de parures datant de l’Ancien Empire : Wreszinski, Atlas , I, 86 a ou du 
Moyen Empire : Wreszinski, op. cit., 85 0; Erman-Ranke, Aegypten, fig. 101, mais elles sont extrêmement 
rares. Il faut aussi signaler une scène semblable dans un modèle de barque de la XII* dynastie. Sur 
cette barque est un kiosque fermé dans lequel une femme est assise et regarde dans un miroir. Derrière 
elle, une servante lui apporte des instruments de toilette. Garstang, Burial Customs of ancient Egypt, 

p. 97. 

(«) Bès, on le sait, est une divinité tutélaire dont l’image grotesque se trouve sur de nombreux 
objets usuels : chevets, étuis à kohol, manches de miroirs, pieds de lits enfin; mêlé ainsi à la vie 
des «harems» il semble étendre' sa protection au sommeil aussi bien qu’à la beauté et aux menus faits 
de la vie quotidienne. On a retrouvé des images de Bès en bois découpé et colorié qui n’étaient 
autres que des pieds de lits exactement semblables à ceux qui sont représentés sur ces ostraca, cf. 
à ce sujet : M. Werbrouck, Bulletin des Musées royaux , n° 4 , juillet-août 1 9 3 9 (Bruxelles), p. 78-82, 
fig. 9-10. 


Documents de fouilles , t. It, 3. 


82 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


dessinateurs de cette époque, non seulement sur les ostraca, mais aussi sur le 
papyrus satirique du Musée du Caire W. 

Ce sujet est assez exceptionnel dans l’art égyptien, il a été étudié par M me Gauthier- 
Laurent < 1 2 ). L’auteur montre que ce thème n’apparaît dans l’art égyptien qu’à partir 
de la première période intermédiaire (X e -XI e dyn.). A l’époque qui nous intéresse, 
c’est-à-dire entre la XVIII e et la XX e dynastie, l’auteur a pu réunir plusieurs exemples 
de cette scène ; l’un des plus expressifs provient d’une tombe de Tell el-Amarna et un 
autre de Drah aboul’ Neggah. Une troisième scène, humoristique, celle-là, est peinte 
sur ostracon et provient certainement de Deir el-Medineh. En commentant l’ostracon 
2335, M me Gauthier-Laurent fait remarquer qu’il réunit deux thèmes différents : 
celui de la coiffure, la servante qui est derrière la dame, lui arrangeant les cheveux, 
et celui de la parure, l’autre servante lui apportant un cône destiné à huiler et à par- 
fumer les cheveux. Je pense que ces deux thèmes n’en forment qu’un seul au con- 
traire, puisque le cône était posé sur les cheveux une fois la coiffure terminée. S’il faut 
voir un second thème dans cette scène, c’est plutôt celui de la naissance ou de l’allai- 
tement. On remarque, en effet, que la femme, au lieu de tendre la main vers l’objet 
que lui apporte sa servante, tient les deux bras repliés contre elle, parce qu’ils sou- 
tiennent un nouveau-né dont on n’aperçoit plus, sur le dessin, qu’une partie du crâne. 
Ce détail apparenterait donc cette scène à celle des ostraca 233g et 2344, qui, eux, 
figurent nettement une scène de naissance. On peut par conséquent distinguer parmi 
ces «scènes de gynécées», le thème de la toilette (2336, 234 i, 2342[?], 2346, 
235 1 , 2352), celui de la coiffure (2335-2343-2358, 2377 ) et e nfi n celui de 
la «nursery» proprement dite ( 2337 , 2338, 2344, 2355, etc.), qui accompagne 
parfois, soit une scène de coiffure (2335, 234o), soit une scène de toilette ( 2339 ). 
On a vu que les lits, dans ces compositions, étaient presque tous soutenus par des 
pieds en forme de Bès, l’un d’eux (2338), qui fait exception à cette règle, est soutenu 
à chaque extrémité par trois fleurs de lotus ouvertes et superposées. Ces lits étaient 
généralement ornés sur leurs côtés d’une longue bande sinueuse et colorée en forme 
de serpent (234o-234i-2347-2348). On en a retrouvé plusieurs de ce modèle, 
précisément à Deir el-Medineh fi). Un des lits de Sennedjem, maintenant au Musée 
du Caire, est également décoré, de chaque côté, de serpents aux plis onduleux, dont 
les têtes se réunissaient au chevet. On peut faire la même remarque au sujet de petits 
objets en terre cuite coloriée, représentant la concubine du mort, couchée sur un lit 
bas et qui provenaient également de Deir el-Medineh. Dans ce dernier exemple, 
les têtes des serpents se rejoignent au-dessus de la tête de la femme couchée. 
Pourquoi choisissait-on cet animal pour orner les lits? Lui supposait-on, comme à Bès, 

(1) E. Brugsch-bey, A. Z., 35 (1897), p. i4o, pl. I et Moret, Histoire de la nation égyptienne , II, Égypte 
pharaonique , p. 543. 

Mélanges Maspero , Mém. de VL F. A. O., t. LXVI, p. 678. 

{3) Bruyère, Deir el-Medineh , ig3o, p. i3. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


83 


des qualités prophylactiques? L’hypothèse n’est pas invraisemblable et on sait qu au- 
jourd’hui dans les maisons arabes la présence d’un serpent est considérée comme un 
porte-bonheur. 

Parfois à côté de la concubine, on voit un enfant couché sur le matelas. La présence 
de cet enfant nous ramène à nos scènes de naissance. Soulignons une différence im- 
portante : sur nos ostraca la femme n’est jamais couchée et 1 enlant est assis sur ses 
genoux ou tenu dans ses bras comme nous l’avons déjà remarqué (2 335). 

Un de nos documents est d’une composition légèrement différente; il représente 
une fe mm e qui, assise sur un tabouret, allaite son enfant. Son attitude ne laisse aucun 
doute à ce sujet. Alors que dans les scènes précédentes 
les femmes étaient vêtues de longues tuniques plissées, 
celle-ci est nue, quoique son bras gauche semble être 
entouré d’un voile. Sa coiffure très volumineuse est 
particulièrement en désordre et retombe en lourdes 
mèches irrégulières de chaque côté de la tête. Une fillette 
également nue se tient debout devant elle et lui tend le 
miroir et l’étui à kohol. La coiffure de cette jeune ser- 
vante est, comme celle de sa maîtresse, très curieuse et 
consiste en une grosse mèche liée au sommet de la tête 
et retombant sur l’épaule. Cette scène se passe sous un 
petit kiosque soutenu par des colonnettes à chapitaux 
papyriformes, autour desquelles s enroulent des con- 
volvulus. Tous ces détads sont originaux et différencient 
ce petit tableau des autres ostraca du même sujet. Le 
dessin est raide et sommaire et la couleur sans charme ; 

l’ensemble est un peu étrange et morbide. Le geste de cette femme, ce geste éternel, 
qui évoque la pose des Isis allaitant l’enfant HorusW, n’est certes pas nouveau dans 
l’art égyptien; cependant la disposition de ce sujet se rencontre rarement < 2 ). C’est 
sur des stèles du Nouvel Empire qu’on retrouve des groupes formés a peu près de la 
même façon et où une femme est représentée nourrissant son enfant fi), ce sont des 
stèles de particuliers d’un modèle courant (fig. 42) fi). Ainsi, ces scènes, qu on ne 
rencontre pas sur les parois des monuments ni sur celles des habitations civiles connues, 



Fig. Ua, 


O) Erman, La religion des anciens Égyptiens (trad. H. Wild), p. 100, fig. 45. 

m Le thème du jeune roi allaité par une déesse n’est pas rare dans les décorations murales des temples 
(Cafart, Le temple de Ski I' r à Abydos, pl. XI, XIV), mais la disposition est tout autre que sur ces ostraca. 

(’> H faut signaler cependant que ce groupe ne se retrouve pas seulement sur des stèles mais aussi sur 
des monuments ; ainsi peut-on voir, sur un bas-relief, une femme qui, assise dans un bateau a voile 
mené par quatre marins, allaite son enfant (Bull. Metr. Mus. of Art [New York],£g. Exp., i 9 34-i 9 35, 

P '(‘) Bruyère! B. I. F. A. O., XXII, 1928, p. 126, fig. 3 ; Lacau, Stèles du Nouvel Empire, n* 34 o 79 , 

34117, 34i 25. 


84 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


figurent sur des stèles. Un ostracon conservé à Londres reproduit à peu près la 
composition de cette dernière peinture et provient également de Deir el-Medineh 
(fig. 43) M. L’ostracon le plus intéressant de cette série est, sans aucun doute, celui 
qui représente les réjouissances qui suivent la naissance d’un enfant (2 344). On y 
voit une femme assise sur un lit à pieds sculptés en forme de Bès, et serrant un petit 
enfant dans ses bras. Derrière ce groupe se tiennent quatre femmes debout, vêtues de 
longues robes transparentes. Elles battent des mains en cadence et chantent pour 
célébrer la naissance de l’enfant. Une guirlande de feuilles lancéolées, probablement 
des convolvulus, s’enroule élégamment autour du lit. Au-dessus de la tête du nouveau- 
né, on aperçoit un petit personnage qui se tient debout, un bras 
levé et qui est complètement colorié en noir, de sorte qu’il paraît 
être une ombre. C’est peut-être l’ombre du nouveau-né, son ka, 
qui se détache de son corps au moment où il commence à vivre et 
qui le « dédoublerait», en quelque sorte, pendant tout son séjour 
sur la terre pour se joindre de nouveau à lui après sa mort. Dans les 
scènes de naissances des grands temples , à Louxor ou à Deir el-Bahari ( 1 2 ) 
par exemple, on voit le Dieu Chnoum façonnant l’image de l’enfant 
royal et divin, en même temps que celle de son ka, et la reine ac- 
couche à la fois de l’enfant et de son ka. Moret fait remarquer que le 
roi était considéré comme d’origine divine et que c’était un privilège 
exclusivement royal que d’être accompagné dès sa naissance par son ka ( 3 ). Les simples 
particuliers avaient aussi leur ka, sinon pendant leur vie, ce qui restait un privilège 
royal, mais après leur mort. La scène de notre ostracon représente donc probablement 
une naissance royale. Les scènes de ce genre sont extrêmement rares; on n’en connaît 
aucune dans les monuments religieux ou funéraires en dehors de celles qui ont été 
mentionnées dans les temples de la région thébaine. 

Une autre composition très originale et unique dans son genre est celle qui figure 
une femme étendue sur un lit, la tête appuyée sur son bras replié. Sous le lit on voit 
le miroir, l’étui à kohol et une corbeille contenant deux objets coniformes, probable- 
ment des cônes de graisse parfumée. Cette femme est vêtue d’une robe longue extrê- 
mement transparente. Un dais en forme de fronton surmonte le lit. Il est évident que 
ce sujet ne se rattache en rien aux sujets précédents. Cette femme est-elle seulement 
une dormeuse? ou bien le dessinateur s’est-il amusé à représenter, dans cette toilette 
légère, une courtisane? On serait tenté de le croire en regardant les détails de ce des- 
sin : ce lit d’apparat, cette femme parée de bracelets et de fleurs sur le front et 

(1) Birch, Inscriptions in hieratic characters, pl. VI, n° 85 o 6 et Bruyère, B. I. F. A. O XXII, 1928, 
p. 124 , fig. 2; Muller, Mitt. Kairo, IV (1988), pl. 80. 

(2) Gayet, Le temple de Louxor , i er fasc., pl. LXXI dans Mém, de la Miss, Caire 1, t. XV, fasc. i er ; Naville, 
Deir el-Bahari , II, pl. XLVIII. 

(3) Moret, Le Nil, p. 861, n. 1. 



OSTRAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


85 


couchée dans cette pose alanguie. Peut-être y a-t-il aussi quelque analogie entre cette 
représentation et les petites figurines de terre cuite, images de la concubine du mort, 
étendue sur le lit et dont on a retrouvé, comme nous l’avons vu, un si grand nombre 
à Deir el-Medineh W. 

Nous avons souvent remarqué que les sujets qui décorent nos ostraca ne se retrou- 
vaient généralement pas dans les tombes de la région thébaine. Le thème du harem 
ne s’y trouve pas davantage. Cependant certains indices nous permettent d’affirmer 
que les maisons d’habitation aussi bien à Deir el-Medineh que dans d’autres villages 
(à Tell el-Amarna, par exemple) étaient souvent décorées de fresques et que celles-ci 
reproduisaient certains des sujets figurés sur nos ostraca. Ces fresques sont presque 
totalement détruites aujourd’hui, cependant il en reste quelques fragments qui ont 
été mis au jour au cours des fouilles, telle cette danseuse jouant ‘de la flûte W et ce 
fragment d’une grande fresque qui représentait, dans la mesure où l’état fragmen- 
taire du tableau permet d’en juger, une scène analogue à celle que nous venons d’é- 
tudier ( 3 h 

Sur les scènes qui figurent des femmes allaitant leur enfant, la composition de la 
scène et la disposition des acteurs s’écartent un peu de celles des ostraca, mais il 
est évident que l’inspiration était la même. 

Enfin les fresques civiles, si on én juge d’après celle qui a été retrouvée par 
M. Bruyère, se rapprochaient davantage des scènes figurées sur les ostraca. Quoi 
qu’il en soit, ces tableaux charmants et pleins de vie, riches en détails sur les cou- 
tumes et les occupations des femmes dans les harems, nous renseignent sur la vie* 
et l’esprit de la société de cette époque et de cette région, mieux peut-être que ne 
le peuvent faire les textes et les grandes fresques religieuses et officielles de la Vallée 
des Rois ou même des tombes civiles. 

O. — Certaines des tombes civiles qu’on vient d’évoquer nous offrent cependant 
des scènes variées et charmantes et un des thèmes les plus séduisants qu’on relève 
fréquemment, dans les tombes de la XVIII e dynastie particulièrement, est celui des 
musiciennes et des danseuses qui accompagnaient, soit les funérailles, soit le repas 
funéraire. Naturellement les ostraca reproduisent quelques figures inspirées de ces 
scènes gracieuses; quoique souvent fragmentaires et peu nombreuses, ces silhouettes 
sont intéressantes et pleines de charme. Ces dessins sont réunis ici sur la planche LV, 
auxquels il faut ajouter le très joli fragment 2390 de la planche LXIII, ainsi que les 
danseuses et les danseurs des planches LVI et LVIII (2 4o3). Le dessin le plus inté- 
ressant, sur le plan artistique, bien que malheureusement incomplet, figure le 
haut du corps d’une musicienne dont le torse nu est légèrement incliné vers la droite. 

(1) Bruyère, Deir el-Medineh, 1984 - 1935 , fig. 58 - 59 , P* * 89 - 1 4 a. 

W Revue d’Égyptologie (1988), t. III, p. 27, pl. III. 

Bruyère, B . I. F. A. O., XXII, 1928, p. 121, 


86 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


La tête dont le visage manque est tournée du même côté. Elle tient une sorte de luth 
et porte sa main gauche à son oreille. Une lourde chevelure frisée tombe sur les 
épaules et les encadre. Ce fragment est d’un dessin si ferme et si élégant, la composi- 
tion en est si originale qu’il pourrait passer pour une œuvre moderne. La couleur 
rose du luth égaye l’ensemble d’une note vibrante et souligne encore, avec le noir 
profond de la chevelure, le modernisme de cette œuvre. On regrette d’autant plus 
qüe cette pièce soit aussi fragmentaire et que le visage, en particulier, soit perdu. Il 
est certain que le peintre, .qui a pu tracer ces lignes d’un pinceau si ferme et composer 
cette pose harmonieuse, est plus qu’un artisan campagnard, c’était un véritable ar- 
tiste plein de dons et en complète possession de son métier. Plusieurs pièces, parmi 
ces ostraca, s’élèvent visiblement au-dessus du niveau ordinaire et sont dues certai- 
nement à des maîtres et à des artistes beaucoup plus doués que les dessinateurs ordi- 
naires dont les esquisses, pour intéressantes et pittoresques qu’elles soient, sont 
cependant d’un art très nettement inférieur. 

Une très jolie figure, d’un aspect moins original que la première, mais d’un dessin 
extrêmement adroit, souple et gracieux, est celle de la joueuse de luth agenouillée 
(2391), dont le visage et les épaides sont encadrés par de longs cheveux frisés. 
Elle tient un plectre dans la main droite et soutient de l’autre main le manche de son 
luth. La boîte sonore du luth a été omise par le dessinateur, soit volontairement pour 
être plus libre de dessiner le torse, soit par maladresse, mais je crois la première hy- 
pothèse plus plausible, car le dessin n’est pas celui d’un artiste maladroit, bien au 
contraire; les lignes sont fermes et élégantes et on peut rapprocher cette figure de 
celle qui, dans la même pose de joueuse de luth, est gravée sur une boîte de toilette „ 
cylindrique en bois, conservée à Berlin lû. Nous retrouvons sur un autre ostracon une 
silhouette de joueuse de luth, mais celle-ci est debout et d’un dessin un peu raide et mal 
proportionné, la tête étant un peu forte pour les jambes (2892). Un texte hiératique 
d’une signification assez obscure occupe le bas de cette pierre. Il est composé de 
trois phrases courtes qui semblent n’avoir aucun rapport entre elles : « De la viande de 
bœuf. Des branches (?) d’acacia. Des chanteurs et des chanteuses agréablement oints. » 
Faut-il voir dans cette énumération de choses disparates des paroles que réciterait 
la musicienne? Cela semble, au premier abord, assez invraisemblable. Cependant si 
on i ma gine qu’elle chante les charmes d’un banquet (où toujours figuraient des chan- 
teuses et des danseuses), on conçoit qu’elle énumère, ce -qui fait l’attrait du banquet 
dans lequel elle a un rôle à jouer : les mets qui paraissent sur la table, les plantes qui 
l’ornent, les chanteurs et les chanteuses parfumés qui charment de leurs harmonies 
les oreilles des convives. Si fantaisiste que paraisse cette hypothèse, elle est cependant 
très tentante, car le texte tourné dans le même sens que la figure semble bien l’ac- 
compagner; on remarquera aussi le soin qu’a pris l’artiste de ne pas déborder sur 

Steindorff, Die Blütezeit, fig. 1 kk ; Davies, The tomh of two sculptors at Thehes, p] . XXVIII et Paintings 
from the tomh of Rekh-Mi-Rë ' ai Thebes, pi. XXVI. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


87 


la figure. Ces lignes auraient donc été écrites au moment même où fut dessinée cette 
silhouette et elles auraient été destinées à l’accompagner. 

D’autres musiciennes sont représentées jouant de la grande harpe (2895-2896- 
2897), mais ces dessins sont malheureusement très fragmentaires ou effacés. La 
harpe et le luth étaient, avec la flûte simple ou double et la guitare, les instruments 
de musique les plus fréquemment représentés dans les scènes profanes, tandis 
que dans les scènes religieuses on remarque les sistres, les cymbales et les 
castagnettes. 

Il y avait différentes formes de harpes; celle que représente notre ostracon 2896 
est une grande harpe posée sur le sol et dont la caisse de résonance est longue et ver- 
ticale ; la partie supériçure, courbée, supporte les clefs de deux coiffeurs alternées cor- 
respondant aux tons et aux demi-tons des cordes. Un autre instrument très fréquent 
était la harpe trigone courte de forme et portée dans les bras. La caisse de résonance 
formait un angle droit aux deux branches duquel étaient tendues les cordes. Le luth 
ou la guitare comportait une boîte de résonance ovale sur laquelle était tendue une 
peau. Les cordes étaient soulevées au moyen d’une petite pièce indépendante posée 
sur la boîte, un petit plectre de bois servait à faire vibrer les cordes ô). Un iûstrument 
de ce genre retrouvé au cours dçs fouilles de Deir el-Medineh M, dans une tombe de 
la XVIII e dynastie, est fait d’une carapace de tortue sur la partie plate de laquelle 
était tendue une peau teinte en rose, d’une coiffeur qui rappelle exactement celle de 
la guitare de l’ ostracon. 

Deux autres dessins figurent des joueuses de flûte (2898-2899). L’une des musi- 
ciennes semble, tout en jouant de la double flûte, esquisser un pas de danse ; elle est 
vêtue d’une longue robe plissée transparente et ses longs cheveux, retenus autour 
de la tête par un bandeau, tombent sur ses épaules. Elle se tient devant un autel 
supportant une grande vasque remplie de fruits et de végétaux. L’autre joueuse de 
flûte est également une danseuse qui exécute un pas de danse dans un mouvement 
vif et plein d’envol. Ses voiles, déplacés par la rapidité de ses gestes, s’enroulent au- 
tour de son corps et flottent derrière elle. Le mouvement est vivant et assez peu ha- 
bituel. D’autres fragments proviennent également de silhouettes semblables ( 2 h o o- 
2Ûo 1-2/102). C’est à tort qu’on a rangé parmi ces ostraca Je fragment d’une poterie 
sur laquelle est dessinée une double frise de danseurs simplement esquissés. Cette 
scène devait décorer une grosse amphore de terre cuite (2Ûo3). Les personnages des- 
sinés de façon très schématique sont cependant très vivants et très expressifs. 

Ce si séduisant thème, des danseuses et des musiciennes est extrêmement fréquent 
dans les tombes de la XVIII e dynastie, soit que ces danseuses figurent dans les 
banquets funéraires, soit qu elles fassent partie du cortège dans les cérémonies de 

Sachs, der alte Orient , 1930, 3 / 4 , Musikinstrumente, p. 1 5 ; Loret, Les flûtes égyptiennes antiques 
( Journ . asiatique , 1889, 8 e série, t. i 4 ), p. 11 1-1 42 , 197-287. 

Bruyère, Deir el-Medineh, 1 934-1 935 (Le Caire 1987), p. 116, fig. 61. 


1 2 . 



88 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


l’enterrement (*). D’autres part quelques stèles funéraires! 2 ), ainsi que des petits objets 
tels que des boîtes de toilette, des manches de cuillers à fards, sont décorés de figures 
de danseuses. Mais ce sujet fut certainement en honneur au Nouvel Empire pour orner 
les maisons puisqu’on a retrouvé, au cours des fouilles de Deir el-Medineh, sur la 
paroi d’une chambre, dans une maison de village, une très intéressante peinture re- 
présentant une danseuse nue jouant de la double flûte ( 3 ). 

La danse et la musique figurent à toutes les époques parmi les passe-temps fa- 
voris des Egyptiens. Déjà dans les tombes de l’Ancien Empire, on trouve des dan- 
seurs et des musiciens, sans parler des acrobates qui exécutent de savants mouve- 
ments d’assouplissement. On connaît le magnifique ostracon provenant de Deir 
el-Medineh, figurant une danseuse acrobatique faisant le «pont» et connu sous le 
nom de «Ballerine du Musée de Turin»! 4 ). Ce dessin hardi et souple peut certai- 
nement être classé parmi les plus beaux et les plus intéressants de ces fragments de 
calcaire. 

P. — Les scènes d’adoration et les personnages provenant de ces scènes n’offrent 
ni la même originalité ni le même charme que les précédentes. La composition et les 
gestes sont si connus et si souvent répétés sur les parois des hypogées et des temples 
à toutes les époques, que les esquisses inspirées de ces scènes ne provoquent plus 
aucune surprise. A Deir el-Medineh les tombes et les chapelles de la XIX e dynastie 
principalement, ont leurs parois recouvertes de peintures figurant de nombreuses 
scènes religieuses ou d’adoration. Tantôt, le possesseur de la tombe qui reçoit l’hom- 
mage des membres de sa famille ou de ses enfants qui déposent devant lui des monceaux 
de victuailles ou de fruits 'et des guirlandes de fleurs. Tantôt, c’est le mort lui-même 
qui est représenté en adoration devant les dieux ou le roi divinisé. Les esquisses de 
ce genre, figurant sur les ostraca, sont, en quelque sorte, comme la monnaie de ces 
grandes scènes. On y retrouve des personnages dans les mêmes positions que ceux 
qui jouent leur rôle dans les décorations murales. Les attitudes sont presque toujours 
semblables : ce sont celles du fidèle, les deux bras levés dans le geste rituel de l’ado- 
ration; il est tantôt debout, tantôt incliné, un genou en terre. Ce sont des prêtres au 
crâne rasé, vêtus de longues robes ou de peaux de panthères ou encore de simples 
particuliers portant, selon la mode de la XVIII e dynastie, d’amples tuniques plissées, 
ornées de franges. Leurs lourdes perruques sont surmontées du cône de graisse par- 
fumée et sont souvent fleuries, chez les femmes, d’un calice de lotus ouvert, tombant 
sur le front. 

Wreszinski, I, ioa , 3 $ a, 419; Brunner-Tràut, Der Tanz im alten Aegypten ( Agyptologische 
Forsckungen, Heft 6 ), p. 61. Capart, U Art égyptien , Choix de documents , Les arts graphiques, pl. 58 g. 

Ledrain, Les Monuments de la Bibliothèque nationale, pl. LV, n° 29. 

Revue d’Égyptologie 1988, t. III, pl. III. 

(4) Brunner-Traut, op. cit p. 5i, fig. 2 5. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


89 


Il n’y a pas de dissemblance marquante entre la plupart des personnages ou des 
fragments de personnages esquissés sur les ostraca de cette série et les figures classiques 
que nous venons d’évoquer. On remarque, parmi ces dessins, celui d’un personnage 
à genoux (2A06), tenant devant lui un bloc, peut-être un naos, devant lequel est 
placée la figure d’un roi debout . Ce croquis semble avoir été fait d’après une statue 
naophore, ou d’après un groupe figurant la statue d’un dieu protégeant un roi. Ce 
dessin pourrait être aussi un projet en vue de l’érection d’une statue. Il serait inté- 
ressant de savoir si les sculpteurs égyptiens cherchaient d’abord la composition de 
leurs œuvres en esquissant un dessin ou s’ils travaillaient à même la pierre, en taille 
directe, sans esquisse préétablie! 1 ). Un dessin assez effacé figure un orant (2407), 
un prêtre, sans doute, incliné devant des personnages juchés sur des pavois. Une 
ligne de texte nous renseigne sur l’identité de cet "homme : un « Serviteur dans la 
Place de Vérité» s’appelant : Méry (?) ( 2 ). 

Une scène plus intéressante, mais malheureusement assez détériorée ( 24 oA), re- 
présente une femme faisant ses dévotions à Hathor. Elle est agenouillée, les bras levés, 
et la déesse est assise sur un trône tenant Yankh dans une main ; elle est coiffée d un 
disque solaire, enserré entre les deux cornes de vache. Entre ces deux figures, se dresse 
une table d’offrandes, chargée, entre autres, d’offrandes végétales. Un texte très 
mutilé occupe la place derrière l’orante et nous donne son nom. Elle est appelée : 
la dame « nb-ij-tj, ^ J u ,] » » ■ 

Un dessin d’un très vilain style, dû sans doute à un débutant (2Ûo8), représente 
un orant devant la déesse-serpent Meresger. Celle-ci, qui n’est probablement qu’une 
forme locale d’Isis ! 4 ), avait, à Deir el-Medineh, un temple et un culte particuliers ( 5 ). 
La déesse est dressée sur les anneaux lovés de sa queue, et sa tête est surmontée de 
la haute coiffure à doubles plumes, habituelle aux déesses ; devant elle, se tient 1 orant 
debout, très mal dessiné et mal proportionné. On verra plus loin plusieurs représen- 
tations de cette déesse-serpent si familière à Deir el-Medineh, mais ces représentations 
sont plutôt des ex-voto que des ostraca proprement dits. 

Quelques fragments de cette série (2429-243 1 - 2433 ), sur lesquels on aperçoit 
une partie d’un personnage assis, proviennent de scènes d’offrandes classiques dans 
lesquelles le mort est assis devant une table d’offrandes que sa famille vient de garnir 
de toutes sortes de victuailles; sur un de ces fragments, on voit, détail fréquent dans 
les tombes depuis la fin de l’Ancien Empire, le chien du mort, couché sous sa chaise. 

(') Anthes, Mitteilungen Kairo, 10, heft 3, p. 79, taf. 17, 18, 19 ; cf. aussi dans Chronique d’Égypte , 
juillet 1 938, p. 330, l’article de M m * Bille de Mot, Comment les Égyptiens faisaient leurs statues. 

P) Bruyère, Deir el-Medineh, ig 33 -ig 34 , p. 1A1, fig. 66; Ranke, Personennamen, 190, 7. 

(*) Ce nom signifiait sans doute : la dorée (Hathor) vient (N bit ij.tj). Un cercueil marqué à ce nom a été 
trouvé au cours des fouilles de Deir el-Medineh, cf. Bruyère, Deir el-Medineh, 1 9 3 h - 1 g 3 (Caire 1987), 
p. 187. 

Erman, Religion (trad. H. Wild), p. 177. 

( s ) Bruyère, Mert-Seger à Deir el-Medineh ( Mém . de l’I. F. A . 0 ., t. LA III, 3 9 3 o ) . 


90 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Parfois, à la place du chien, se tient un singe ou même (mais pas avant le Nouvel Em- 
pire) un chat, et il semble que les animaux favoris du défunt aient été intentionnelle- 
ment associés à cés scènes funéraires. 

Q. — A la suite de ces compositions si classiques et d’un genre si courant, on relève 
quelques thèmes plus rares, dont on n’a ici qu’un seul exemplaire. Chaque dessin 
montre une scène ou un personnage différent. Parmi ces représentations souvent 
assez curieuses et difficiles à expliquer, il faut signaler un dessin figurant un homme 
à moitié agenouillé, une main devant son visage et l’autre étendue vers une sauterelle 
d’une taille énorme en proportion de celle du personnage (24/16). Cet insecte, admi- 
rablement dessiné ici, est quelquefois représenté dans les tombes thébaines; 
nous l’avons déjà signalé en rappelant l’article de Keimer, qui a étudié tout spécia- 
lement cet insecte à propos des pendeloques de colliers (h. L’auteur y relève une grande 
quantité de représentations de sauterelles, ce qui permet de supposer que cet animal 
jouait un rôle dans les croyances religieuses des anciens Egyptiens. Cela ne nous auto- 
rise pas, cependant, à interpréter notre ostracon comme une scène d’adoration ou 
d’incantation à une déesse sauterelle. Le jeune garçon est représenté dans une attitude 
active : il fait un mouvement en avant vers la sauterelle en tenant dans sa main une 
longue tige qui paraît se terminer par un cercle ; on pourrait, à la rigueur, y voir un 
fdet à papillons. Tous ces détails sont trop imprécis pour qu’on puisse en tirer une 
conclusion valable. D’ailleurs la disproportion que nous avons signalée entre le per- 
sonnage et l’insecte ferait plutôt supposer que les deux figures sont indépendantes 
l’une de l’autre et n’ont pas été dessinées en même temps. Quoi qu’il en soit, ce 
dessin est original et d’un tracé vivant et élégant. 

On ne saurait en dire autant d’une autre composition, qui cependant ne manque 
pas de caractère (2247). Elle est certainement l’œuvre d’un ignorant ou d’un débu- 
tant, qui, bien qu’inhabile, possédait d’évidentes qualités de franchise et d’énergie. 
On voit une femme se penchant vers une fillette tournée vers elle, tandis que derrière 
elle s’avance une autre petite fdle. Cette scène paraît être l’exercice d’un élève qui se. 
serait appliqué à reproduire de mémoire une représentation vue dans une tombe. 
En effet, on ne peut s’empêcher de penser, devant ce maladroit essai, au défilé d’es- 
claves syriens de la tombe de RekhmirëL Des femmes y sont vêtues de longues robes 
enroulées en spirales et bordées de galons ; or la femme de l’ostracon est vêtue d’une 
robe qui semble s’inspirer maladroitement de ce modèle. On peut également expliquer 
la présence de la tête d’enfant qui apparaît isolée au milieu du buste de la femme, 
comme le souvenir mal interprété de l’esclave qui, dans la tombe de Rekhmirë', porte 
dans ses bras un enfant dont le corps est caché dans la robe de telle façon que seule 
la tête apparaît (fig. 44 ) W. Ce n’est pas la seule tombe thébaine où l’on trouve des 

(1 > Keimer dans les Annales du Service des Antiquités d’Égypte, t. XXXIII, p. 97. 

Bulletin of lhe Metrop. Mus. of Art (New York), Eg. Exp. 1927-1928, p. Ai, fig. 2. 


9t 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

défilés de ce genre, citons, entre autres, celle de Sebekhotep t 1 ) et celle d’Amenemhat M ; 
on y voit des Syriens portant des jupes formées de bandes enroulées, bordées de galons. 
L’un des personnages tient un enfant par la main, d’une façon raide, qui rappelle 
le style primitif de notre ostracon , auquel nous revenons après cette courte digression. 
Parmi les détails étranges, on remarque les coiffures formées de longues mèches tom- 
bantes. Celle de la petite fille, en particulier, dont le crâne est complètement rasé, 
à l’exception de quatre mèches frisées tombant les unes sur la nuque, les autres sur 
le visage, est assez originale. Les hiéroglyphes qui sont disséminés au milieu de cette 
scène semblent être aussi fantaisistes que le dessin. Au-dessus de la petite 
fille, les signes : raan^j, donnent probablement son nom, qu’il faut 
lire : htp-nb(w), ou encore : Nbt hlp.tj («Hathor est satisfaite»)! 3 ). 

D’autres signes devant la femme sont tournés, le premier dans le 
même sens qu’elle, et les autres dans le sens inverse et il est bien 
difficile de préciser leur signification. Enfin, l’autre ligne verticale 
indique le nom de l’enfant : sa fille Nefer-Noub W, ou : Nb-nfr.t(j) 

« Hathor est belle». 

D’autres dessins sont heureusement d’un style moins rude et moins 
primitif que celui-ci. Une des esquisses les mieux venues parmi ces 
scènes rares est celle qui figure un duel au bâton entre deux soldats F %- kh - 

( 2448 ). Lorsque cet ostracon fut publié dans ce catalogue il était le 
seul que nous connussions représentant un tel sujet. Depuis cette époque un très joli 
ostracon figurant une scène semblable m’a été communiqué et a fait l’objet d’une 
étude spéciale ( 5) . Nous nous contenterons donc, pour le commentaire de cette scène, 
de résumer l’essentiel de cet article. 

Cette parade de duel au bâton est connue par plusieurs scènes qui décorent les 
parois des temples ou des tombeaux du Nouvel Empjre et qui ont été publiées par 
Wilson W. L’une d’elles se trouve au temple de Médinet Habou. Deux couples de 
soldats se livrent à ce jeu sportif, au cours d’une fête à laquelle assiste lé Pharaon. 
A Tell el-Amarna, une autre scène se déroule devant le roi, au-milieu d’une foule où 
se mêlent lutteurs et boxeurs. Ici, les deux combattants n’ont- pas encore commencé 
leur joute et ils font un geste de salut vers le Roi. Enfin la troisième scène, qui décore 
les parois d’une tombe de DralY Ab ou!’ Neggah, montre les combattants en pleine 
action brandissant leurs bâtons au-dessus de leurs têtes. Les deux ostraca viennent 
donc, avec quelques variantes de détails, compléter cette série de combats de parade. 

Wreszinski, Atlas, I, pl. 56 a. 

W Id., ibid., pl. h a, 

Ranke, Personennamen , p. 192, 1 etp. 268, 19. 

W Id., ibid., p. 191, 1 3 et p. 197, 5 . 

( 5 Î Deux nouveaux ostraca figurés de Deir el-Medinek , Annales du Service des Antiquités, t. XL, 19^0, 
p. 45 7 , pl. XLIII. 

m 3 ■ É- A -> *7 (» 98 l), P- 211. 



92 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


Celui qui est reproduit à la planche LXII de ce catalogue figure deux soldats, casqués 
et vêtus du pagne triangulaire habituel aux soldats. Ils brandissent tous deux leurs 
armes, mais tandis que l’un se protège au moyen d’un bouclier fixé à son avant-bras 
gauche, l’autre tient dans sa main gauche un second bâton. On retrouve le même 
usage sur notre second ostracon : les combattants sont tous les deux dépourvus de 
boucliers et tiennent un bâton dans chaque main, l’un pour porter les coups, l’autre 
pour les parer. Ce bâton est désigné dans plusieurs textes sous le nom de : — ifed'h 
Ce nom étant également celui du genévrier, on en déduit tout naturellement que le 
bois de cet arbre servait à fabriquer les bâtons ' wnt . Leur bout était garni de fer, ce 
qui en faisait une arme redoutable; une sorte de boucle de cuir fixée à la poignée 
et qui servait à passer la main était quelquefois remplacée par un petit éperon de 
bois fixé à 10 ou 1 5 centimètres de l’extrémité supérieure et destiné sans doute à 
arrêter la main. 

Un quatrième exemple de cette scène si vivante se retrouve sur le papyrus satirique 
du Musée de Turin, mais traité en caricature. En effet dans ce papyrus dont nous 
avons déjà eu l’occasion de parler, on remarque un chat et un rat, debout sur leurs 
pattes postérieures, qui combattent en tenant un bâton. Ils croisent leurs armes au- 
dessus de leurs têtes dans un geste qui semble plutôt une parade qu’un duel et qui 
est peut-être celui de l’engagement ( 2 ). 

Ces combats, d’après les textes qui, à Médinet-Habou et à Drah Aboul’ Neggah, 
accompagnent des représentations, semblent avoir un caractère symbolique (*). Les 
duellistes incarnent, en effet, les uns les Egyptiens, les autres, les étrangers syriens 
leurs ennemis; ceux-ci, au terme de la lutte, doivent fatalement être vaincus. Ainsi 
étaient prouvées la supériorité du soldat égyptien sur ses ennemis et aussi la gloire 
et la puissance du Pharaon. Ces parades avaient généralement lieu en présence du 
Pharaon au cours des fêtes religieuses, comme à Drah AbouU Neggah ou des fêtes 
civiles ou militaires, comme à Médinet-llabou et à Tell el-Amarna. 

Ce jeu du duel au bâton s’est conservé en Egypte dans les fêtes religieuses, non 
seulement jusqu’à une époque assez tardive, puisque Hérodote le mentionne en dé- 
crivant les fêtes de Paprémis W, mais encore jusqu’à nos jours; en effet, on peut voir, 
encore dans les villages, au cours de certaines fêtes, de ces joutes dont parlent quelques 
voyageurs anciens (5) . Les combattants se servent du nabbut, gros bâton fort lourd que 
possède chaque fellah, et font, avec cette arme, des moulinets et des parades étudiées, 
soumises à des règles. II est intéressant de constater que la tradition a conservé, jusque 
dans l’Egypte moderne, cé jeu de l’Egypte pharaonique. 

Anastasi, I, XIX, 3 , IV, XVIII, 3 . Papyrus Mallet, I, 7. Papyrus Harris, 5 oo, 2, h. 

W Ollivier-Beauregard, La Caricature égyptienne , pl. 23 . 

(3) Wilson, J. E . A., ig 3 i,.p. 212, textes i- 3 . 

(4} tlÈRODOTE, Histoires p. 109 (éd. G. Budé), 63 II. 

Niebijhr, Voyage en Arabie et en d’autres pays circumvoisim, t. I (1776), tab. XXV, B, p. 4. 3 7 • 


93 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

Un autre ostracon nous offre un sujet, certes moins original, mais d’une jolie qua- 
lité de dessin. Tout à fait dans le style de la XIX e dynastie, il représente un homme 
allongeant la main vers une figue de sycomore (2 44 g). On sait combien ce fruit était 
apprécié des anciens Egyptiens qui en déposaient toujours dans leurs tombeaux. On 
voit aussi sur les tables d’offrandes, représentées sur les parois des monuments fu- 
néraires, des pyramides de ces fruits, qui apportent leur note colorée et décorative 
à l’ordonnance des victuailles entassées devant le mort. Les figues de sycomores sont 
plus petites que les véritables figues et reconnaissables à l’entaille pratiquée sur leur 
panse, pendant la croissance pour faciliter leur maturité. Keimer a étudié d’une fa- 
çon détaillée et pertinente cette particularité de la culture des figues de sycomore W. 
Ce fragment de dessin devait faire partie d’une composition représentant le mort de- 
vant une table d’offrandes, on ne peut que regretter que ce joli dessin ait été mutilé. 

D’autres fragments plus petits rappellent certaines scènes que nous avons déjà 
vues ( 245 o- 2452 ). Ce sont sans doute des conducteurs de bœufs ou de singes, 
mais ils sont trop fragmentaires pour qu’on puisse déterminer avec certitude à quelle 
catégorie ils appartiennent. L’un d’eux, cependant, est plus original et représente 
sans doute une danseuse (2 45 1). C’est une femme nue parée de bracelets et de col- 
liers et tenant à bout de bras dans sa main gauche un objet, trop effacé maintenant 
pour qu’on puisse l’identifier. Ce petit croquis, sans grande importance, est un bon 
exemple cependant de l’intérêt de ces ostraca : en effet, ce dessin libre, cette pose 
animée et peu courante dans les scènes habituelles de l’iconographie égyptienne, 
montrent combien les scribes se sentaient plus libres et affranchis quand il s’agissait 
de dessiner sur de simples morceaux de calcaire. Une petite esquisse ( 2453 ), qui 
devait être très intéressante, est malheureusement plus fragmentaire encore et d’une 
indication encore plus sommaire que les dessins précédents. On y voit deux fusaïoles 
suspendues à un fil qui passe dans un anneau attaché à une barre horizontale. 
Un personnage, dont seuls les mains et l’extrémité d’un pied subsistent, tenait 
l’extrémité inférieure du fuseau, sur lequel s’enroulait le fil, à la laveur d’un 
mouvement de rotation (2) . Ce fil sortait d’une coupe, assez effacée sur ce dessin. Cette 
coupe, dont plusieurs exemplaires ont été retrouvés dans les fouilles de Deir el-Me- 
dineh, était un mouilloir. M. Nagel, dans son étude sur la céramique de Deir el-Me- 
dineh M a très bien identifié ces mouilloirs et précisé leur emploi. Ces scènes de fi- 
lage et de tissage devaient être extrêmement fréquentes dans l’ancienne Egypte où 
cette industrie était si développée. Au Moyen Empire, des modèles bien détaillés W 
nous font entrer au centre même de ces ateliers de tissage; d’autres représentations 

Keimer, Sprachliches und Sachliches zu carcd « Fruckt der Sykomore» dans « Acta Orientalia », VI, 
p. 288 à 3 oA. 

W Mac kay, Ancient Egypt, 1921, p. 9 7 . 

W Nagel, La céramique du Nouvel Empire à Detr el-Medineh, p. i 83 à 188. 

W Gomme celui de Meketrë c trouvé par Winlock. 


94 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


sur les parois des tombes sont assez nombreuses, l’une d’elles, particulièrement inté- 
ressante (>), provient d’une tombe de Thèbes (fig. 4 5 ). Cette scène reconstituée par 
Davies semble avoir servi de modèle à la scène dont faisait partie notre fragment, ce 
qui nous permet de l’expliquer. La femme accroupie semble avoir été dessinée de mé- 
moire d’après cette scène. La position des pieds et des mains est absolument iden- 
tique. Les anneaux attachés à une poutre horizontale et les deux fils s’enroulant sur 
les fusaïoles sont également disposés de la même façon. Cette femme tordait donc 
le fil et l’enroulait sur le fuseau afin qu’il puisse être utilisé dans le tissage. 
Ce fragment, qui rappelle de si près une scène connue,, est, comme nous l’avons fait 

remarquer, très vraisemblablement un dessin de 
mémoire, inspiré par le tableau vu dans cette tombe 
ou dans une autre semblable ( 2 >. 

Parmi les fragments qui complètent ce chapitre 
de sujets variés, il faut signaler le dessin élégant 
d’une esquisse de pied (2457), une belle sandale 
à pointe retroussée et une curieuse guêtre en filet 
qui entoure le bas d’une jambe ( 2458 ). Enfin 
une scène, qui semble être une pêche au filet 
( 2465 ), autant qu’on en puisse juger sur ce dessin 
extrêmement effacé, se déroule sur un fond de fourré 
de papyrus. Trois hommes font le mouvement de 
tirer la corde qui doit resserrer le filet. Le sujet est 
intéressant et bien connu dans le répertoire iconographique des tombes, malheureu- 
sement le mauvais état de ce fragment ne nous permet ni de l’étudier ni de le juger. 

Nous retiendrons aussi comme digne d’être signalé à l’attention l’ostracon 246 o, 
qui nous offre un détail intéressant : il est signé ; son auteur est le peintre Rë'-Hotep 
ou Pa-Rë'-Hotep . Son petit croquis de personnage, sur ce fragment, est assez effacé et 
ne présente aucun caractère particulier ; s’il n’avait que cette œuvre à son actif le peintre 
Rè'-Hotep mériterait d’être oublié. Heureusement pour lui le hasard a permis de lui 
attribuer plusieurs autres peintures plus intéressantes. Ce sont tout d’abord des es- 
quisses murales au trait noir, parmi lesquelles on reconnaît une figure d’Aménophis I, 
trouvées dans la maison appartenant à cet artiste Puis quelques-uns des plus jolis 
ostraca de cette collection qui furent mis au jour dans le déblaiement de cette mai- 
son : la belle tête de roi (2 56 o), dont le verso porte un grand poisson in, et le joli 
fragment de poisson (2 248 ). On doit pouvoir ajouter pour les mêmes raisons la 
magnifique chasse à la hyène (2211) dont il a été question plus haut et qui a été trouvée 



Fig. 45. 


(,) Mackay, Ancient Egypt (1916), part IV, p. 170. 

( 8 ) Comme le sont également les dessins du duel au bâton (a 448 ) et celui de la reine de Pount de 
Deir el-Bahari reproduit dans Schafer, Agyptische Zeichnungen auf Scherben, abb. 17, p. 38 . 

Bruyère, Deir el-Medineh, 1934 - 1936 , p. 3a 1 et seq., fig. 192. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


95 


à la même date et dans la même région. Rien que ces dessins ne portent pas de « si- 
gnature », je pense que la place où ils ont été trouvés nous autorise à les attribuer à 
Rê'-Hotep, mais on regrettera néanmoins que ce soit sur un petit dessin sans valeur 
que le peintre ait laissé son nom. Cela prouve combien l’idée de possession artis- 
tique était étrangère à l’esprit des peintres égyptiens. Les œuvres signées sont très 
rares en effet, et il est difficile de préciser la part qui doit revenir à chacun des nom- 
breux artistes qui ont vécu à Deir el-Medineh et qui y travaillèrent. La fouille de la 
maison de Rê'-Hotep a donc été particulièrement intéressante à ce point de vue. 

Enfin, pour terminer cette série de personnages ou de fragments de personnages 
dans des poses différentes, on a réuni sur une même page (pi. LXV), trois ostraca sur 
lesquels sont dessinées trois figures dans une attitude à peu près semblable. Les deux 
plus grandes (2469-247 1 ) sont représentées de profil, assises par terre sur un coussin, 
l’avant-bras droit appuyé sur le genou droit, tandis que la main gauche semble porter 
quelque chose à la bouche. Ce geste est expressif et bien observé. Le premier croquis 
offre cette particularité de niontrer le visage de profil sur un corps également de profil, 
ce qui est plus rare dans l’art égyptien que les visages de profil sur les épaules de 
face M. D’ailleurs, l’artiste s’est assez mal acquitté de sa tâche, on le sent gêné pour 
indiquer l’emmanchement du bras sur le torse ; il en résulte un dessin raide malgré 
les soins du dessinateur qui a indiqué avec bonheur les détails du collier et des bra- 
celets dont est orné son modèle. Le dessin 2471 est plus souple : les mains sont parti- 
culièrement expressives et la tête est d’un joli dessin. Malheureusement, l’effacement 
et la cassure nous privent d’une partie de cet adroit et élégant croquis. Le troisième 
personnage (2470) est beaucoup plus petit que les deux autres et sa pose n’est pas 
tout à fait la même. L’artiste a négligé d’indiquer le siège sur lequel est assis ce petit 
garçon, mais ce ne peut être un coussin bas comme dans les deux ostraca précédents, 
car les jambes du jeune personnage sont pendantes et les deux pieds ne sont pas sur 
le même plan. Quant aux bras, le gauche s’élève et la main se porte à la bouche dans 
le geste de manger quelque chose, mais le bras droit manque et on se demande si 
l’artiste, embarrassé pour traduire sa position normale, ne l’a pas purement et sim- 
plement supprimé. Le dessin est joli et tracé par un pinceau sûr et délicat. Ces per- 
sonnages, par leur pose et leurs gestes, rappellent quelques figures assez nombreuses 
de Tell el-Amarna ^ et particulièrement celle, si connue, de la petite princesse qui 
mange un pigeon W. D’autre part, plusieurs représentations du Pharaon enfant, fi- 
guré sur des ex-voto, ont exactement la même pose que nos personnages W. L’un de 

!') On peut évidemment trouver quelques exceptions à cette règle, cf. Capart, Arts graphiques, pl. 520 ; 
Wreszinski, Atlas, I, pl. 5, 8, i3, 36, 44, 23 i. 

Davies, El-Amarna , VI, pl. XXVIII. 

(3) F. G. Newton, Excavations at El-^Amarnah, 1928-192/1 dans J. E. A., X, 192/i, pl. XXIII, p. 289. 

t 4 > Capart, Documents pour servir à E Étude de l'Art égyptien , I, pl. 54 ; Boreux, Catalogue- Guide, II, 
p. 4 80, pl. LXVI. 


96 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


ces ex-voto, conservé au Louvre, est sculpté sur une plaque de calcaire. Capart fait re- 
marquer que la forme du vêtement du jeune prince est amarnienne et il rappelle qu’on 
a trouvé à Amarna une grande quantité de petites amulettes figurant le roi dans cette 
attitude. Il est possible que ces esquisses sur ostraca aient été faites comme projets 
pour des ex-voto dans le genre de celui qui est conservé au Musée du Louvre (fig. 46 ). 
Cette pose n’étant pas très courante dans les représentations égyptiennes de cette 

époque, il nous a semblé intéressant de signaler les 
quelques monuments qui l’évoquent de près ou de 
loin. 

R. — Une quarantaine de dessins de têtes humaines, 
entiers ou fragmentaires, fait partie de cette collection. 
Ils n’olfrent ni une très grande originalité, ni un très 
grand intérêt artistique. Beaucoup de ces études trop 
hâtives apparaissent comme des esquisses d’élèves 
encore bien inexpérimentés (2 5 10-2 5 1 5-2 5 2 0-2 5 2 1- 
2 52 2, etc.) . Cependant, bien qu’il n’y ait pas eu réelle- 
nent une école de dessin dans le village de Deir el- 
Medineh, certaines de ces ébauches ont très nettement 
un caractère d’exercice revu et corrigé par un maître. En 
effet, un fragment de poterie montre le bas d’un visage 
d’un très beau dessin (2609); la bouche est fine et 
expressive, le menton est tracé d’un trait plein et souple, mais il n était sans doute pas en 
équilibre, ni en proportion avec la partie supérieure du profil qui, malheureusement, 
manque, car une énergique correction au trait blanc, tout en remontant la bouche, 
recule et raccourcit le menton. Un autre petit profil esquissé devant celui-la souligne 
bien le caractère d’étude de ce fragment W. On doit reconnaître à quelques-unes de 
ces esquisses de têtes une certaine souplesse dans le dessin, et une grande minutie 
dans l’exécution des détails : la frisure des perruques est parfois rendue avec un 
grand soin (261 4); ailleurs, l’artiste va jusqu’à reproduire les poils apparents d’un 
visage qui n’est pas rasé de frais (2508-2609). Ce qui frappe donc dans ces dessins, 
ce n’est pas tant l’inhabilité de l’artiste que leur caractère conventionnel : 1 œil est 
toujours de face dans un visage toujours de profil, le geste des mains lui-même n éclaire 
jamais d’une note originale ces compositions par trop conlormistes (2607). On s e- 
tonne de ne pas rencontrer d’études d’après nature, qui, même si elles avaient été 
mal réussies, auraient prouvé l’intérêt de l’artiste pour un être vivant ou pour un 
mouvement réel. Visiblement les scribes dessinaient de mémoire, forçant leurs 
souvenirs à se plier à une forme traditionnelle dont ils ne voulurent ou ne purent 

(■> Une autre correction est également à signaler dans un autre profil (a5i3). 



I 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


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jamais se dégager. Cette servitude, qu’on est arrivé à admettre et à expliquer dans les 
bas-reliefs ou les grandes fresques, semble particulièrement étrange sur des esquisses 
dont le caractère libre et fantaisiste exigeait, semble-t-il, plus de réalisme. Les deux 
dessins les plus originaux de cette série sont les deux têtes de sémite (2 5o6) et de 
nègre (2 5 o 5 ), si spirituellement caractéristiques. Le Nubien, quoique assez mal 
dessiné, est cependant indiqué avec une grande vérité et un certain humour. Son pro- 
gnathisme accentué, ses cheveux crépus et ses quatre plumes plantées sur sa tête, sont 
autant de détails vivants et véridiques. Les représentations de nègres sont assez nom- 
breuses dans les tombes thébaines et témoignent toujours d’une exacte observation 
du modèle 0). A cette époque où la colonisation des pays du Sud n’avait jamais été 
poussée aussi loin, il n’est pas étonnant de voir reproduire aussi souvent sur les parois 
des tombes thébaines des figures de nègres, esclaves ou porteurs d’offrandes ou de 
tributs ( 2 U L’artiste auquel est dû le profil de sémite a fait preuve également de grandes 
qualités d’observation et de dons certains de caricaturiste, dans le rendu des .carac- 
tères raciaux : nez crochu, barbe rare et longue, œil allongé, crâne pointu, nuque 
plate. Le haut bonnet asiatique n’était même pas utile pour nous renseigner sur 
l’identité de notre personnage. 

Il faut également signaler un profil assez mutilé, mais le dessin de l’œil, de la 
bouche et du menton, tracé d’une manière large et souple, est habile et séduisant 
( 25 o 8 ), et un petit scribe (2607), d’une exécution bien imparfaite, qui montre 
cependant un visage vivant et expressif, indiqué avec assez d’esprit. 

Un petit fragment nous conserve une fraction de tête humaine dont l’originalité 
réside dans la coiffure ( 2024 ). Elle est faite d’une couronne de cheveux raides entou- 
rant un crâne nu, comme tonsuré. C’est la coiffure qu’on remarque chez les pauvres 
gens ou les laborieux ouvriers qui sont souvent représentés dans certaines tombes 
thébaines, s’affairant à leur humble travail W. 

S. — Les figures royales reproduites sur ces ostraca sont généralement plus soi- 
gnées comme dessin et mieux détaillées dans leur ensemble que les silhouettes des 
simples particuliers que nous venons de signaler. Sans doute pour des personnages 
de si haute qualité, les artistes soignaient-ils davantage leur reproduction ; il serait 
peut-être plus exact de supposer que les figures royales qui, dans les compositions 
murales étaient toujours les figures centrales, étaient confiées aux meilleurs dessina- 
teurs, aux grands maîtres auxquels on est, par là même, tenté d’attribuer ces dessins 
sur calcaire. Si les traits sont assez fins et élégants, si les détails sont traités avec soin, 

Wreszinski, Atlas, I, 2 3 a, 56 , 2 45 ; Wallis, Egyptian ceramic art, 1900, pl. V; Mariette, Deir el - 
Bahari, pl. 12 ; Lepsius, Denkmàhr, III, pl. i 36 . 

(8) Wreszinski, Atlas > I, 284, 288. 

Dàvies, The tomb of two sculptors at Thebes, pl, XIII; Bruyère, Deir el-Medineh , 1930, pl. XXVI, 
tombe 34 1 (référence due à M m * Desroches-Noblecourt). 


Documents de fouilles, t. Il, 3. 


1 3 


98 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


les poses et les gestes de ces ligures sont malheureusement d’une désespérante con- 
vention. Comme toujours lorsqu’il s’agit de souverains ou de dieux, les artistes 
semblent être esclaves de formes stéréotypées, auxquelles il leur est interdit d’ap- 
porter le moindre changement. 

Sur ces ostraca, les rois sont vêtus, soit du pagne court (255i-a555), soit de la 
longue robe plissée et transparente ( 2 556-2 557 ) et portent presque toujours le de- 
vanteau rigide en perles, orné de têtes d’uræus; ils avancent un pied, dans un mou- 
vement de marche et tendent un bras en avant en tenant un sceptre, tandis que l’autre 
bras pend le long du corps, à moins qu’ils ne lèvent les deux bras en signe d’ado- 
ration ou encore qu’ils ne présentent des offrandes. Leurs têtes sont généralement 
coiffées du Idaft ou de couronnes ornées de l’uræus frontal. Enfin les poignets et 
les bras sont chargés de bracelets. 

Sur l’un des dessins ( 2 554), on peut lire un cartouche au nom de Menkhéper-Rë' 
c est-*i-dire fhoutmosis III, qui est figuré debout portant la grande couronne blanche. 

Deux ou trois silhouettes sortent cependant des formes conventionnelles, ce sont 
d’ailleurs celles qui sont d’une exécution moins soignée. L’une d’elles ( 2552 ) fi- 
gure un roi coiffe du klaft rayé et vêtu d’un pagne court; le souverain, un genou en 
terre, semble pousser un objet dans un joli mouvement allongé et horizontal. Cette 
attitude se retrouve sur différents monuments, statues ou bas-reliefs dont quelques- 
uns sont justement célèbres; qu’il suffise de mentionner ici la statue de Ramsès II 0) 
ou encore la statue d’Osorkon ( 2 ) poussant une barque sacrée devant lui. Certains 
bas-reliefs des temples nous montrent le roi dans une attitude à peu près semblable : 
c’est ainsi qu’un relief d’Abydos représente Séti I er offrant à Amon un groupe for- 
me du roi couronne de 1 atet et qui, un genou en terre, tient une colonne surmontée 
d’une tête d’IIorus. Le mouvement du roi, bien que moins allongé, est le même que 
celui de notre ostracon (*). 

Une autre esquisse (2 553) se recommande plus par le sujet qu’elle reproduit que 
par le style, «à la vérité médiocre, du dessin. Elle représente un homme portant 
1 uræus sur le front, ce qui permet de supposer que c’est un roi; il est assis sur un 
siégé en forme d X et il confectionne un filet de pêche. On s’étonne de trouver un 
roi dans cette modeste occupation qui rappelle les figures de simples artisans, con- 
nues dans certaines tombes. C’est ainsi qu’on peut remarquer à Deir el-Medineh 
dans la célébré tombe d Ipouy, un homme accomplissant le même geste dans une 
pose identique ( 4 L Il tient une navette dans la main gauche et maintient son filet de 

(1) Capart, L’Art égyptien, Choix de documents, II, La statuaire, pi. 370 = Legrain, Statues et Statuettes, II,' 
p. 7, pi. IV. 

(,) Legrain, op. cit., III, p. 6, pi. V. 

(3) Capart, Le temple de Seti I" , pl. V. 

(4) Davies, Two Ramesside tombs at Thebes, pi. XX = Bulletin of Metr. Mus. 0/ art (New York), 1920, 
Eg. Exp., 1916-19, fig. 6. Des figures du même genre peuvent être signalées dans : Davies, El-Amama,\, 
pl. V ; Tvlor-Griffith, Ahnas and Paheri, pl. IV, Schâfer, von âgyplischer Kunst, p. 202. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


99. 


l’autre main; toutefois nous avons dans la tombe un détail plus vivant que sur notre • 
ostracon : le personnage tend le filet dont il maintient l’angle inférieur avec son or- 
teil. Ce croquis raide et peu artistique détonne un peu au milieu des autres dessins 
royaux qui sont, eux, particulièrement soignés et élégants. Aussi peut-on se deman- 
der si ce n’est pas par erreur que l’artiste a posé un uræus sur le front de ce personnage. 

Un ravissant fragment de dessin, plus conventionnel sans doute, mais aussi plus 
élégant, nous montre un costume composé d’une longue jupe transparente et d’un 
devanteau de perles, orné d’uræus (2 556). Un autre croquis malheureusement 
fragmentaire, lui aussi et très effacé, reproduit un roi dans la position d’un tireur à 
l’arc. Devant lui à la hauteur de son devanteau est une ligne courbe qui est peut-être 
l’arc ou encore le bord du coffre d’un char dans lequel il serait monté, pourchasser 
dans le désert ou pour guerroyer ( 2560 ). 

T. — Tous ces croquis, comme nous l’avons fait remarquer, rachètent leur manque 
d’originalité par l’élégance et la finesse de leur style. Le cas est exactement semblable 
pour quatre ou cinq têtes royales dont le dessin est d’une grande pureté et d’une 
grande sûreté de traits. 

La première figure, reproduite dans le catalogue, est tracée sur un grand morceau 
de calcaire blanc qui a été trouvé au cours des fouilles, dans les ruines de la maison 
du scribe Pa-Rahotep, auquel on est tenté, comme nous l’avons déjà dit plus haut, 
d’attribuer cet admirable profil royal (2 568). La tête est coiffée de la haute cou- 
ronne bleue dont le beau volume domine le profil. L’uræus qui se dresse sur le 
front, ainsi que l’épervier qui étend sur la nuque ses ailes protectrices agrémentent 
de leurs détails recherchés et élégants la sévère austérité de la couronne. Sous cette 
lourde masse, le profil apparaît très fin, presque féminin. La bouche qui esquisse 
un sourire est colorée de rose, ce qui anime l’expression du visage. L’œil allongé est 
d’un dessin admirable ainsi que le trait plein de sûreté et de souplesse qui limite 
le profil. La puissance du cou s’oppose à la féminité du masque; sur le menton et 
la joue, les poils de la barbe, quoique effacés par le temps et les frottements, sont en- 
core visibles (1 ). On peut reconnaître dans ce visage racé et régulier la figure de Ram- 
sès II jeune, tel qu’on le voit sur les reliefs du Ramesseum ou d’Abydos ( 2 L II y a, en 
effet, beaucoup d’analogies entre ces portraits attestés du grand pharaon et ce 
dessin sur calcaire. O 11 peut également reconnaître son profil sur les murs de certaines 
tombes civiles, c’est le même nez légèrement aquilin, le même œil allongé, ni trop 
grand ni trop petit et le menton arrondi ( 3 L Dans le haut à gauche de l’ostracon, 

(1) M" e Desroches-Noblecourt, dans un article qui doit paraître dans le prochain Bulletin de VI. F. A. O., 
t. XLV, démontre que la barbe apparente est signe de deuil et cite cette tête royale dont elle interprète 
les lignes roses qui sont sous l’œil, comme des larmes. 

m Wreszinski, Allas, pl. 56, 7 3 . 

(S) Davies, Egyptian Paintings, II, pl. C. 

i3. 


100 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


l’artiste a tracé une petite tête de jeune roi. Elle est coiffée d’une étoffe rayée et 
surmontée d’un uræus. On aperçoit en transparence sous l’étoffe la grosse mèche de 
l’enfance qui retombe sur l’épaule. Le croquis est charmant, plein de jeunesse et 
de sensibilité. Sa place dans le coin du morceau de calcaire, au-dessus de cette tête 
si belle et si joliment tracée, montre assez que ces pierres étaient vraiment considé- 
rées comme des feuilles d’album, sur lesquelles les artistes dessinaient au gré de leur 
fantaisie, sans attacher aux images qu ils fixaient ainsi une autre valeur que celle 
d’un croquis sans importance. Si on a cru pouvoir identifier ce profil à celui d’un 
Ramsès, celui qui est reproduit sur la planche suivante (2569) semble bien figurer 
Aménophis III W, Le dessin est également excellent, mais le modèle est loin d’être 
aussi séduisant que le précédent, le profil est lourd, la courbe du nez n’a pas la fi- 
nesse distinguée de celle de Ramsès II, mais l’œil est très beau et d’un dessin sûr 
et plein. Le menton lourd et le cou empâté aux replis graisseux rappellent bien les 
portraits connus du Pharaon Aménophis III. Il est possible que ce portrait soit une 
copie faite a la XIX e dynastie d apres un portrait connu du Roi. Cependant rien ne 
s oppose a ce que 1 ostracon lui-méme date de la XVIII e dynastie : plusieurs dessins 
sur calcaire de cette collection proviennent, en effet, des fouilles faites dans des par- 
ties du village qui datent de cette époque. 

Le Musée du Louvre possède depuis de longues années un admirable profil royal, 
qui, bien que d’origine inconnue, provient très probablement de Deir el-Medineh 
comme les précédents. On y retrouve le même style et la même sûreté de dessin. 
C’est vraisemblablement un portrait de Séti I er , dont le profil, si souvent reproduit 
dans les bas-reliefs du temple d’Abydos, nous est deven u si familier : le nez très fin 
et légèrement busqué, la bouche petite et souriante et surtout l’œil démesuré dont 
la masse et la valeur imposantes envahissent toute la figure, fine à l’excès. Le dessin 
esquisse tout d abord a 1 ocre-jaune a ete repris ensuite à l’ocre-rouge puis au trait 
noir, mais le detail intéressant, de cette esquisse est le lavis d’ocre-rouge indiqué sur 
là pommette et la joue. Cet essai de modelé et cette recherche de relief sont rares 
dans l’art égyptien. En effet pendant toute la période pharaonique la peinture est 
restée comme une grande enluminure, traitée en teintes plates remplissant des 
formes délimitées, sans aucune tentative de modelé. H y a ici un sentiment du volume 
qui, bien que faible et timide, est très caractéristique. Le dessin est d’ailleurs d’un 
style splendide, plein de souplesse et en même temps d’acuité. 
vUn autre dessin se montre aussi élégant et précis que les précédents c’est le profil 
d’un jeune roi, dontle menton est orné d’une fausse barbe. L’œil, qui est indiqué d’une 
façon plus froide et plus mécanique que dans les trois précédents portraits, est ce- 
pendant d un tracé élégant. Le nez et la bouche sont d’un style ravissant, le dessin 
est d une purete et d une élégance de ligne incomparables. 

Davies, ibid., II, pl. LVII ; Steindorff-Seele, When Egypt ruled the East (Chicago 1 g 4 5 ) , 
p. 79, fig. 20. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


101 


Tous ces dessins témoignent d’une habileté et d’une sûreté de main remarquables; 
on sent que ces croquis sont les œuvres d’artistes parfaitement maîtres de leur mé- 
tier. On a trouvé dans la Vallée des Rois un certain nombre d’ostraca figurés qui 
s’apparentent si étroitement à nos documents qu’on est tenté de les attribuer aux 
mêmes auteurs. Si on rapproche, par exemple, l’ostracon 2573 d’une esquisse pu- 
bliée dans le Catalogue du Caire U), on ne peut s’empêcher d’être frappé par l’ana- 
logie de style et aussi par la similitude du dessin ; on y retrouve la même lourdeur 
et la même épaisseur de traits, mais aussi le même tracé énergique qui ne manque 
pas de caractère. 

Il est très vraisemblable que les artistes, auteurs de ces ostraca, qui vivaient dans 
cette agglomération de Set-Maât, étaient également les illustrateurs de la plupart 
des grands tombeaux royaux de cette époque. Il est donc logique que le plus grand 
nombre des profils examinés au cours de ce chapitre ait une ressemblance de style 
et de facture avec les personbages dessinés dans les hypogées de la Vallée des Rois. 

U. - — Les artisans de Deir el-Medineh qui formaient un petit peuple à part dans 
l’immense agglomération thébaine s’étaient créé une religion à eux, religion ortho- 
doxe, sans doute, puisqu’elle s’adressait à des dieux honorés de tous temps en 
Egypte, religion différente cependant de celle que nous connaissons par les témoi- 
gnages innombrables des monuments officiels. Ce fait que nous constatons à Deir 
el-Medineh avait dû se produire depuis les origines de l’histoire dans toutes les lo- 
calités importantes du pays. La religion locale, qui a joué, dans l’Egypte primitive, 
le rôle de premier plan que l’on sait, a conservé, à l’époque historique, une influence 
considérable sur le peuple, influence qui apparaît surtout au moment des grandes 
crises politiques; les croyances populaires, en effet, survivent à l’effondrement de la 
grandeur artificielle de la religion d’État, et cette continuité prouve assez leur force. 
Au Nouvel Empire grâce à l’accroissement de la fortune moyenne du peuple, les té- 
moignages de cette piété des humbles se multiplièrent. Le hasard des fouilles en a 
fait découvrir dans diverses localités, au premier rang desquelles on doit placer Deir 
el-Medineh. On pourrait écrire un volume sur la religion populaire de Deir el-Medi- 
neh ; nous nous bornerons ici à grouper les renseignements que nous apportent les 
ostraca figurés. Ces renseignements sont nécessairement incomplets. On peut s’é- 
tonner en particulier de ne trouver sur ces éclats de calcaire aucune trace du culte 
que les ouvriers de la nécropole rendaient à la mémoire du roi Aménophis I er , qu’ils 
considéraient, à juste titre, comme le fondateur de leur communauté et le dispen- 
sateur de leurs privilèges. Ce culte auquel était associée la mère du souverain : Nefertari, 
nous est connu par plusieurs scènes peintes dans les tombeaux et par de nombreux 

(') Daressy, Ostraca, n° 25167, pi. XXX. On peut comparer également la belle tête du Louvre n” 2670, 
avec le fragment du Caire n“ 261 A 4 , pl. XXIX, à qui elle ressemble, non seulement comme trait, mais 
aussi comme couleurs et comme facture. 


J. VAND1ER D’ABBADIE. 


102 

monuments privés, mais il n’apparaît pas dans les ostraca figurés publiés dans cette 
collection. On se devait de signaler cette curieuse omission, qui n’est peut-être due 
qu’au hasard, avant d’aborder la question que nous nous sommes proposés de 
traiter. 

Tout culte suppose un sanctuaire. Au cours des fouilles de Deir el-Medineh on a 
retrouvé, entre le village et la Vallée des Reines, plusieurs chapelles rupestres, simples 
grottes qui n ont pu être identifiées que par des ex-voto qui y ont été mis au jour. 

En outre dans le village même, on a découvert un certain nombre de chapelles 
votives, témoignages, elles aussi, de la piété populaire. Les documents qui seront uti- 
lises dans cette section ne proviennent pas tous de ces chapelles, mais on peut sup- 
poser que tous étaient primitivement destinés à décorer les parois de tels sanctuaires 
ou du moins qu’ils avaient servi de modèles à des ex-voto d’une exécution plus pous- 
sée et qui sont aujourd’hui perdus. 

Parmi les divinités les plus fréquemment mentionnées à Deir el-Medineh, nous 
voyons d’abord la déesse serpent Meresger, forme locale d’Isis qui joue un rôle im- 
portant dans la vie des ouvriers de la nécropole. On supposait qu elle résidait sur 
la montagne qui surplombe la nécropole. Cette relation entre la déesse et la montagne 
est allee si loin qu’on a fini par les identifier et par les confondre sous un même 
nom : la Cime. Quatre des ostraca reproduits dans ce catalogue ( 265502658 ) ont 
été retrouvés dans la chapelle rupestre de la déesse, sur la route de la Vallée des 
Reines. Meresger y est représentée coiffée de l’atef ( 2655 ), du disque solaire ( 2654 ) 
ou du pschent. Elle se tient le plus souvent dressée devant une table ou un vase 
contenant des offrandes végétales. Signalons en passant une intéressante similitude 
de sujet sur une coupe en terre cuite trouvée dans les fouilles; elle est décorée d’un 
serpent coiffé de l’atef et dressé devant des offrandes de feuilles et de fleurs (fig. 47) (*L 
Sur l’un des ostraca, la déesse est figurée avec un corps de serpent et une tête de 
femme surmontée d’une coiffure, maintenant à moitié disparue, mais qui devait 
être constituée par le disque solaire enserré dans deux cornes lyriformes et surmonté 
de deux hautes plumes (2656). Plusieurs des dédicaces sont en partie effacées. 
L’une d’elles pourtant a conservé le nom de son dédicant : Ari-Nefer, dont la tombe 
retrouvée par MM. Ch. Kuentz et Bruyère à Deir el-Medineh, porte le n° 2 g 0 des 
tombes thébaines. Le culte de Meresger était si répandu dans cette partie de la né- 
cropole thébaine que de nombreuses effigies de la déesse ont été retrouvées sur des 
monuments de Deir el-Medineh. Elle est représentée tantôt comme une femme ( 2 ), 
tantôt comme une femme à tête de serpent W, tantôt, enfin, comme un serpent à tête 
de femme W. On trouve aussi l’étrange combinaison du sphinx à corps de lion et à 

<1} Bruyère, Deir el-Medineh , 1933-1934 (Caire 1937), p. ii 3 , fig. 49. 

w Bruyère, Mert Seger à Deir el-Medineh , fig. 21, 86. 

^ Bruyère, ibid., fig. 80, 81 ; Vandier, La Tombe de Nefer-Abou , pl. XIII. 

(4) Bruyère, ibid., fig. 5 i, 73. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


103 


tête de serpent W. Enfin le plus souvent Meresger est figurée comme un serpent 
uræus dressé. Elle est alors coiffée de cornes enserrant le disque solaire, ou d’autres 
coiffures divines comme sur les ostraca reproduits ici (2655-2656). On peut constater 
par les textes et par les nombreuses effigies de cette déesse, retrouvées dans les 
fouilles et conservées dans les musées, combien son culte était développé parmi les 
sdmw-'s de la «Place de Vérité». 

Les hommages des habitants de Deir el-Medineh ne s’adressaient pas seulement 
à la forme locale d’Isis : Meresger, mais aussi à Isis elle-même. On sait combien les 



Fig. h 7. 


Egyptiens avaient été touchés par la légende d’Osiris et avec quelle prédilection ils 
avaient rappelé son amour maternel en représentant la deesse dans son rôle de mere, 
nourrissant l’enfant Horus dans les marais de Chemnis. On ne doit donc pas s etonner 
de voir reproduits sur nos ostraca les trois héros de la geste osirienne. Il semble ce- 
pendant que les artisans de la « Place de Vérité» aient voulu exalter avant tout, dans 
la tragédie familiale, le rôle de la mère. En effet, les représentations d Isis sont beau- 
coup plus fréquentes que celles d’Osiris et d’Horus. Cette préférence s explique 
peut-être par le respect naturel qu’a toujours inspiré aux hommes, particulièrement 


(l) Bruyère, ibid., fig. 55 - 56 . 


10 4 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


aux hommes du peuple, le dévouement maternel. Isis, dans son rôle de nourrice, est 
figurée sur un ostracon d’un beau dessin (2593), élégant et adroit quoique sim- 
plement ébauché. La déesse porte la coiffure hathorique : deux grandes cornes en- 
cerclant le disque solaire. Elle est assise et tient sur ses genoux un jeune roi couron- 
né de la couronne* bleue. Deux cartouches laissés en blanc ne peuvent malheureuse- 
ment pas nous renseigner sur l’identité de ce roi. Cette scène est sans doute desti- 
née à rappeler le caractère divin du roi, qui est assimilé ici au fils de la déesse. Gé- 
néralement Isis porte sur sa tête l’hiéroglyphe : |[ W qui sert à écrire son nom : 

Un dessin fragmentaire d’un trait lourd et incertain la représente ici coiffée de Ce 
signe (2699). Ce sont les deux seuls exemples qu’on puisse signaler des représen- 
tations de la déesse sur nos ostraca figurés. 

La piete populaire s est toujours adressée avec prédilection à des dieux familiers, 
sortes de génies débonnaires qui attiraient d’autant plus la confiance des humbles 
qu’ils semblaient en être plus proches. De telles dévotions sont rarement désinté- 
ressées : on aimait les demi-dieux pour les services qu’ils pouvaient rendre. Bès, le 
nain diflorme était 1 un des plus populaires. Il était le dieu de la joie, de la danse 
et de la musique. Dieu protecteur aussi, il se mêlait à la vie des harems et son image 
se retrouve sur les manches de miroirs et les étuis à fards. Il veillait sur le sommeil 
de ses fidèles et sa figure grotesque orne les pieds de lits et les chevets ( 2 ). Il assiste 
également aux naissances royales et sa face grimaçante ornera, à l’époque ptolé- 
maïque, les chapiteaux des mammisU 3 ). Les ostraca qui reproduisent sa silhouette 
sont généralement d’une veine heureuse.' On le voit parfois, la tête surmontée de 
feuillages, brandir des fleurs qu’il tient dans chaque main (2621). Un tel dessin 
rappelle qu’il était souvent désigné comme bouquetier ( 4 ). D’autres figurations de 
Bès le montrent également serrant dans ses poings deux serpents qu’il étouffe ( 5 ). 
C’est le sujet que l’on croit reconnaître sur un de ces ostraca (2622) dont le dessin 
est très effacé. Deux autres croquis fragmentaires (2628-2624) sont d’une identi- 
fication plus difficile et l’un d’eux, tracé sur un fragment de poterie, figure un vi- 
sage de profil qui rappelle plutôt celui d’une divinité stellaire : SebegouW, c’est-à- 
dire la planète Mercure, que celui si classique de Bès. En effet, ce sont ici de longs 
cheveux en crinière de lion, une barbe d’où sort une oreille d’animal, un crâne plat 


<l) Trône. On sait qu’on a voulu faire d’Isis une personnification du trône royal (cf. Sethe, Urgeschickte, 
§ 102). 

(S) Comme on l’a vu dans les scènes de gynécée, série N, pl. L à LIV ; Erman, Egtjptian Religion ( Trad . 
H. Wild), 178. 

(3 > Steindorff , Kunst der Aegypter, 161. G. Jequier, Manuel d’archéologie égyptienne. Les éléments de 
l’architecture, p. 1 9 3 , fig. 118. 

(4) Mülier, Egypiian Mythology, p. 61, fig. 6 h . 

Il s agit là d’une idée de protection ; ainsi les stèles d’Horus sur les crocodiles sont toujours sur- 
montées d’un masque de Bès et les Horus-panthées souvent représentés comme des Bès. 

(J) Mülier, op. cit., 373 ; A. Grenfell, P. S. B. A., XXIV, part I (1902), p. 24 , fig. 1. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


105 


et sans coiffure qui rappelle davantage les représentations classiques de Sebegou 
que celles du dieu Bès, lequel est généralement vu de face et couronné de plumes. 
Cependant, sur des vases trouvés à Deir el-Medineh, on voit, jouant de la flûte ou 
tenant une sorte de tambourin, des Bès vus de profils, dont la silhouette et l’attitude 
sont à rapprocher de ces deux derniers ostraca (fig. 47) (û. 

Touéris, parmi ces divinités familières et bienfaisantes, n’apparaît pas sur nos 
documents; nous possédons plusieurs ex-voto dédiés à Bennout, déesse-serpent 
qui présidait aux moissons après avoir été la protectrice des tisseurs, mais aucun 
ostracon figuré ne semble avoir mentionné le nom de la déesse. Il est possible que 
certaines déesses-serpents anonymes doivent être identifiées avec elle, mais il est 
plus vraisemblable de les assimiler à Meresger. 

On doit s’étonner que les dieux familiers aient été si peu fréquemment repro- 
duits sur nos éclats de calcaire. Il eût été naturel que les élans de confiance sponta- 
née qui portaient les humbles vers leurs dieux familiers se fussent traduits, plus vo- 
lontiers que sur des stèles, sur ces modestes ostraca, dont le caractère spontané et 
libre a été plusieurs fois signalé dans cette étude. Peut-être doit-on attribuer cette 
circonstance à un sentiment tout autre que l’indifférence. Ces génies bienfaisants 
étaient sans doute des dieux familiers : ils étaient surtout des dieux domestiques, 
et les affectueux échanges entre eux et leurs fidèles étaient si fréquents qu’ils n’a- 
vaient plus besoin d’être consignés par écrit. Ces dieux vivaient, en quelque sorte, 
dans la maison; ils figuraient sur les meubles, sur les moindres objets usuels. 
N’était-il pas bien inutile de traduire, une fois de plus, sur les ostraca, cette présence 
dont on était censé ressusciter à chaque instant l’efficacité bienfaisante? Une telle 
explication ne peut naturellement être proposée qu’à titre d’hypothèse. 

Quelle était maintenant l’attitude des habitants de la «Place de Vérité» à l’égard 
des grands dieux du panthéon? Certaines de ces divinités par le rôle spécialisé qu’elles 
s’étaient vu attribuer avaient droit, semble-t-il, plus que d’autres, aux hommages 
des humbles. Hathor, la déesse joyeuse, qui présidait aux fêtes et à l’amour, avait 
sa part dans ces hommages. Elle était fréquemment figurée sous la forme d’une vache. 
C’est pourquoi les quelques ostraca qui la représentent ici montrent des visages 
féminins vus de face, flanqués de larges oreilles de vache. C’est ainsi que le visage 
de la déesse est composé sur les chapiteaux hathoriques. Sur l’une des esquisses 
reproduites (2 645 ), la tête surmontée d’une corniche a certainement été composée 
pour ou d’après un élément architectural. Le personnage figuré à gauche de la repré- 
sentation n’a aucun rapport avec elle et provient d’une scène antérieure à moitié 
effacée sur laquelle l’artiste n’a pas hésité à tracer sa tête hathorique sans souci des 
anciennes traces de peintures encore visibles sur le calcaire. Au-dessus de la tête se 
trouve une ligne de texte qui donne le nom de la déesse et son épithète qui est dans 

W Bruyère, Deir el-Medineh, 1933*1934 (Le Caire 1937)^. 11 3 , fig. 49. 


106 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


V Occident. Le dessin est froid et habile, tandis que celui du second ostracon (2 646 ), 
qui figure également une tête d’Hathor, est lourd et disgracieux. C’est sans doute 
l’œuvre d’un débutant. Ces esquisses semblent avoir été des essais de décorateurs; 
on a, en effet, retrouvé des coupes dont le fond est orné de quatre têtes hathoriques 
symétriquement disposées dont le motif est semblable à ceux de ces dessins sur cal- 
caire b). A Deir el-Medineh notamment, on a trouvé une coupe en terre cuite dont 
la bordure est ornée de têtes semblables ( 2) . Ainsi la tête de la déesse était devenue, 
•aux mains des artistes ingénieux, un simple motif décoratif. 

Parmi ces divinités spécialement honorées à Deir el-Medineh il faut citer Thot, le 
patron des scribes et Anubis l’embaumeur. Les ostraca nous donnent l’image du 
premier sous ses deux formes d’ibis et de cynocéphale. Thot fut adoré dans le Delta 
avant de l’être en Moyenne Egypte. Généralement figuré sous la forme d’un ibis ou 
d’un homme à tête d’ibis, il était vénéré comme dieu de la lune sous la forme d’un 
babouin. Un très beau dessin (2 635 ) le figure en babouin; les mèches du camail 
sont finement, stylisées et dessinées, comme la tête de l’animal et le reste du corps, 
avec une fermeté, une souplesse et une élégance de traits tout à fait remarquables. 
Un morceau de calcaire cubique porte, sur deux de ses faces, deux autres figures de 
Thot en babouin. L’une d’elles (2636 b) le représente la tête surmontée du disque 
lunaire, tandis que l’encrier des scribes est suspendu à son cou. 11 est ainsi figuré 
dans ses deux attributions de dieu lunaire et de dieu de l’écriture. La fin d’une 
ligne de texte donne, sur cette représentation, le titre du dieu : « Maître de Kheme- 
nou», c’est-à-dire d’Hermopolis-Magna en Moyenne Egypte. Enfin un autre ba- 
bouin (2637), rapidement esquissé, tient dans sa patte une palette de scribe, mon- 
trant encore Thot dans son rôle de dieu de l’écriture. Ces croquis n’oflrent pas un 
particulier intérêt artistique, si ce n’est par leurs qualités d’observation et de spon- 
tanéité . 

Anùbis que nous venons également de citer parmi les grands dieux égyptiens est 
le plus souvent figuré sous la forme d’un chien couché, aux oreilles dressées. C’est 
sous cet aspect que les artistes de Deir el-Medineh ont représenté sur les deux seuls 
ostraca qui nous soient parvenus, l’image d’Anubis l’embaumeur, celui de qui dépen- 
dait, en grande partie, l’heureuse survie de tout Égyptien dans l’au-delà f*L Sur la 
première esquisse (26^0), l’animal se silhouette en noir : le cou tendu, les oreilles 
dressées et l’œil fixe donnent à toute la figure une expression d’attente et de tension 
qui imprime un certain caractère à ce dessin d’ailleurs assez raide et mal propor- 
tionné. La seconde esquisse (26A1), qui est fragmentaire, montre Anubis, couché 

T. Boülos, Annales du Service des Antiquités, 1906 (VII), p. i- 3 , fig. 6. 

W Bruyère, Deir el-Medineh, 1933-198/1 (Le Caire 1987), p. ii 3 . 

( 3 ) On lui attribuait de tout temps l’invention des procédés de momification. Dès l’Ancien Empire, 
il présidait à l’embaumement; aussi est-il souvent représenté sous sa forme humaine à tête de chien, 
armé d’un couteau et penché sur le cadavre qu’il prépare pour l’embaumement. 


107 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 

sur un naos couronné d’une corniche en gorge égyptienne. Il porte le fiagellum 
sur son dos et il a le cou serré dans un collier ou une cravate. C’est l’attitude et 
les détails familiers des représentations d’Anubis au Nouvel Empire et on en trouve 
de nombreux exemples dans les tombes de Deir el-Medineh. Le culte de Ptah était 
également très développé dans cette partie de la région thébaine. Le dieu de Mem- 
phis était avec Amon, Rë' et Seth, un des quatre grands dieux de la dynastie des 
Ramessides. Il n’est pas certain toutefois que ce rôle politique doive etre mis à 1 ori- 
gine de la ferveur dont il parait avoir joui dans la «Place de Vérité », pas plus d ailleurs 
que le rôle théologique qu’il avait joué au cours des premières dynasties memphites, 
et qui s’exprime avant tout dans la fameuse stèle de Shabaka, réplique tardive d’un 
très ancien original. Ptah était aussi le patron des artisans. Or les habitants de Deir 
el-Medineh étaient tous des artisans. Ce simple rapprochement suffit, semble-t-il, 
à expliquer le culte qu’on lui rendait dans cette localité, dans ces petites chapelles 
rnpestres dont il a été question plus haut, et qui étaient situées sur la route condui- 
sant du village à la Vallée des Reines. Ces chapelles étaient vraisemblablement ornées 
d ’ ex-voto dans le genre de celui qui est reproduit ici (260 5 ) ('h Ptah y est représenté 
avec cette silhouette étrange qu’on lui connaît bien, enveloppé dans une gaine col- 
lante, les deux avant-bras sortant directement de sa poitrine et tenant le sceptre 
oms; son crâne est rasé et une petite barbe orne son menton. Le dieu est assis devant 
une table d’offrandes de l’autre côté de laquelle un orant présente une sorte de coupe 
d’où s’élèvent trois flammes, et toute la scène est encadrée d’une bande formée de 
lignes rouges et noires alternées, ce qui donne a 1 ensemble, un caractère de tableau 
que n’ont généralement pas les esquisses sur calcaire. Au-dessus de l’image divine, 
le nom est inscrit en signes hiéroglyphiques. Un autre fragment, provenant égale- 
ment d’un ex-voto ( 2607 ), est extrêmement efface. Le nom du dedicant a disparu; 
on sait seulement qu’il portait le titre si fréquent à Deir el-Medineh de édm-s. Les 
autres croquis sont, comme les précédents, d’un dessin dépourvu de caractère. 

On s’ explique moins bien la présence, sur nos éclats de calcaire, de certains autres 
dieux, notamment de Sébek, de Chnoum et même de Khépri, encore que le scarabée 
divin ait été identifié au soleil levant et que la religion solaire, sous une forme un peu 
dégénérée, il est vrai, ait encore joué à la XIX e dynastie un rôle de toute première 
importance. Les ostraca de cette collection n’offrent d’ailleurs qu’ exceptionnellement 
les traits de ces divinités. Des ex-voto de Sébek dédiés au dieu par des ouvriers de la 
nécropole nous montrent le grand crocodile couché, la tête surmontée de la grande 
couronne atef (2650). Devant lui, une ligne verticale d’hiéroglyphes indique qu’il 
s’agit d’une « offrande à Sébek», tandis qu’une ligne horizontale, au-dessus du dieu, 
donne le nom et les titres du dédicant : Le chef des gardiens dans la Place de Vérité : 
KhaïW. Sur un second dessin, Sébek n’a plus la coiffure atef mais il est couché sur 

• ‘) Bruyère, Deir el-Medineh , 1 9 3 1 - 1 9 3 3 , p. 86. — ^ Bruyere, ihid., ig 34 - 35 ,p. 296, 


108 


J. VANDIER D’ÀBBADIE. 


un naos. Le nom du dédicant, qui est également un ouvrier dans la Place de Vérité, est 
en partie en lacune et se termine par . . . maikheta (?). 

Des esquisses représentent également le dieu à tête de bélier Klxnoum, qui était 
particulièrement adoré à Esneh et à Eléphantine. Son sanctuaire dans cette localité 
est un des plus célèbres et un des plus vénérés. Il forme une triade avec Anoukis et 
avec Satis, qui fut, avant lui, la divinité de la cataracte ( J) . C’est avec cette déesse qu’il 
est représenté sur un petit ex-voto (a63i) qui leur est dédié par Pashed, sdm-s m êt 
m'/t. Ce dessin, composé comme un petit tableau c’est-à-dire limité par un cadre, 
indépendant de la forme de la pierre sur laquelle il est tracé, est extrêmement sché- 
matique et linéaire. Satis est représentée enveloppée dans un long fourreau, la tête 
coiffée de la haute couronne blanche d’où s’échappent deux cornes lyriformes. Devant 
elle se tient Khnoum, à corps humain et à tête de bélier surmontée de deux cornes 
horizontales. En regard de chaque personnage est inscrit son nom. Une ligne de texte 
donne les noms et les titres du dédicant et sert de base à cette petite scène. Un autre 
ostracon (2682) montre Khnoum criocéphale protégé par une déesse ailée, mais le 
dessin lourd et indistinct ne permet pas d’analyser les détails de cette scène. 

Les ouvriers de Deir el-Medineh ayant dû souvent aller jusqu’aux carrières d’As- 
souan pour en rapporter les matériaux nécessaires aux grands travaux de la région 
Thébaine, il est naturel que le culte de Khnoum et de la triade d’Eléphantine ait été 
en faveur, à Deir el-Medineh, sous Ramsès II. 

Un autre animai (2 633) indiqué d’une façon plus nette et plus précise a été iden- 
tifié à tort à Khnoum. En effet on doit distinguer entre deux sortes d’animaux de cette 
espèce, l’ovis palaeoaegyptiacusW, dont les cornes sont étendues horizontalement sur 
la tête et qui symbolise le dieu Khnoum, et i’ovis platyra Aegyptiaca dont les cornes 
fortement incurvées en arrière de la tête ont la pointe abaissée vers le cou. C’est ce 
dernier animal qui est figuré sur l’ostracon 2 633; indiqué d’une façon plus nette 
et plus précise ; il représente non pas Khnoum, mais probablement une forme d’Amon 
de Thèbes ou du dieu qui était adoré à Mendès W. Ces dieux boucs n’ont pas de 
noms particuliers, on les appelle : «le bouc» W, comme sur notre ostracon où l’ani- 
mal est, de plus, qualifié de « chef de tous les dieux». C’est pourquoi il représente, 
vraisemblablement Amon, le grand dieu de Thèbes, particulièrement puissant et 
vénéré au Nouvel Empire. Le dieu respire des fleurs de lotus disposées dans une 
jolie vasque, qui est elle-même modelée en forme de fleurs de lotus. 

Quant au scarabée divin identifié par les anciens Egyptiens, ainsi que nous l’avons 
dit, au soleil levant, nos documents nous en ont conservé trois représentations, la 

W Cf, une mention de la Triade d’Eléphantine sur un naos du Musée de Turin ; Maspero, Recueil de 
Travaux, vol. II, p. 197. 

(a) Keimer, Annales du Service, XXXVIII, p. £597 à 33 1 ; A. Wainwright, J. E. A., XIX, 1933, p. 160. 

Ledrain, Monuments de la Bibliothèque Nationale, pl. II. 

Erman, Histoire de la Religion égyptienne (trad. Wild), p. 67. 


OSTRAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


109 


meilleure (2642), nous montre le grand scarabée ailé aux ailes éployées, tenant entre 
ses deux pattes la boule solaire qu’il roule devant lui. Une autre représentation (26 44) 
le fait figurer au milieu du disque solaire posé sur le signe de l’horizon kûj. Ces der- 
nières esquisses n’offrent comme on le voit que peu d’intérêt documentaire ou même 
artistique, mais, comme on l’a fait remarquer, la présence de ces quelques dieux sur 
les éclats de calcaire de Deir el-Medineh s’explique assez mal. L’art est dominé par 
la fantaisie et on a toujours reconnu à l’artiste le droit de réagir, même lorsqu’il 
s’agit de piété, autrement que le commun des mortels. Admettons donc que certains 
scribes de Deir el-Medineh aient eu une particulière dévotion pour le dieu crocodile 
qui, ailleurs, était considéré comme le dieu de la végétation, pour le dieu bélier 
d’Eléphantine et pour le soleil levant qui, chaque jour, ramenait dans le pavs la joie 
de vivre. 

Il ne nous reste plus à parler que du plus grand des dieux, celui qui, depuis de longs 
siècles déjà, dominait la religion de l’Egypte, je veux dire d’Amon. N‘est-ce pas à lui, 
en effet, qu’il faut réserver le couronnement de cet édifice constitué par les plus grands 
dieux du panthéon égyptien? A ce puissant dieu d’Etat, il faut associer Min, le dieu 
générateur de Coptos auquel il avait emprunté tant de caractères et tant d’attributs Ù), 
Le dieu Min apparaît sur deux éclats de calcaire seulement (2618-261 4) et encore 
sont-ils très effacés et d’un style fort insuffisant. Quant à Amon lui-même, le maître 
de Karnak et de Louxor, il n’était pas possible qu’il fût absent de Deir el-Medineh. 
On doit noter toutefois que les artisans de la « Place de Vérité», effrayés sans doute 
de l’écrasante grandeur du dieu d’Etat, l’honoraient sous des formes locales que 
nous ont fait connaître surtout les oracles écrits sur des tessons et trouvés au cours 
des fouilles. On ne sait pas exactement à quoi répondaient les noms d ’ Amon-Pa-Khenti, 
Amon de Ta-Shénit et Amon de Boukhenen, mais on peut être assuré que les ouvriers 
de Deir el-Medineh trouvaient ces formes populaires du maître du monde plus acces- 
sibles et qu’ils s’adressaient à elles avec une confiance beaucoup plus grande. 

Si beaucoup d’ostraca trouvés à la Vallée des Rois représentent Amon adoré sous 
diverses formes par ses fidèles, il n’y a dans notre collection que peu de dessins 
figurants le maître de Karnak et encore sont-ils fragmentaires. L’un d eux (2 5 94), 
dont il ne reste plus que la base, représentait le dieu suivi de sa parèdre Moût, 
d’autres fragments sont encore consacrés à Amon, mais ils n’offrent aucune origina- 
lité, le dessin correct et décoratif en est particulièrement conventionnel. Il semble 
que la fantaisie lorsqu’il s’agissait d’un dieu aussi puissant que le seigneur de 
Karnak, le maître de l’Egypte, ait été interdite aux auteurs des ostraca. 

Nous avons gardé pour les examiner en dernier lieu les croquis qui ne représentaient 
pas uniquement, ni exactement, des figures divines. Par exemple un fragment montrant 
un avant-bras et une main, tenant un long bâton, dans la pose donnée généralement 


(1) Sethe, Amun und die ucht Urgôtter von Hermopolis , Berlin 1929, § 2 4 et seq. 


no 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


au dieu Min (2601 ). Ce fragment qui n’a rien de remarquable .comme sujet ni comme 
dessin présente cependant un détail intéressant : ce croquis rapide est tracé sur le 
fond quadrillé d’une mise au carreau. 11 n’est plus à prouver que les Égyptiens 
employaient ce procédé pratique pour agrandir et tracer leurs esquisses sur les grandes 
parois de leurs hypogées puisqu’on a retrouvé dans les tombes royales elles-mêmes Ô), 
et sur certains tableaux non terminés des tombes civiles, des vestiges de cette prépa- 
ration ( 2) . Il est intéressant de connaître ainsi les procédés de travail des artistes 
égyptiens. Sur le fragment d’ostracon reproduit planche LXXX, on remarquera que 
le dessin est assez mou, impersonnel et peu poussé. D’autre part, les carreaux sont 
tracés d’une façon irrégulière qui aurait été une source d’erreurs pour l’artiste s’il 
avait eu à reproduire sur une grande paroi la figure ainsi préparée. Il est vraisemblable 
que ce modeste dessin était un simple exercice de débutant essayant de s’entraîner 
aux procédés du métier. 

Signalons également un sphinx couché sur un petit naos (2604). Il est coiffé d’un 
pschent et porte une fausse barbe. Un cartouche illisible est tracé sur le naos. Le 
sphinx était l’image divinisée du roi, le grand sphinx de Gizeh avait, comme on le 
sait, le visage du roi Ghephren. Ce petit motif était assez familier dans les représenta- 
tions Itinéraires des tombes, mais il r. 'offre sur ce croquis aucun détail original qui 
mérite d’être étudié. 

En revanche, l’ostracon 2 663 est particulièrement intéressant et original. H 
figure, non pas un dieu, mais une scène de culte divin. II s’agit de la procession du 
reliquaire d’Osiris à Abydos. Ce reliquaire était censé contenir la tête du dieu et il 
était conservé dans le temple d’Abydos. Chaque année avait lieu une grande cérémonie 
au cours de laquelle le reliquaire était sorti du temple par des prêtres qui, placés 
à l’avant et à l’arrière du reliquaire, le portaient sur leurs épaules au moyen d’un pavoi. 
Ce cortège se dirigeait vers la rive du fleuve au milieu du peuple, offert à l’adoration 
des fidèles. Sur le Nil l’attendait la barque sacrée, la Neshmet, sur laquelle il 
accomplissait la traversée jusqu’à son «tombeau Peker»W. Cette cérémonie a été 
plusieurs fois représentée sur des stèles, des sarcophages, des parois de temples, mais 
la plupart du temps la procession est arrêtée, tandis que sur notre ostracon nous 
voyons la procession en marche, ce qui est très rare et c’est ce qui fait l’intérêt et 
l’originalité de notre dessin. 11 est, en effet, le seul document entier figurant cette 
scène. On peut cependant citer deux fragments de la procession en marche, l’un est 
gravé sur les parois du temple de Ramsès II à Abydos, et ne montre que le bas du 
reliquaire et les jambes des prêtres qui le portent (fig. 48 ); l’autre est une stèle 

(M Th. M. Davis, The Tomb of Harmabi and Toutankhamon , pi. LI. 

(») M. Baud, Les dessins ébauchés dans les tombes thébaines , pi. X, XIX, XX, XXI ; Wreszinski, Atlas, I, pl. 3 1 ; 
Müller, Die Felsengrâber der Fürsten von Elephantine, fig. XXXII, pl. XXXVI; Cafart, L’art ég., Choix de 

Documents, Les Arts graphiques, pl. 517. 

(»> Schafer, Untersuchungm, IV, 2 (inscription d’Ikhernefrit), p. 26-28. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDIMEH. 


lit 


de la XIX e dynastie extrêmement fragmentaire et sur laquelle on ne voit que cinq 
porteurs et une partie seulement du reliquaire (fig. 49) h). Quelques lignes d’inscrip- 
tion donnent les noms des personnages, et de grandes oreilles symétriquement dis- 
posées indiquent qu’il s’agit d’une pétition, comme sur les tablettes de Memphis < 2 ) 
ou encore d’un ex-voto déposé en action de grâces pour une prière qui aurait été 
entendue et exaucée par le dieu! 3 ). 

Sur l’ostracon du Musée du Louvre, la 
scène, qui est entière, est compliquée par 
de nombreux détails symboliques et déco- 
ratifs. Un naos à double porte, posé sur 
un traîneau, est soulevé par des prêtres au 
moyen de brancards fixés à la partie supé- 
rieure du monument. Au milieu de la plate- 
forme que constitue le toit du naos, se 
dresse un mât au sommet duquel est fixé le 
reliquaire : on sait que celui-ci affecte la forme d’une tête très stylisée ( 4 ), que surmonte 

la grande couronne atef; deux uræus se dressent 
sur le front. De chaque côté du mât se tient 
un roi debout, coiffé de la couronne blanche. 
Derrière lui se dresse un grand sceptre : f, puis 
le chacal Anubis couché et cravaté. Enfin vient 
un pavoi sur lequel se tient un bélier debout, 
couronné également de l’atef; un grand éventail 
enrubanné achève de remplir la surface de cette 
plate-forme ( 5 C Si surchargée que soit cette scène, on 
la trouve ailleurs plus riche encore en détails. Ainsi 
dans le temple d’Abydos, dans la chapelle d’Osiris! 6 ), 
le reliquaire est entouré de pavois supportant, non 
seulement les deux béliers couronnés mais aussi le 
roi couronné de l’atef, un faucon, un ibis, un 
Fig. 49. serpent et un chacal. Des tables d’offrandes char- 

gées de vases et de fleurs sont placées sous le 
pavois de chaque côté du naos qui sert de base au reliquaire. Les mêmes éléments 
diversement distribués se retrouvent également autour du reliquaire, peints sur 




Fig. 68. 


Petrie, Tombs of the courtiers and Oxyrhynkhos , pl. XXXI, 4 . 

Petrie, Memphis, I, IX-XIII. 

Ermàn, Religion (trad. H. Wild), p. 176. 

W Kees (Gotterglaube, p. 129 et 332 ) pense que ce reliquaire représentait primitivement une ruche. 
W Quelques signes hiératiques subsistent en haut de l’ostracon. 

W Mariette, Fouilles en Égypte, II, texte, p. 64 - 65 . 


112 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


un cercueil anthropoïde du Musée de Bologne h), Une grande déesse ailée, à gauche 
de la scène, semble protéger la relique de ses deux ailes étendues. Sur d’autres 
représentations Thot et Horus de chaque côté du reliquaire font les gestes de 
l’adoration* 1 2 ). On voit que l’imagination des scribes égyptiens n’était pas en peine 
pour accumuler les détails nouveaux destinés à donner encore plus d’importance à 
cette scène. Néanmoins, dans toutes ces représentations il n’est pas question de 
procession : tous ces échafaudages savants sont immobiles. Il n’y a que sur l’ostracon 
du Louvre et sur les deux autres documents que nous avons signalés, que la proces- 
sion abydénienne est représentée en marche, et bien que ces trtfis scènes pro- 
viennent de localités différentes, elles datent toutes les trois de la même époque, 
c’est-à-dire de la XIX e dynastie. 

Les exemples sont plus nombreux lorsqu’il s’agit de la procession de la barque 
d’Amon, les ostraca eux-mêmes la reproduisent en marche à plusieurs reprises diffé- 
rentes. L’un d’eux, conservé à Berlin * 3 ), montre huit prêtres portant sur leurs épaules 
le pavois qui soutient la barque au milieu de laquelle s’élève un naos. Autour de ce 
naos on remarque, comme pour le reliquaire d’Abydos, tout un accompagnement 
de rois, de divinités, d’éventails et de fleurs. Le même sujet est également reproduit 
sur un ostracon de Munich et sur un autre conservé à Tiibingen * 4 >. Cette dernière 
composition est plus simple : il n’y a que deux prêtres porteurs, et, sur la barque, se 
dresse une sorte de piédestal à cinq marches, en haut duquel trône un babouin qui 
tient dans sa patte un rouleau de papyrus et qui est protégé par Isis et Nephthys 
représentées sous forme de faucons * 5 L 

Tous ces dessins datent, comme le nôtre, de la XIX e dynastie ou de la XX e dynastie, 
ce qui semble indiquer que des sujets religieux qui se rencontrent à cette époque, 
figuraient aussi bien, comme nous l’avons vu, sur les murs des temples que sur les 
stèles ou les sarcophages. Ils étaient à l’honneur et devaient être appréciés également 
pour la décoration des tombes de la Vallée des Bois et aussi des tombes de particuliers 
de la région thébaine. 

On peut constater après cette brève revue des ostraca religieux de notre collection 
que les sujets, à part quelques .rares exceptions, n’offrent pas une très grande origi- 
nalité et que la façon dont ils ont été traduits par les artistes est particulièrement 
conventionnelle. Il est vrai que ces thèmes, classiques par essence, ne les autorisaient 
pas, comme plusieurs des groupes précédemment étudiés, à donner libre cours à 

(1) Bologna, Museo Civico, p. 233, n° 1971 (Cercueil de Necht-Bast-Rou ). 

(2) Berlin, statuette n* 1 7 2 7 2 ; Lady Meax collection , p. 1 08-1 09 , iT 5 oÀ; Legrain, Statues et Statuettes , 
III, pl. XXXIII, p. 62. Toutes ces références concernant le reliquaire d’Abydos m’ont été communiquées 
par J. J. Clère, auquel j’adresse tous mes remerciements. 

(3) Schafer, âgyptische Zeichnungen . . . . , 1916, 3 o, abb. 12. 

(4) Spiegelberg, O. L. Z., 3i, 1928 , p. 33g. 

(5) Peut-être est-ce un souvenir des pleureuses si souvent appelées dans les scènes de funérailles : 
« les deux milans». 


OSTRACA FIGURÉS DE DE1R EL-M EDINEH. 


113 


leur fantaisie. Néanmoins, plusieurs de ces dessins sont d’une élégance et d’une 
sûreté de main qui prouvent une fois de plus l’habileté et la technique des scribes 
égyptiens. 

L. — Les Egyptiens étaient, et sont restés, navigateurs par définition, puisque la 
grande voie de communication de leur pays est le Nil. Ils possédaient donc des barques 
de toutes tailles et de toutes formes, barques profanes répondant à tous les besoins 
de la vie journalière et barques sacrées qui servaient aux cultes. En effet, parmi 
les lêtes religieuses, l’un des épisodes les plus importants était la procession de la 
barque sacrée servant de chapelle et contenant l’image du dieu. Dans la fête d’Amon 
à Louxor, le roi faisait des offrandes devant la barque, puis le cortège gagnait le 
Nil où la barque Ouser-het, d’abord portée sur les épaules des prêtres, était ensuite 
posée sur un vrai bateau amarré à la rive du fleuve **). Elle était accompagnée de toute 
une flottille où les barques de Moût, de Khonsou, du roi et de la reine étaient 
particulièrement admirées pour la richesse de leur décoration * 2) . La cérémonie se 
déroulait à peu près de la même façon à Abydos, lors de la sortie d’Osiris. La barque 
A eshmet était sortie et promenée processionnellement sur le Nil. Ces embarcations 
sacrées faites en bois de cèdre étaient ornées de riches décorations et plaquées d’or* 5 ). 
Les dieux dans leurs navigations célestes ou infernales se servaient de ces mêmes 
barques sacrées. 

Aussi trouve-t-on dans l’art égyptien, aussi bien en peinture qu’en sculpture, de 
très nombreuses reproductions de bateaux et de barques de tout modèle * 4 ). On en 
voit quelques exemples ici sur nos ostraca, mais ils sont malheureusement tous très 
effacés ou fragmentaires. 

Sur trois de nos documents on aperçoit un de ces légers esquifs de papyrus qui 
servaient pour la pêche ou pour les promenades d’agrément. Ils voguent sur un canal 
au milieu de fourrés de papyrus. Dans l’une de ces barques (2667), on peut voir 
une femme accroupie cueillant une Heur d’eau. C’est le thème souvent reproduit 
dans de charmantes scènes qui décoraient les bibelots de toutes sortes que les anciens 
Égyptiens appréciaient tant et qui sont souvent, grâce au goût et à l’habileté des 
artisans, de véritables petits chefs-d’œuvre. On peut citer ainsi des coupes de poterie 
servant sans doute à contenir des parfums ou des onguents pour la toilette et dont le 
fond est décoré de barques qui portent des jeunes filles ou des animaux et qui voguent 
parmi les fourrés' de papyrus* 5 ), ou encore des manches de cuillers à fards dont le 
bois artistement ajouré figurait de légères embarcations de papyrus sur lesquelles des 

Wolf, Das schone Fest von Opet } pl. I, IL 
Ermàn, Religion , p. 2 34 . 

W Foucart, La belle fête de la Vallée . 

< 4) Boreux, La nautique égyptienne . 

w Wallis, Egyptian ceramic art, pl. XII, p. 24, fîg. 3g, 4o. 

i5 


Documents de Fouilles , t. Il, 3. 


114 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


jeunes filles cueillaient des fleurs et jouaient du luth au milieu de lotus en fleurs W. 
Les deux autres compositions (2666-2671) sont plus effacées encore, mais toutes 
trois gardent les restes des tons chatoyants qui les coloraient. Deux autres dessins 
très fragmentaires sont seulement tracés en noir (2668-2669). Sur le premier, trois 
rameurs se tiennent dans une sorte de cabine placée sous la voile deployee ; un oiseau 
volète en haut du mât. 11 s’agit ici, non plus d’une légère embarcation de promenade 
sur le Nil, mais d’un gros bateau servant probablement aux expéditions lointaines, 
comme celle du Pount, par exemple, figurée sur les parois du temple d Hatshepsout 
à Deir el-Bahari. Cet ostracon devait être divisé en plusieurs registres, puisque au- 
dessus de la barque, on aperçoit encore une série de vases alignés constituant peut-être 
sa cargaison de produits exotiques. Un autre ostracon (2670) figure une barque 
divine. La proue est ornée d’une tête de divinité surmontée de deux cornes en 
forme de lyre enserrant un disque solaire. C’est certainement une tête d Hathor 
telle qu’on la voit en proue et en poupe de la barque d’Horus (2 ) à Edfou; le cou est 
orné d’un large collier ousekh. Une déesse est assise sur un trône au milieu de la 
barque. L’état fragmentaire de ce morceau ne permet ni d’identifier la déesse, ni de 
juger du style du dessin. 

On est un peu déçu par la pauvreté des fragments retrouvés, d’autant plus que, 
ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, la navigation jouait un grand rôle en Egypte 
ancienne et qu’on pouvait espérer, par conséquent, trouver parmi ces dessins, des 
documents plus nombreux et plus caractéristiques. 

W. — C’est la même observation qu’on peut faire ici à propos des représentations 
de fleurs et de plantes. On sait quel rôle important et charmant le règne végétal jouait 
dans les peintures et les bas-reliefs de l’ancienne Egypte; on pouvait donc s’attendre 
à retrouver, sur nos esquisses, maintes études ravissantes de ces fleurs, de ces plantes 
et de ces arbres dont les Egyptiens aimaient à s’entourer et à orner leurs maisons et 
leurs jardins. Au contraire, les ostraca de cette sorte sont assez rares. On peut cepen- 
dant signaler quelques exemples intéressants du célèbre lotus ( Nymphéa caeruleaj, 
fleur favorite des anciens Egyptiens à toutes les époques. Les artistes avaient su tirer 
un parti remarquable de cette ravissante fleur; on la retrouve dans les frises, dans les 
décorations, dans les bouquets, formant des bijoux ou des coupes, décorant des 
meubles et des objets de toutes sortes. Parmi ces quelques dessins de lotus, un très 
bel exemple (267/i), moins conventionnel que les autres, semble être une étude 
d’après nature. Il est d’un style un peu lourd, mais il garde une vigueur, une santé 
et un charme de couleurs qui évoquent réellement l’étude d’après nature. 

Un autre dessin (2675) de fleurs de lotus s’oppose au précédent par sa composition 
symétrique et décorative et par son style élégant mais apprêté et convenu. Quelques 

(') Capart, Recueil de Monuments, 2' série ( 1 g o 5 ) , pl. LXX. 

m Rochemosteix-Chassinat, Edfou, I, pl. XII. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII. 


115 


autres ostraca (2678-2679) figurent encore des fleurs de papyrus et aussi des fleurs 
de lotus. Un fragment de calcaire (2680) représentait sans doute une scène d’inté- 
rieur car on y voit encore un siège sur lequel un personnage était assis. Il portait 
également une guirlande de feuilles lancéolées, colorées en vert, d’un dessin un 
peu facile. 

Enfin quelques palmiers, l’arbre familier des paysages égyptiens, sont également 
esquissés sur ces ostraca. Le plus joli exemple est un petit palmier-doum (2682), 
aux grandes feuilles en éventail et d’une forme bien équilibrée ou 1 on reconnaît les 
palmiers si souvent figurés dans les scènes de cueillette de noix. 

On a retrouvé à Deir el-Medineh un grand nombre de poteries très variées de formes 
et de décors. Ces vases étaient souvent ornés de fleurs et d’éléments végétaux. Cer- 
tains rappellent précisément quelques-uns des ostraca (d qu’on vient de voir et il est 
possible que ces études aient servi à composer les motifs décoratifs destinés à orner 
ces coupes et ces amphores. 

X. — Ce sont encore des motifs exclusivement décoratifs que nous présentent les 
ostraca de cette série ; on y reconnaît facilement des esquisses pour ces jolis plafonds 
qui ornaient les tombes de la région thébaine, de la XVIII e à la XXI e dynastie. Ces 
plafonds, qui figuraient des dais d’étoffes colorées f 2) , émaillaient de leurs couleurs 
vives et variées les chapelles et les caveaux funéraires ; l’imagination des décorateurs 
semble avoir été inépuisable dans ce domaine, mais les fragments qui ont été retrouvés 
sur les ostraca figurés ne donnent qu’une bien faible idée de l’infinie variété de ces 
thèmes et de leurs splendides couleurs. Ce sont des formes géométriques composées 
et combinées avec des motifs floraux, lignes, cercles, rinceaux s’entremêlant avec des 
fleurs de lotus ou des pétales de fleurs (2688-2689-2690-2691) W. 

Les quelques petits fragments que nous possédons peuvent être rapprochés de 
certains plafonds connus, dont la disposition est à peu près semblable. Ainsi on peut 
voir le motif de rinceaux (2 858 ) ornés de fleurs de lotus, qui est assez frequent a la 
XIX e dynastie ( 4 ). Un autre, plus simple et formé seulement de carrés alternativement 
ornés de figures géométriques et de fleurs stylisées (2689), se retrouve également 
comme motif de plafond de plusieurs tombes thébaines ( 5) . 

A ces esquisses de plafond on a joint d’autres éléments décoratifs qui n’offrent 
pas un très grand intérêt : on y trouve un de ces grands éventails qu’on employait 

Bruyère, Deir" el-Medineh, 1933-1934 (Caire 1937), p. 112-11 3 , fig. 4 8 - 4 9. 

W Jéquier, La décoration égyptienne, p. 6 . 

Jéquier, dans son intéressante étude sur la décoration égyptienne, fait observer qu’à la XVIII e dy- 
nastie les motifs étaient seulement géométriques ; ils perdent cette belle sobriété à la fin de la XIX e dynastie 
et montrent aux XX e et XXI e dynasties des combinaisons de formes géométriques compliquées de végétaux 
et même d’animaux. Jéquier, ap. cit p. 7 et sq. 

W Id., ibid pl. XXXIII (Tombe de Nésipa-nefer-her). 

W Id., ibid., pl. IX; Davies, Tivo sculptors al Thebes, pl. XXX, 


116 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


dans les cérémonies religieuses (2699); de grands cartouches, des uræus, tous ces 
dessins ont dus être exécutés comme des exercices ou comme des aide-mémoire, 
par des débutants, car ils sont tracés d’une façon un peu indifférente et relâchée, 
mais néanmoins assez habile. 

Les trois esquisses d’éléments architecturaux qui terminent notre recueil de planches 
sont plus intéressantes. On sait que de véritables plans d’architectes ont été retrouvés, 
qui étaient tracés sur des fragments de calcaire W. On connaît même un tracé de voûte 
qui date de la III e dynastie ( (l) 2 ) et un autre plan datant de la XX e dynastie qui aurait 
servi à l’édification du plafond de la chambre funéraire de Ramsès VI dans sa tombe 
de la Vallée des Rois! 3 ). } c i nous n’avons pas de véritables plans, mais des parties 
de monuments qui sont peut-être des dessins d’architectes. La colonne (2701) est 
une simple esquisse faite rapidement à la pointe du calame. Une ligne verticale est 
tracée au milieu de la colonne, selon les principes de la mise en place d’un objet 
symétrique; elle a un bon équilibre et une assez bonne proportion (quoiqu’elle soit 
un peu lourde), malgré son exécution hâtive. 

Le dessin de la porte (2702), qui est inscrit sur un beau morceau de calcaire 
lisse est plus soigné. Les traits ont une précision, une netteté et une régularité qui 
évoquent le tire-lignes, la règle et l’équerre. L’ensemble figure une façade de naos 
dont le toit est légèrement arrondi. La décoration est simplement constituée par une 
sorte de tympan dominant la porte et divisé en deux registres; ceux-ci sont ornés 
de groupes de lignes verticales figurant sans doute de petites fausses-portes. Le vide 
formé dans les angles par l’arrondi du tympan est comblé par un œil oudjat. L’en- 
semble est sobre et élégant de proportion et témoigne d’une grande habileté et d’une 
grande pratique du dessin. 

Il est évident, qu’en comparaison des scènes si variées et si amusantes qui 
figurent sur la majeure partie des ostraca de cette collection, ces simples croquis 
de motifs décoratifs manquent un peu d’intérêt; néanmoins ils méritaient, nous 
a-t-il semblé, de figurer dans l’ensemble de ces esquisses. Ils montrent à quel 
point l’activité des dessinateurs égyptiens fut variée : aucun domaine 11e leur 
était étranger, sujets de genre, sujets humoristiques, portraits, silhouettes hu- 
maines, animaux, végétaux et ornements leur semblaient également bons à repré- 
senter et à interpréter avec leurs pinceaux. Cette variété et cette abondance de 
croquis de toute sorte sur ces fragments de calcaire paraissent l’image même de la 
vie débordante et laborieuse qui animait cette petite colonie d’artisans de Deir 
el-Medineh . 

(l) Daressy, Ostraca , 11" 2 5 1 8 '1 , pl. XXXII. 

B. Gunn, Annales du Service , XXVI, p. 197 et id., XXVII, p. 157. 

(3) G. Daressy, Annales du Service, VIII, p. 2 38 ; cf. aussi Annales du Service, XXVII, p. 72, où Engelbach 
publie un plan de chambre à quatre colonnes, ainsi que Clarke et Engelbach, Ancient Egyptian Masonry, 
p. 5 o, fig. 5 o, 5 i, 52. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


117 


CONCLUSION. 


Pour conclure cette étude sur les ostraca figurés, ii nous faut condenser et résumer 
plusieurs des idées et des explications qu’on a tenté de donner au cours de ces pages. 
Ces explications ont déjà répondu aux nombreuses questions que suscite l’examen 
des planches sur lesquelles sont reproduits la plupart des ostraca provenant de Deir 
el-Medineh. Nous avons vu les raisons matérielles qui expliquent la présence d’un si 
grand nombre d’ostraca dans cette partie de la nécropole tbébaine : abondance des 
lragments de calcaire tombés des falaises rocheuses et réunion, à cette époque et à cet 
endroit, de toute une équipe de peintres et de scribes. Une autre question se pose 
également, concernant le but et l’utilité de ces dessins et compositions sur calcaire. 
On imagine mal, en effet, une œuvre absolument désintéressée dans l’art égyptien, 
dont les manifestations eurent, de tout temps, un objet, précis et utilitaire. Nous avons 
vu que certaines scènes représentées sur ces ostraca, tels le duel au bâton, ou le 
bouvier conduisant son bœuf, se retrouvaient sur des monuments. Il faut mentionner 
aussi, parmi les plus intéressants, l’ostracon du British Muséum, représentant Ram- 
sès III, debout sous un kiosque à colonnettes et salué par deux tlabellifères b). La 
même scène, dans la même disposition, est reproduite sur une des parois du grand 
temple le Medinet Habou ( 2 >. Rappelons également l’ostracon de Houy figurant le 
portrait du peintre par lui-même et dont on trouve une réplique dans la tombe 3 59 
d’Anhourkhaoui W. Certains indices nous ont permis aussi de supposer que quelques- 
unes des scènes de gynécées décoraient les murs des maisons du village. On a démontré, 
enfin, la parenté qui existe entre quelques-uns des sujets peints sur calcaire et beau- 
coup de ceux qui ornent des objets tels que des vases, ou des coupes en poterie, des 
bronzes ou des scarabées. Enfin, les ostraca satiriques sont également à rapprocher 
des papyrus satiriques connus, et il est à peu près certain que les ostraca, que nous 
avons signalés comme des illustrations de fables, tel celui du chevreau dansant ou 
celui de la chatte et du singe conservé à Berlin, devaient illustrer des papyrus aujour- 
d’hui perdus ; Ainsi peut-on supposer que les artistes s’exerçaient sur des morceaux 
de calcaire sans valeur et cherchaient l’expression d’un mouvement, ou le groupe- 
ment d’une scène avant de les reproduire définitivement sur le monument, l’objet ou 
le papyrus qu’ils avaient -à décorer. 

(l) Cap art, Documents, pl. 7 1-7 2. 

Nelson, Medinet Habu , Ramsès IIFs Temple , part II, vol. II, pl. 79 à 126. 

(8) Schafer, Agyptiscke Zeichnungen . . p. â 5 , abb. 3 ; Erman, Ein Maler des N . R ., dans À . Z. 9 XLII 
(igo 5 ), p. i 3 o; Spiegelberg, Der Maler Heje , dans À. Z., LIV (1918), p. 77-79. 

16 


118 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Une partie de ces ostraca peut donc être considérée comme les feuillets d’album 
d’artistes qui cherchaient une esquisse ou un motif décoratif! 1 ). 

D’autres dessins apparaissent imparfaits, hésitants et on a pu en voir qui étaient 
véritablement des essais de débutants, quelques-uns mêmes portaient des traces de 
corrections faites par la main du maître. D'autres, enlin, étaient des dessins de mé- 
moire reproduisant imparfaitement des sujets qui. «avaient été traités sur des monu- 
ments antérieurs datant de la XVIII e dynastie : la reine de Pount de Deir el-Bahari 
en est un excellent exemple. Les débutants exerçaient ainsi leur mémoire visuelle, 
qui semble avoir été très poussée chez les artistes égyptiens. Ces pierres jouaient 
donc également le rôle de feuilles de brouillon d’un cahier d’écolier. Faut-il en 
conclure qu’il existait à Deir el-Medineh une école de peintres et de dessinateurs? 
Je ne crois pas qu’on puisse parler exactement d’une école, dans le sens où, à 
notre époque, nous entendons l’enseignement artistique, c’est-à-dire plusieurs élèves 
groupés autour d’un maître qui leur enseigne les règles d’un métier, dans lequel ils 
ne s’essaieront que lorsqu’ils auront un bagage de connaissances suffisant et 'qu’ils 
pourront, avec indépendance, produire des œuvres personnelles. En Egypte, le 
travail était collectif, les artistes en possession de leur art étaient chargés de tracer 
sur les parois les objets de leurs compositions; après eux passait la troupe des 
peintres apprentis qui peignaient les fonds et coloriaient les figures. Enfin, les maîtres 
repassaient de nouveau pour corriger, affermir les contours, dessiner les détails. Les 
élèves étaient donc employés dès leurs débuts et se familiarisaient peu à peu avec leur 
métier, en le pratiquant. Ils progressaient au contact des maîtres en les voyant œuvrer. 
Il y avait probablement à Deir el-Medineh, non pas une école, mais un groupe arti- 
sanal dans lequel maîtres et apprentis travaillaient en collaboration, et si les maîtres 
saisissaient parfois un éclat de calcaire, pour y tracer un projet ou une figure, lés 
apprentis les imitaient pour retracer de mémoire des scènes connues, à moins qu’ils 
ne s’exerçassent à reproduire des thèmes classiques dont quelques-uns même n’étaient 
plus employés comme illustrations funéraires, mais subsistaient seulement comme 
thèmes d’exercice. C’est ce qui expliquerait à la fois le grand nombre de mêmes 
sujets retrouvé, tels ceux des singes dans les palmiers ou des singes conduits en laisse, 
et l’absence de ces mêmes sujets dans les monuments de l’époque. 

Beaucoup d’ostraca, présentant des figures ou des thèmes religieux, étaient des 
ex-voto. Il y avait, à Deir el-Medineh même et dans les grottes de la montagne voisine, 
comme nous l’avons vu, des chapelles dédiées à tel ou tel dieu, dont les murs devaient 

(1) C’est également la conclusion à laquelle arrive Davies en examinant deux ostraca trouvés dans la 
tombe de Puyemrë c , dont l’un a servi, sans doute possible, à l’établissement d’une des scènes qui illustre 
cette tombe ; cf. Bulletin of the Metropolitan Muséum of Art , New York, May 1 987, p. 3 o. Cf. aussi J.Ë. A., 
IV, 1917, p. 235 . Un des ostraca trouvés par Schiaparelli ( Relazione sui lavori délia missione. . . vol. I, 
fig. 120) dans la tombe de Sethirkhepshef reproduit une attitude du jeune prince tel qu’on peut le voir 
sur les murs de son tombeau, ce qui confirme une fois de plus cette thèse. 


i 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


119 



être couverts de ces ex-voto. Il est probable qu’ils trouvaient également leur place, sur 
les parois des chapelles domestiques ou auprès des autels, sortes de «laraires», dont 
chaque maison était pourvue. Le grand crocodile «Sobek», retrouvé au cours des 
fouilles dans une maison du village, devait être ainsi encastré dans la paroi de cette 
maison ; les traces de plâtre qu’on peut relever tout autour sur le bord du morceau 
de calcaire en font foi. 

En dehors de ces quelques raisons qui viennent d’être énumérées et qui ont pu 
être à l’origine de ces dessins sur calcaire, il faut reconnaître qu’un grand nombre 
de ces esquisses a dû être fait sans intention déterminée. On a dit plus haut que l’art 
égyptien fut rarement désintéressé, mais dans ce domaine des ostraca figurés, on 
doit reconnaître, au contraire, le caractère de passe-temps et d’amusement de la m«ajo- 
rité de ces petites pièces. Je ne pense pas que les scribes, en dessinant sur ces pierres* 
aient eu l’intention de faire œuvre d’art. Cette conception même devait échapper à 
leurs esprits positifs. Mais ils dessinaient sans but précis, pour le seul plaisir de repro- 
duire un mouvement, la pose d.’un animal entrevu dans la journée, ou une idée 
comique ou critique. Lorsque les artistes rentraient chez eux après de longues jour- 
nées passées dans les hypogées royaux, ils éprouvaient le besoin de se délasser. Dans 
leur travail de décoration des tombeaux de la Vallée des Rois, ils devaient se plie# à 
des règles strictes ; ces compositions élaborées à l’avance comportaient des thèmes 
classiques et religieux qui leur étaient imposés, sans qu’il leur fût possible de faire 
intervenir leur propre fantaisie ou leur inspiration personnelle; aussi, après leurs 
heures de travail, s’extériorisaient-ils et se laissaient-ils aller à leur verve et à leur 
fantaisie en dessinant et en coloriant ces images librement choisies et exécutées. La 
qualité dominante de ces ostraca figurés est, en effet, cette liberté de technique et 
d’esprit qu’on y remarque. Nous avons déjà dit, à propos des scènes satiriques, le 
rôle que le souvenir de l’époque amarnienne avait dû jouer sur cette liberté d’esprit. 
Il est évident que les années d’el-Amarna avaient été, pour les artistes, une période 
d’affranchissement. L’influence de cette époque si vivante s’est certainement fait 
sentir, longtemps encore, après la fin du schisme atonien. Les artistes de la cour d’Akh- 
naton ont dû, après la mort du roi, et surtout après le retour de Toutankhamon à 
Thèbes et le nouveau triomphe de la religion d’Amon, déserter la ville désormais 
sans vie, et revenir dans la région thébaine que la puissance et l’autorité des prêtres 
d’Amon rendaient florissante. Il est donc permis de supposer que plusieurs de ces 
peintres étaient venus se fixer dans ce village d’artisans qu’était alors le site de Deir 
el-Medineh, et qu’ils y vécurent et y travaillèrent encore quelque temps, puisqu’il 
n’y a guère plus de cinquante ans entre la chute d’Amarna et le règne des rois de la 
XIX e dynastie. Certaines tombes de Deir el-Medineh portent la marque de cette 
influence dans le style presque amarnien dans lequel elles sont dessinées! 1 ). Sur les 

<<) Tombe de Nou et Nakhtmin (n” 291) et tombe de Nebnekbt (n° 269). 

l6 . 


120 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


ostraca, ce style n a pas subsiste et 1 inlluence amarnienne se réduirait, ainsi que 
nous l’avons dit, à l’indépendance d’esprit qui domine dans les sujets satiriques. 
La liberté relative de la technique avec laquelle les artistes traitaient les sujets qu’ils 
abordaient sur ces « pages d’album», est due probablement à l’abondance de ce maté- 
riel gratuit que constituaient ces éclats de pierres. Le dessinateur se sentait moins 
craintif, moins gêné en face de ces pierres que s’il se fut agi d’un papyrus. Quand je dis 
que la liberté de sa technique était relative, je veux dire que si le choix des sujets sem- 
blait absolument libre, ainsi que l’esprit dans lequel ils étaient traités, l’artiste res- 
tait cependant assez soumis aux lois techniques de son métier. Dans quelques cas 
seulement il tente d assouplir ce ïiiétier : il se hasarde à dessiner des épaules de 
profil (n os 2469-2470), à courber un corps dans un mouvement souple (n° 2899), 
à chercher une pose d’animal un peu moins conventionnelle qu’à l’ordinaire. Ges 
audaces se trouvent rarement ou difficilement dans la peinture officielle. Enfin, quel- 
quefois, un essai de modelé (n° 2670) contraste avec la formule des tons posés 
à plat. Ces tentatives sont malheureusement rares, même dans ces petits dessins; 
il semble que les artistes égyptiens écrasés par les tenaces traditions de leur passé 
aient essayé en vain de secouer un joug que leurs maîtres, d’ailleurs, désiraient main- 
tetir. Ces essais sur calcaire montrent que, si dans certains cas, l’art égyptien est resté 
immuable pendant des siècles, si les mêmes formules, les mêmes thèmes ont été indé- 
finiment répétés de la meme façon, cela ne signifie pas que les artistes ne pouvaient 
pas faire autrement ou qu’ils ne voyaient pas de la même façon que nous, mais plutôt 
qu’ils ne le voulaient pas. Cette forme d’art satisfaisait absolument l’esprit et 1a vision 
d un peuple qui ne desirait pas évoluer, quoique les artistes eussent disposé de 
toutes les qualités nécessaires pour affranchir cet art des règles étroites qui l’enser- 
raient. 

Les beaux dessins du cheval (n° 2 1 57), de la chasse à la hyène (2 2 1 1 ), de la balle- 
rine du Musée de Turin, pour ne citer que ceux-là, montrent combien rapidement 
1 art se serait assoupli et dégagé de cette loi de Irontalité, qui ne fut certes jamais 
absolue, mais qui lut cependant un empêchement a toute émancipation complète. 

La grande variété des sujets sur les ostraca prouve que la fertilité d’imagination 
qui, en dépit de son caractère concret et précis, était assez fantaisiste, semble elle- 
meme avoir ete génee par la tradition. C est à cela sans doute qu’il faut attribuer 
1 absence de variété dans la composition même des sujets qui se répètent à chaque 
uoquis, dans le meme ordre: seuls parfois quelques détails varient. De même est-ce 
par tradition ou par habitude que, jamais ou très rarement, les dessins ne semblent 
avoir été faits d’après nature. La mémoire visuelle des artistes parait avoir été remar- 
quable : lorsqu’ils avaient observé un personnage, un animal, un mouvement, il 
était inutile qu’ils en prissent un croquis sur le vif. Ils l’enregistraient dans leur 
mémoire fidele et alors se faisait en eux un travail de stylisation et de synthèse. L’image 
admirablement vue et observée était filtrée par l’esprit et reproduite dans la forme 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 


121 

stylisée et décorative que nous connaissons. Cette faculté qu’avaient les artistes égyp- 
tiens, de recréer dans leur esprit les formes de la nature, selon un canon donné, a 
fait de l’art égyptien un art dépouillé de toute sensualité et exclusivement cérébral 
et spirituel. 

Le côté sérieux de cette formule artistique est particulièrement sensible dans les 
œuvres officielles et traditionnelles où les qualités professionnelles et la réputation 
de l’artiste étaient en jeu. Il est moins marqué dans les dessins sur ostraca, qui, 
en revanche, montrent le laisser aller plein de charme, la spontanéité et l’humour 
propres aux esquisses. 

C’est, dans ces qualités que réside le principal intérêt de ces petites peintures : 
elles nous rappellent que ce peuple asservi et laborieux était cependant gai et iro- 
nique, et ces artisans modestes dont toute la vie fut occupée à retracer sur les parois 
des tombeaux la gloire immortelle du Pharaon et les occupations de la société de 
leur temps ont involontairement laissé sur ces éclats de pierre la marque de leur 
activité, de leur intelligence spirituelle et de leur riche et féconde vie intérieure. 

Ces dessins apparaissent comme une explosion de vie entièrement détachée de 
toutes les préoccupations de mort et d’éternité dont ce peuple, le plus religieux, 
peut-être, de l’antiquité a été animé tout au cours des longs siècles de son évolution, 
et à ce titre ils méritent une place dans l’histoire de l’art et de la civilisation de l’an- 
tique Égypte. 


‘7 



INDEX DES NOMS ÉGYPTIENS CITÉS DANS LE TEXTE. 


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INDEX. 


Aboutir, 2 3 . 

Abydos, 98, 99, 100, 110, 11 B. 

Abyssinie, 48 . 

Acacia Nilotica, 38 , 39. 

Acacia Seval, B9. 

Addax, 42 . 

Akhenaten, 79, 119. 

Amenemhat , 24 , 28, 5 o, 91. 

Amenhotep, fils d’Hapou, 3 , 5 , n. 2. 

Aménophis I, 94, 101. 

Aménophis JIT, 47, 62, 100. 

Aménophis IV, 3 a. 

Ammotragus tragelaphus, cf. Mouillons. 

Amon, 26, n. 1, 98, 107, 108, 109, 112, 1 1 3 , 
A ! 19 * 

Anes, 36 , 79, n, 1. 

Anna, 5 o. 

Anoukis, 108. 

Anhourkhaoui, 117. 

Antef, 47. 

Antilope, 43 . 

Anubis, 62, 106, 107. 

Apis, 24 . 

Apophis, 44 , 46 . 

Ari-nefer (tombe de), 102. 

Asiatiques, 17, 35 , 54 . 

Asie, 35 . 

Asie mineure, 32 . 

Assouan, 66. 108. 

Astarté, 34 , 35 . 

Atef, 56 , 98, 102, 107, 111. 

Babouins, 7, 8, 11. 17, 20, 106, 112, n3. 
Baki (tombe de), 56 . 

Barbus bynni, 65 , 67. 

Barques, 81, n. 1, 110, 112-, 11 4 . 

Bastet, 44 , 53 . 

Bateaux, 7 5 , 83 , n. 3 , 11 4 . 


Béni Hasan, 12, 44 , 45 , 56 , 69. 

Bergers, 9 4 , 38 , 3 q, 4o, 47, 69, 7 5. 

Bès, 16, n. 1, 76, 81, 82, 84 , io 4 -io 5 . 
Bœufs, 22 à 3 i , 36 , 69, 93, 11*7. 

Bos africanus, cf. bœufs. 

Bos Taurus macroceros, cf. bœufs. 

Bouquetin Beden, 4i, 5 o. 

Boucs, 108. 

Bouviers, 22 à 3 1 , 38 , 117. 

Brasserie, 77. 

Bubastis , 44 . 

Byblos , 5 q. 

Le Caire (pap. Satirique), 69, 70, 82. 
Caméléons, 61. 

Canards, 67, 68. 

Carnarvon (Tablette), 33 . 

Cercopithèques, 9. 

Chacals, 17, 62, 80, n. 1, m. 

Chars , 3 i à 33 , 36 , 5 o , 53 à 55 , 72, 

^ 99 * 

Chasses, 47, 48 , 5 o, 54, 55. 

Chats, 44 à 47, 69 à 72, 80, 90, 92, 11 
Chauve-souris, 56 , 67. 

Chemnis, io 3 . 

Chephren, 110. 

Chevaux, 3 i à 38 , 5 o, 54, 72, 120. 
Chevreaux, 43 , 75, 78, 117. 

Chèvres, 38 , 3 g, 4 o, 44, 70, 76, 77, 78. 
Chiens, 36 , 47 à 5 i, 60, 72, 76, 78, 89. 
Chnoum, 62, 84 , 107, 108. 

Chromis du Nil, 55 , 65 , 66. 

Colonnes, 116. 

Convolvulus, 83 , 84 . 

Coplos, 109. 

Coqs, 80, n. 1. 

Corbeaux, 11, i 4 , 64 . 

Criquets pèlerins, cf. Sauterelles. 


INDEX. 


125 


Crocodiles, 55 , 56 , 61, 62, 80, n. 1, 119. 
Cynocéphales, 7, 8, 9, 16, 76, 106. 

Dafila acuta (cf. canards). 

Daga (tombe de), 23 , n. 2. 

Danse, 18,. 19, 85 , 88, io 4 . 

Danseuses, 85 à 88 , 93. 

Dapour, 72. 

Dattes, i 3 . 

*Deir el-Bahari, 3,7,9, * 3 , 57, 62, . 84 , ii 4 , 118. 
Deir el-Medineh, passhn. 

Delta, 55 , io 5 . 

Dendor, 67. 

Drak ahouV Neggah, 82, 91, 92. 

Edfou, 34 , 1 1 4 . 

El Amarna, 9, i 4 , 21, n. i, 3 o,n. 3 , 68, 72, 73, 
74, 76, 79, 82, 85 , 91, 92, 95, 119. 
Éléphantine, 108, 109. 

El Kab, 1 6 , n. 1 . 

Éperviers, 99. 

Esneh, 43 , 108. 

Esope, 75, 79. 

Ethiopie, 48 , 76. 

Étourneaux, 68. 

Fables, 19, 79, 80. 

Farchout, 42 . 

Fayoum, 45 , 55 , 68. 

Figues, 12, 93. 

Figuiers, 12. 

Fileuses, 93, 94. 

Flûtes, i 4 , 19, 76, 78, 85 , 87 , 88. 

Gazelles, 42 , 43 , 44 , 48 , 49, 5 o, 5 i, 72. 
Genévrier, 9 2 . 

Girafes, 57 à 69. 

Gizeh, 55 , 110. 

Gournah, 43 . 

Gourob, i 4 , 18, 19. 

Grenouilles, 61, 62. 

Griffons, 59, 60. 

Grives, 68. 

Hadès, 64 . 

Harpes, 44 , 71, 73, 79, n. 1, 80, n. 1, 87. 
Harpistes, 73, 87. 

Hatchepsout, 9, i 3 , 42 , ii 4 . 

Hathor, 3 o, 80, 89, io 5 , 106, ii 4 . 

Heket, 62. * 

Hémaka, 2. 

Hermopolis Magna, 106. 


Hérodote, 92. 

Hippopotame, 64 , 77. 

Hircus mambrinus, cf. chèvres. 

Hircus reversus, cf. chèvres. 

Hircus thebaïcus, cf. chèvres. 

Hirondelles, 64 . 

Horemheb, 10, 53 . 

Horus, 55 , 62, 83,98, io 3 , 1 o 4 , n. 5 , 1 12, 1 1 4 . 
Houy, 57, 117. 

Hyènes, 48 , 49, 5 o, 55 , 56 , 94, 120. 

Hyksos, 3 1 , 79, n. 1 . 

Hyla arboreas, cf. grenouilles. 

Hyphaene thebaïca, cf. Palmiers Doum. 

Ialou, 3 o. 

Ibex, 4 i, 42 , 44 , 49, 5 o. 

Ibis, 106, 111. 

Inde, 52 . 

Ipouy (tombe de), 4 o, 45 , 62, 53 , 75, 98. 

Isis, 83 , 89, 102 à io 4 , 112. 

KÀ, 84 . 

Kadesh, 7 2 . 

Kagemni, 48 . 

Kaouit, (sarcophage de) ,71. 

Karnak, 72, 109. 

Kenamon, 1 3 , n. 4 , 33 , n. 4 . 

Khâ (tombe de), 74. 

Khabekhnet (tombe de), 67, n. 3. 

Kkemenou , 106. 

Khepri, 107. 

Khonsou, 11 3 . 

Kordofan, 58 . 

Koush, 53 . 

Labeo nilotica, cf. Labès. 

Labès, 65 . 

Lévriers, 47, 48 . 

Lézards, 61, 62. 

Liban , 42 . 

Libye , 45 . 

Lièvres, 18, 5 o. 

Lions, 48 , 49, 5 o, 5 i, 53 , 54 , 55 , 72, 80. 
Lits , 73, 81, 82, 84 . 

Londres (pap. satirique), 69. 

Lotus, 26, 52 , 80, n. 1, 81, 82, 88, 108, ii 4 , 
1 15 . 

Louxor, 63 , 72, 84 , 109, ii 3 . 

Luth, 80, n. 1, 86, 87, ii 4 . 

Mahes, 53 . 

Médinet-Habou, 3 , i 5 , 72, 91, 92, 417. 


126 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


Memphis, 107, i n, 

Mendès, i o 8 . 

Menkheper-Rë% cf. Thoutmosis III. 
Mentouhotep III, 3 , n. î. 

Meutouioui, 5o. 

Mentouherkhepeshef, 3 4 . 

Mera, 4o. 

Meresger, 89, 102. 1 o3, io4, io5. 

Mer Rouge , 4a, 45 . 

Min, 25 , n. 1, 68, 109-110. 

M 0 e alla, 7, n. 1. 

Mouillons, 4 i. 

Mormyres, 65 , 67. 

Moût, 109, n 3 . 

Mugii cephalus, cf. Mulets. 

Mulets, 66. 

Mulots, 46 . 

Mus rattus, cf.-Rats. 

Musiciennes, 78, 85 à 88. 

Musique, 85 à 88, io4. 

Nakht, 45 . 

Naos, 110, 112, 116. 

Neferrenpet, 45 . 

Nefertari, 101. 

Nefertoum, 53 , 54. 

Nègres, 8, 17, 19, n . 1, 53 , 54, 97 . 
NePHTHYS, 112 . 

Neshmet, 110, il 3. 

Noix de Doums, 7 , 11. i 2 , i5, jô, 7 /, -5 
Non, 64 . 

Nubie, 7 , i 3 , i 4 , 21, a 3, 4 a , 58 , 80. 
Nubiens, 7, 8, 9, 10, i3, 17, 53, 97. 
Nymphéa caerulea, cf. Lotus. 

Offrandes (scènes d’), 69, 71, 89. 

Ogdoade, 62. 

Oies, 4 7 , 69, 80, n. 1. 

Oiseaux, 46 , 67, 68, 11 4 . 

Ombos, 55 . 

Oryx, 4 2, 44. 

Osiris , â 5 , io 3 , 110-111, ii3 
Osorkon, 98. 

Our , 79, n. 2. 

Ousekh, 11 4 . 

Ouserhet, 11 3 . 

Ovis Palaeoaegyptiacus , 108. 

Oxyrhynchos, 67. 

Palestine , 42 . 

Palmiers, 6 à 1 6, 5 7 , 1 1 5 , 1 1 8. 


! Palmiers-doums, 6 à 16, 17, 36 , 7 4, 11 5 . 
Papio Hamadrias, cf. Babouins. 

Paprémis , 9 2 . 

Papyrus, 26, 44 , 9 4, n3, n5. 

Pashed, 108. 

Pèche, 55 , 67, 94. 

Pentaour, 55 , n. 1. 

Perséa. 46 . 

Phoenix dactylifère, cf. Palmiers. 

Plafonds, 11 5 . 

Poissons, 4 7 , 55 , 64 à 67, 9 â. 

Porcs, 64 , n. 2. 

1 Pount, 7, 9, i3 ) n8. 

Ptahhetep, 2 5 , n. 5. 

Ptah, 107. 

Pyramides (textes des), 63 . 

Ramesseum, 3 , n. 5 , 72, 99. 

Ramsès II, 6, 19, 98, 99, 100, 108, 110. 
Ramsès III, 6, 117. 

Ramsès IV, 6, 5o, 72. 

Ramsès VI, 116. 

Rana mascareniensis, cf. Grenouilles. 

Rats, 11, 46 , 69, 70, 71, 72, ? 4 , 79, 92. 
Ré', 44 , 46 , 53 , 80, 107. 

Récolte de fruits, 11 à 16, 7 4. 

Rédésieh, 34. 

Rê'-Hotep, p 4 , 9 5, 99. 

Rekhmirê' (tombe de), 7, n. 7, 9, 20, a5, 5 7 ( 
90. 

Renards, 69, 70, 71, ? 5, 80, n. 1. 

Saqqarak, 2, 22, 2 3 , 4 i, 45 , 48 , 55 , 6i, 66. 
Satis, 108. 

Sauterelles, 63 , 90. 

Scarabées, 47, n. 3, 77, 109. 

Scorpions, 62. 

Selkit, 62. 

Sémites, 97. 

Serpents, 61, 62, 7 3 , 82, 102, io4, 111. 

Seth, 55 , 68, 107. 

Séti I, 6, 34 , 98, 100. 

Shabakon, 107. 

Shou, 53 . 

Sinai , 35 , 42. 

Singes, 6 à 21, 7 3 , 7 4 , 7 5, 78, 79, n. 1, 9 o, 
9 3 , 117. 118. 

Siphons, 76. 

Sobek, 55 ', 107, 119. # 

Soudan , 48 . 

Souris, 69, 70, 76, 80. 


Sphinx, 102, 110. 

Sumériens, 79, n. 2. 
Sycomores, 63 , 64 , 93. 
Synodontis Sehall, 66. 

Syrie , 23 , 35 , 69. 

Syriens, 17, 3 i, 54 , 60, 76, 

Taureaux, 22 à 3 i, 5 i. 

Tkèbes, 37, 45 *, 66, 67, 108, 
Thot, 16, 53 , 73, 80, 10 5 , 
Thoutmosis III, 98. 
Thoutmosis IV, 35 . 

Ti (tombeau de), 68. 

Tilapia Nilotica, cf. Chromis. 


n 


9 °> 9 1 • 

119. 

112. 


INDEX. 127 

Tortue, 87. 

Toueris, 10 5 . 

Toutankhamon , 32 , 37, 119. 

Turin (Pap. satirique de), 64 , 69, 72, 76, 78, 

9 9i 

Uræus, 98,^9, io 3 , 116. 

Vaches, 29, 3 o, io 5 . 

Vallée des Reines , 102, 107. 

Vallée des Rois , 23 , 85 , 101, 116, 119. 

Veaux, 29, 49, 5 o, 5 i . 

Zauiet el Méitin, 4 o. 





/ 


TABLE DES MATIERES 


Introduction 

Technique 

Date 

A. — Singes grimpant dans un pal- 

mier doum 

Récolte des fruils 

B . — Babouins conduits par un 

homme 

Danse des singes 

C. D. — Bouviers conduisant des bovidés. 

Taureaux combattant 

Gavage des bœufs 

E . — Chevaux et chars 

Cavaliers 

F. — Cervidés. 

Chèvres 

Moufflons 

Ibex 

Gazelles . . . . 

G. — Chats 

E. — Animaux à la chasse 

J. — Chacals 

/. — Animaux divers 

Lion royal 

Hyène et crocodile 

Chauve-souris. 

Girafe 

Griffon 

Caméléon 

Grenouille 

Scorpion 

Sauterelle 

Hippopotame 


Pages. 


K. — Poissons : . 64 

L . — Oiseaux 67 

M. — Satiriques 68 

Chats bergers. 69 

Offrande funéraire 70 

Coiffure et toilette 71 

Scènes de guerre 72 

Harpiste 78 

Scribe 73 

Singes et sacs de noix 74 

Renard flûtiste 75 

Chien buveur 76 

Brasseurs 77 

Porteurs d’offrandes 78 

Contes el légendes religieuses. . . 79 

N. — Scènes de gynécées. . . 80 

Coiffure 81 

Allai temenl 83 

Naissance 84 

O. — Musiciennes et danseuses 85 

Joueuses de luth 86 

Harpistes 87 

Flûtistes 87 

P. — Scènes d’offrandes et d’adoration. . 88 

Q. — Personnages dans des scènes et des 

attitudes diverses , 90 

Duel aux bâtons 91 

Fileuse 93 

R . — Têtes humaines 96 

S . — Figures royales 97 

T. — Têtes royales 99 


Pages. 

1 

3 

5 

6 

1 0 

1 6 

18 

22 

27 

9 9 

3i 

34 

38 

4o 

4 1 

lu 

43 

44 

4 7 

52 

53 

53 

55 

56 

57 

5 9 

61 

6 1 

62 

63 

64 


130 


TABLE DES 

1 MATIÈRES. 

U. - 

- Divinités 

Page*. 

Sphinx 

Procession d’Abydos . . . 

y . Kamiipc 


Meresger 

Jsis 



Bès 


W - — Fleurs, plantes et arbres .... 

X — Motifs décoratifs 

Plafonds 

! iHinn nnc 


Hathor 



Thot 



Anubis 



Ptah 


UUILMlIJUo . * « # 

Pnrfp 


Sebek 

/ 

1 Dite . 

Goncf, fTcimv 


Khnoum 

/ 

Index des noms égyptiens 

Index 


Khépri 

Amon 





SECOND SUPPLÉMENT. 


G. 2723. — Chat sauvage tourné vers ]a droite. Il tend sa patte gauche vers 
un jeune garçon qui est debout devant lui, le bras levé comme 
pour frapper. Ce personnage est coiffé de trois mèches et porte 
une amulette autour du cou comme les esclaves nubiens des 
planches IV, V, VII, etc. 

Calcaire. 

Dessin noir, lavis rose. 

Marqué : Q 19-1-89. 

Le Caire. Journal d’entrée: 7 201 4 . PI. XCIII. 

2724. — Chat posant ses deux pattes antérieures sur la panse d’une grande 
amphore dans laquelle il semble vouloir se désaltérer. La scène 
se passe au pied d’un arbre à feuilles pointues, probablement 
un perséa. 

Calcaire. 

Dessin noir. Lavis rose. 

Collection particulière. PI. XCIII. 

J. 2725. — Chien à longues oreilles retombantes; les pattes sont allongées 
dans l’attitude de la course. 11 porte un collier; toute la partie 
postérieure du corps manque. 

Calcaire. 

Dessin noir. 

N° d’inv. : 377 5 . 

I. F. A. O. PI. XCIV. 

2726. — Deux hyènes tournées vers la gauche, faisant face à deux chiens. 

Un troisième petit chien debout les «bras» étendus semble 
vouloir servir d’arbitre entre le chien et la hyène hérissée qui 


158 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


s'affrontent au registre inférieur. Au-dessus, la seconde hyène, 
dont il ne reste que la tête, ouvre la gueule et sort la langue 
d’un air furieux; devant elle le chien est en arrêt. 

Calcaire. 

Dessin noir. 

Le Can e» Journal d entree .* ôg^iio. pj XGIV 


M. 2727. Chien courant attelé à un char conduit probablement par un singe 
dont il ne reste plus qu un Iragment de bras ef une main tenant 
les guides. 

Calcaire. 

Dessin noir. Lavis ocre-rouge et noir, 
d’inv. : 37-76. 

I. F. A. O. P1 XCIV 


O. 2728. — Harpiste aveugle tourné vers la droite; il est vêtu d’une robe à 

manches larges et courtes. Sa tête est ceinte d’un bandeau 
noué en arrière. Ses deux mains sont posées sur les cordes de 
la harpe. Le haut de l’instrument est constitué par une tête de 
canard, les plumes servent de motifs décoratifs à la boîte de 
résonance. Les clefs sont alternativement noires et roug’es. 
Toute la partie inférieure de l’ostracon manque. 

Calcaire. 

Dessin noir et ocre-rouge. 

Le Caire. Journal d'entrée ; 6 9/10 g. pj XCIV 

P. 2729 (1) . La déesse Anoukit sous forme de gazelle sortant de la montagne 

thebaine. Elle est tournée vers la gauche, devant elle sont 
posées sur une natte _±_ des offrandes composées de pains, 
de vases à libations et à encens et de végétaux. De l’autre 
cote de ces offrandes, un personnage, le scribe royal Haÿ, en 


(1) Cet ostracon et les quatre suivants ont été trouvés en 1912 dans le temple de Deir 
el-Medineh par M. Baraize qui en a donné la liste dans les Annales du Service des Anti- 
quités, XIII, 1914, p. Ai. 


OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL MÉD1NEH. 


159 


robe plissée, est agenouillé les bras levés dans le geste de l’ado- 
ration. Sa tête est ornée du cône de graisse parfumée et d’une 
fleur de lotus. Au-dessus de cette scène sont inscrites 1 0 lignes 
de texte verticales : i° au-dessus de la gazelle : * — * | +4 

2 0 Au-dessus de 


la table d’offrandes 


LH1 


r^r.niT 

Derrière Haÿ, une ligne de texte verticale dont les signes sont 
aux trois-quarts détruits par la cassure de la pierre 


1 


Calcaire. 

Dessin noir. Lavis rose. 

Marqué : Q. 

Hauteur 0 m. i 3 , largeur 0 m. 2 5 . 

Le Caire. Journal cl? entrée : k 3 660. PI. XCV. 


U. 2730. — Le dieu Seth tourné vers la droite et assis sur un trône à dossier. 

11 a une tête d’animal aux oreilles rectangulaires et un corps 
d homme vêtu d’une tunique à jupe rayée et à corsage orné 
d’un décor de plumes. Il porte une perruque longue, un 
collier et des bracelets aux bras et aux poignets. Sa main 
gauche tient le sceptre ouas et sa droite la croix ansée. Devant 

le visage du dieu, sont tracés les signes : y. 

Calcaire. 

Dessin noir esquissé en rouge. 

Marqué : Q. 

Hauteur o m. 17, largeur o m. i 85 . 

Le Caire. Journal d'entrée : 4365 g. PI. XCV. 


2731. — La déesse Meresger, sous forme de serpent, tournée vers la 
droite. Elle se dresse sur un bassin. Devant elle, une jolie 
coupe en forme de fleur de lotus ouverte contient des offrandes 


(l) Celte pièce a été publiée par Daressy dans les Annales du Service des Antiquités, XVII, 
1918, p. 77. Elle est cassée en cinq morceaux, dont l'un a été retrouvé par Daressy 
et un autre, plus récemment, par M. Bruyère. 


160 


J. VANDIER D’ABBADIE. 


végétales sur lesquelles est posé un bouquet à longues tiges. 
Au-dessus de la déesse est un texte vertical en 3 colonnes : 


— î3sii^— îimi'"Vîifi«‘"- Dei ' ai,tre 

côté de l’ostracon, trois autres lignes de texte verticales, allant 
de gauche à droite, accompagnaient sans doute un perso nnag e 
disparu le sdm-s Ramerv : » *■ ! ^ i I 


Calcaire. 

Dessin noir. Lavis rouge et rose. 

Marqué : Q. 

Hauteur o m. i3, largeur o m. i 6 5 - 

Le Caire. Journal d’entrée : 4366 1 . PL XCV. 

2732. — Vache Hathor montée sur une natte et tournée vers la gauche. 

Entre ses cornes, le disque solaire surmonté des deux plumes. 
La déesse est placée dans un naos dont le toit, peint en rouge, 
est soutenu par une colonnette à chapiteau papyriforme. De- 
vant le naos, une sellette est chargée de fleurs de lotus. Au- 
dessus, quelques signes hiéroglyphiques très effacés. 

Calcaire. 

Dessin noir. Lavis rouge et vert très effacé. 

Marqué : [jj. 

Hauteur o m. iA5, largeur o m. i3. 

Le Caire. Journal d'entrée : k 3 6 63. PI- XCV. 

V. 2733. — Deux personnages vêtus d’une jupe longue marchent vers la 
droite. Ils portent sur leurs épaules un pavois sur lequel est 
posée une barque hathorique. Au milieu de là barque est un 
petit, naos couronné d’une frise d’uraeus. 

Calcaire. 

Dessin noir. Lavis ocre-jaune et ocre-rouge. Très effacé. 

Marqué : [j]. 

! Hauteur o m. 18 , largeur o m. i3. 

Le Caire. Journal d’entrée : h 36 62 . 


PI. XCV. 


Documents de fouilles de l’Institut français du Caire, t. II. 


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2724 



J. Vandier d’Abbadie, O straca figurés de Deir el Médineh. 


Documents de fouilles de l’Institut français du Caire, t. II. 


PI. XCIV. 





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J. Vandier d’Abbadie, Ostraca figurés de Deir el Mêdineh . 



J, Vandier d’Abbadie, Ostraca figurés de Deir el Mcdineh , 





EN VENTE : 

AU CAIRE : chez les principaux libraires et à I’Institut français d’Àrcheologie orientale, 
37, Shareh El-Mounira. 

A PARIS : à ia Librairie d’Amérique et d’Orient, Adrien Maisonneuve, 1 1, rue Saint- 
Sulpice. 

A LA HAYE : chez Martinus Nijhoff, 9, Lange Voorhout